Justin Hall est tombé dans le tonneau un peu par hasard. Rien ne prédisposait vraiment ce membre de la nation Okanagan à s’épanouir professionnellement dans la vigne. Et pourtant. Il peut dire aujourd’hui qu’il a passé presque la moitié de sa vie ici, à serpenter entre les vignes du domaine qui produisent 260 000 bouteilles par an.
Ici
, c’est le domaine Nk’Mip (prononcé inkameep
), situé dans la communauté d’Osoyoos, dans le sud de la Colombie-Britannique. Le domaine s’étend sur 350 acres dans la région la plus chaude et la plus sèche du Canada, et dont la composition du sol est très sablonneuse. C’est d’ailleurs pour ça que son vin est bon, croit Justin Hall.
Le choix de ce domaine professionnel n’était pas vraiment une évidence pour lui.
Plus jeune, il travaille dans la mécanique, mais ce n’est pas là qu’il se voit à long terme. Il est ensuite embauché dans un golf comme saisonnier. À 22 ans, il devient papa et se dit qu’il est temps de se construire une carrière, sans trop savoir laquelle.
Le chef de la communauté d’Osoyoos, Clarence Louie, lui suggère alors de cogner à la porte du Nk’Mip Cellars. Lui qui est habile de ses mains devrait trouver quelque chose. En janvier 2004, il est embauché.
À Nk’Mip, il est d’abord l’homme à tout faire, mais peu à peu, il se découvre une fascination pour le processus de fabrication du vin.
Pourtant, il se souvient bien de sa première expérience peu concluante avec le vin : la première fois que Justin Hall a goûté un merlot, il l’a recraché. C’est quand il a trempé ses lèvres dans un chardonnay, quelque temps plus tard, que la magie a opéré.
Randy Picton, le vinificateur principal, devient finalement son mentor et lui apprend les secrets de la fabrication du vin. Avec le soutien de la communauté, Justin Hall étudie en viticulture et en œnologie et se rend même jusqu’en Australie pour y obtenir un diplôme supérieur de la Lincoln University.
Avec le recul, il concède : retourner aux études n’a pas été facile…
Ses efforts paient toutefois, puisqu’il devient le premier vigneron autochtone d’Amérique du Nord.
Aujourd’hui, il est à la tête de Nk’Mip, installé dans la communauté même et le conseil de bande en est le propriétaire. Il supervise désormais chaque étape de la fabrication du vin : de la récolte à la mise en bouteille. Les cépages y sont variés : cabernet sauvignon, merlot, pinot blanc, syrah…
Plus de 50 ans après y avoir fait pousser les premières vignes, le vignoble abrite maintenant un complexe hôtelier et un terrain de golf et embauche beaucoup d’Autochtones de la communauté qui compte presque 600 membres.
En effet, le domaine participe grandement au développement économique d’Osoyoos. On n’a pas de pétrole, pas de gaz, mais on a des vignes. Et le chef pousse pour qu’on dépende moins du gouvernement
, explique Justin Hall au bout du fil.
Et quand la vie te donne des citrons, tu fabriques de la limonade
, dit-il en souriant, pour illustrer le désir de la communauté de baser son développement sur ses propres ressources disponibles.
L’énorme partie (90 %) des bouteilles est vendue en Colombie-Britannique et il faut dire que Justin Hall n’est pas intéressé tant que ça à exporter en Europe ou aux États-Unis.
Y a-t-il une manière autochtone
de faire du vin? Lorsqu’on lui pose la question, Justin Hall répond à la blague : Tu dois porter une plume…
. Le patron a beaucoup d’humour, il faut dire. La question lui semble incongrue.
Plus sérieusement, Justin Hall raconte qu’il est plutôt tiraillé entre la nécessité de s’occuper des vignes à l’automne, alors que la saison de la chasse bat son plein pour toute la communauté d’Osoyoos.
Près de 20 ans après son premier jour à Nk’mip, Justin Hall est plus passionné que jamais. Ce n’est pas juste un métier, c’est une passion, c’est ma vie. Je ne suis pas le meilleur vigneron, mais je ne suis pas si pire. Je rends les gens heureux quand ils boivent notre vin. L’entreprise est aussi une partie de moi, finalement
.
En juin dernier, son mentor a pris sa retraite. Depuis, il est au sommet et il est donc devenu le nouveau vigneron en chef du domaine.
Reference-ici.radio-canada.ca