Une série documentaire sur la sombre histoire de l’Ordre du Temple solaire



Ces 74 victimes ont péri dans des circonstances dramatiques : suicides collectifs, incendies criminels, meurtres. Le grand public québécois avait appris l’existence de cette secte, créée en 1984 à Genève, par l’entremise d’un reportage au Téléjournal, réalisé en mars 1993 par le journaliste de Radio-Canada Pierre Tourangeau.

Adeptes de l’ésotérisme, les deux fondateurs de la secte, Jo Di Mambro et Luc Jouret, prônaient notamment le transit, un voyage de l’âme vers la planète Sirius afin d’échapper à la fin du monde, par le biais du suicide.

On a commandé les rapports du coroner de certaines des victimes, et quand on a lu ça, on a pogné de quoi, comme on dit. Là-dedans, il y avait la description en détail de la préméditation et de l’organisation des massacres et des suicides. Il y avait vraiment beaucoup d’informations, a expliqué le réalisateur de la série, Jean-François Poisson, en entrevue à l’émission Pénélope.

Comptant à l’époque 600 adeptes provenant en grande partie des hautes sphères de la société, le mouvement a marqué l’opinion par l’ampleur des horreurs commises, et soulevé plusieurs questions sur les sombres intentions de ses deux fondateurs.

La série documentaire tente de faire la lumière sur ces questions grâce à des entrevues avec des journalistes qui ont couvert l’affaire à l’époque, des témoins et des personnes qui ont survécu à l’OTS.

Di Mambro et Jouret, deux grands manipulateurs

Le 4 octobre 1994, cinq cadavres ont été découverts dans les décombres d’un incendie dans un chalet de Morin-Heights, au Québec. Il s’agissait des dépouilles de la famille Dutoit, assassinée car le père voulait quitter l’Ordre du Temple solaire.

Le lendemain, 48 cadavres ont été retrouvés dans 2 foyers d’incendie en Suisse, dans des circonstances similaires à celles du drame de Morin-Heights. Neuf personnes du Québec y ont trouvé la mort, tout comme Jo Di Mambro et Luc Jouret, fondateurs de l’OTS.

Dans les années suivantes, deux autres drames du genre ont été liés à la secte, au Québec et à Saint-Casimir, en France. Comment toutes ces personnes, menant selon toutes les apparences une vie bien normale, se sont-elles retrouvées embourbées dans ce cycle infernal qui a mené à leur mort?

Je ne sais pas comment chacun est embarqué là-dedans, mais je sais que pour la plupart, c’était des gens bien nantis, des personnes intelligentes, qui avaient j’imagine une grande sensibilité, mais aussi une fragilité. Ce que j’ai compris, c’est que personne n’est à l’abri et les deux gourous avaient une facilité à détecter cette fragilité et à la manipuler, a expliqué M. Poisson.

Un manège financier camouflé derrière l’ésotérisme

À l’époque des drames, le journaliste Pierre Tourangeau travaillait sur le dossier depuis un moment déjà, avec des collègues comme Patrice Roy et Isabelle Craig, qui en étaient au début de leur carrière.

L’équipe s’est vite rendu compte que derrière les prétentions ésotériques de la secte, Di Mambro et Jouret semblaient en réalité être en train de bâtir un manège financier élaboré pour blanchir de l’argent.

On a découvert qu’il y avait des transactions à peu près tous les six mois, parfois plus, sur chacune des maisons. Ils se vendaient ça d’un membre à l’autre, une journée c’était 100 000 $, trois mois plus tard on revendait à 200 000 $, et ainsi de suite, a expliqué le journaliste à la retraite et ancien ombudsman de Radio-Canada, qui a reçu des menaces de mort à l’époque de sa couverture des faits.

On a consulté des experts et c’était manifestement des techniques assez éprouvées de blanchiment d’argent.

Plusieurs questions en suspens

Plusieurs théories entourant l’OTS ont été évoquées, notamment celle selon laquelle la secte était dirigée par de hautes instances. Mais à ce jour, aucune théorie n’a résisté à l’épreuve des faits et le mystère demeure entier, notamment parce que Luc Jouret et Jo Di Mambro sont morts en 1994.

Ce genre de groupes là va toujours être présent. Les gens ont besoin de croire et on vit dans une société qui est anxiogène et complexe. On a eu des exemples l’an dernier avec la secte Nexium aux États-Unis. Le stratagème d’endoctrinement est le même, mais c’est la toile de fond qui change; ce n’était plus l’ésotérisme, mais la croissance personnelle, a conclu Jean-François Poisson. Si la série peut donner des mécanismes de défense aux gens, ce sera déjà ça.

Les six épisodes de la série documentaire L’Ordre du Temple solaire sont sur la plateforme Vrai.



Reference-ici.radio-canada.ca

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