Quelques heures après le bombardement de l’hôpital #3 de Marioupol, en Ukraine, qui a fait jusqu’ici trois morts, dont un enfant, l’ambassade russe en Israël publiait un tweet qui tentait non seulement de minimiser l’affaire, mais de justifier l’attaque.
La vérité est que l’hôpital néonatal n’était pas en fonction depuis le début de l’opération spéciale militaire russe en Ukraine. Les médecins ont été chassés du bâtiment par des militants du bataillon nationaliste Azov
, peut-on lire.
Le tweet reprend la formulation privilégiée par le gouvernement russe pour décrire l’invasion de l’Ukraine, opération spéciale militaire
, et fait allusion au bataillon d’Azov, un groupe paramilitaire d’extrême droite à l’origine, intégré depuis à l’armée régulière ukrainienne, que le Kremlin évoque souvent pour justifier la campagne de dénazification
du pays qu’il affirme mener.
Comme le rapportait jeudi la BBC (Nouvelle fenêtre), l’information selon laquelle l’hôpital n’accueillait pas de patients depuis le début de l’invasion, le 24 février, ne tient pas la route. D’une part, l’hôpital a lancé un appel à l’aide la semaine dernière, affirmant avoir besoin de carburant pour pouvoir continuer de traiter des patients.
D’autre part, le réseau américain ABC avait visité l’hôpital en question le 2 mars et avait rapporté que l’établissement avait déménagé l’aile néonatale au sous-sol (Nouvelle fenêtre) du bâtiment afin de pouvoir traiter des blessés de guerre.
Le tweet de l’ambassade russe en Israël contenait aussi une image de blindés à proximité d’un bâtiment, l’idée étant de démontrer que l’armée ukrainienne se trouvait près de l’hôpital.
En fait, l’image en question circule sur les réseaux sociaux depuis au moins le 28 février. Dans plusieurs blogues et publications sur les réseaux sociaux russes, on mentionne qu’il s’agit de chars ukrainiens postés près d’une école maternelle ou d’une garderie. On accuse ensuite l’armée ukrainienne de mettre la vie d’enfants en danger.
Un article d’un blogue français (Nouvelle fenêtre) affirmait d’ailleurs avoir géolocalisé le bâtiment en question, suggérant qu’il s’agissait de l’école maternelle #148, à Marioupol.
À l’aide de Google Earth et d’éléments visuels présents dans l’image publiée dans le tweet, nous avons réussi à définitivement géolocaliser le bâtiment. Il s’agit d’un édifice situé dans l’est de la ville de Marioupol.
Cet édifice (Nouvelle fenêtre) se retrouve à plus de 10 km de l’hôpital bombardé par l’armée russe mercredi.
De plus, il ne s’agit pas d’une école maternelle ou d’une garderie, mais bien d’une école d’arts martiaux et d’un gym, selon le moteur de recherche russe Yandex (Nouvelle fenêtre).
Une influenceuse accusée d’être une actrice
Jeudi matin, l’ambassade russe au Royaume-Uni y est allée d’une autre affirmation douteuse sur Twitter, affirmant qu’une jeune maman qu’on a vue dans les photos de l’attaque contre l’hôpital était en fait une actrice.
Le tweet fait remarquer que la jeune femme est en fait une influenceuse de beauté ukrainienne et qu’elle portait du maquillage
pour faire croire qu’elle avait été blessée. Les tweets ont été retirés par le réseau social jeudi matin.
Rien n’indique que la jeune femme est une actrice. Sur son compte Instagram, qui cumule en effet quelque 22 000 abonnés, elle avait d’ailleurs annoncé sa grossesse le 25 janvier dernier. Selon ses réseaux sociaux, elle habite en effet à Marioupol.
Depuis le début de l’invasion, elle a publié une liste de refuges d’urgence pour les habitants de la ville souhaitant se protéger d’attaques. Sur son compte Telegram, elle a récemment publié le numéro de téléphone d’une gynécologue obstétricienne qui offre des consultations par visioconférence dans la ville de Marioupol.
Le fait qu’une femme enceinte habitant à Marioupol se soit retrouvée dans un hôpital néonatal à Marioupol, peu importe si elle détient un compte Instagram ayant atteint un certain seuil de popularité, n’est pas en soi une preuve qu’elle est une actrice. Mis à part son métier d’influenceuse, aucune autre information n’a été mise de l’avant par la Russie pour suggérer que sa présence à l’hôpital néonatal de Marioupol ne soit autre chose qu’une visite occasionnée par son état de grossesse avancée.
Jeudi matin, nous avons pu constater que son compte Instagram était submergé d’insultes la qualifiant d’actrice à la solde de la propagande ukrainienne.
Reference-ici.radio-canada.ca