Les agents correctionnels ont plus souvent recours à la force face aux Autochtones



Le 48e rapport annuel du BEC déposé jeudi au Parlement porte sur divers enjeux systémiques en milieu carcéral, dont le recours à la force, les services correctionnels pour femmes, l’enfermement restrictif et le suicide en prison.

L’analyse du recours à la force, qui se base sur près de 10 000 incidents s’étant produits de 2015 à 2020, a attiré l’attention de l’enquêteur correctionnel en raison du lien troublant relevé entre la race et les incidents.

Je suis particulièrement préoccupé par les conclusions de notre enquête, a déclaré l’enquêteur correctionnel Ivan Zinger en conférence de presse jeudi. Les conclusions cumulatives font état de lacunes sérieuses quant au respect en matière de détention sécuritaire et humaine par Service correctionnel Canada.

D’après les conclusions de cette analyse, les personnes de couleur – et tout particulièrement les Autochtones –, sont surreprésentés lors des incidents de recours à la force et à l’inverse, les Blancs se trouvent sous-représentés.

Les chiffres présentés dans le diagramme ci-dessus s’expliquent en grande partie par la proportion croissante de femmes autochtones en détention fédérale qui, au cours de la période étudiée, représentaient 60 % de toutes les femmes impliquées dans les incidents de recours à la force, tout en constituant 40 % de l’ensemble des détenues.

Indépendamment du niveau de risque, du niveau de sécurité, de l’âge, de la durée de la peine ou du sexe, le fait qu’une personne incarcérée s’identifie comme étant autochtone ou noire était associé à une plus grande probabilité d’implication dans un incident de recours à la force , a précisé M. Zinger.

Service correctionnel Canada sur la défensive

Selon l’enquêteur correctionnel, cette situation est le reflet du racisme systémique préexistant dans la société en général et peut être attribuable à un manque de formation. Le personnel correctionnel est peut-être mal équipé pour désamorcer certaines situations de manière efficace lorsqu’il s’agit de personnes autochtones ou noires. Il peut s’agir de barrières culturelles, de préjugés inconscients, a avancé M. Zinger.

À son avis, un premier pas dans la bonne direction consisterait à reconnaître l’existence du racisme systémique, ce que n’a pas fait l’agence fédérale. La réponse que j’ai reçue [de Service correctionnel Canada] est, à mon avis, sur la défensive et inappropriée. Ils n’acceptent tout simplement pas les conclusions de notre enquête, a déploré M. Zinger en conférence de presse, en insistant à plusieurs reprises sur sa déception.

Dans sa réponse au rapport (Nouvelle fenêtre), Service correctionnel Canada a notamment souligné les efforts inlassables en vue de gérer la pandémie de ses membres du personnel et a rappelé son bilan en la matière.

À la recommandation du BEC d’élaborer rapidement un plan d’action, l’agence fédérale a remis en question l’exhaustivité des données étudiées lors de l’enquête et a indiqué son intention de recourir à des consultants externes par souci d’impartialité.

Le SCC consultera un groupe d’intervenants […] afin de leur demander d’effectuer une analyse complète des données sur les incidents de recours à la force pour s’assurer que seules les stratégies nécessaires et proportionnelles ont été utilisées pour les gérer. L’analyse sera réalisée de concert avec les intervenants pour déterminer si le MEI [modèle d’engagement et d’intervention] a été appliqué avec impartialité. Si des tendances se dégagent de l’analyse, le SCC élaborera un plan d’action en consultation avec les intervenants afin de corriger les lacunes cernées.

Service correctionnel Canada compte amorcer ses consultations bientôt et prévoit achever le plan d’action d’ici l’été 2022 .

Pour Ivan Zinger, cette promesse dénote un manque de sensibilité : Le plan d’action aurait dû commencer dès qu’ils ont reçu mon rapport. Ce plan comprendrait des éléments comme la formation, l’établissement de meilleures relations avec les populations plus méfiantes et la recherche de solutions. Je ne suis pas convaincu que Service correctionnel Canada ait reconnu le rôle que la race semble jouer dans la façon dont la force est appliquée, à quelle fréquence elle est utilisée et contre qui.

Le 48e rapport du BEC souligne également que la majorité des recommandations de la publication La création de choix (1990) pour améliorer le sort des détenues ont été abandonnées au profit d’un cadre qui place la sécurité et le contrôle au premier plan des services correctionnels pour femmes.



Reference-ici.radio-canada.ca

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