Le Nouveau-Brunswick a presque refusé l’organisation des Jeux du Canada 2029


Pendant plusieurs mois, des fonctionnaires ont travaillé très fort pour démontrer l’importance d’accueillir l’événement.

Mercredi, le gouvernement du Nouveau-Brunswick confirmait qu’il acceptait de présenter les Jeux du Canada à l’été 2029. C’est le plus grand événement multisports du pays, avec 2000 athlètes qui compétitionnent dans une vingtaine de sports.

Pendant que, sur les médias sociaux, des ministres du gouvernement Higgs se félicitent donc de l’annonce de la venue des Jeux du Canada au Nouveau-Brunswick, en coulisses, ce même Cabinet était frileux à l’idée d’accueillir un tel événement, selon ce que Radio-Canada a appris.

Dans le calendrier des Jeux du Canada, une rotation est prévue entre les provinces et les territoires pour accueillir ces compétitions. L’été 2029 était la date réservée pour le Nouveau-Brunswick.

Mais des sources ont souligné que le spectre de l’annulation, par le gouvernement Higgs, des Jeux de la Francophonie 2021 planait encore et beaucoup de questions sur les coûts réels de l’organisation ont été posées.

D’ailleurs, le sentiment d’incertitude semblait assez fort pour que les villes de Trois-Rivières et de Shawinigan, au Québec, s’unissent afin de préparer un dossier de candidature pour les Jeux de 2029, au cas où le Nouveau-Brunswick se désisterait.

Du Nouveau-Brunswick, on a régulièrement du monde qui nous a appelés, confirme Claude Villemure, président du comité de candidature en Mauricie. On levait la main pour dire que nous étions intéressés. Ça s’est fait en tout respect.

Il répond aux questions de la journaliste.

Claude Villemure est un entrepreneur et restaurateur de Shawinigan, au Québec. Il était le président de la candidature des Jeux en Mauricie.

Photo : Radio-Canada

À ce moment, M. Villemure avait fait des contacts avec le Yukon pour tâter le terrain pour un partage possible de la présentation des Jeux d’été de 2027.

Puis, l’homme d’affaires a entendu des bruits provenant de Fredericton, sur la lenteur des procédures.

« C’était venu aux oreilles de certaines personnes. On avait des contacts. On a même des amis au Nouveau-Brunswick qui nous tenaient au courant et qui nous disaient que oui, au gouvernement (néo-brunswickois), ça se parle. »

— Une citation de  Claude Villemure

La ministre du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture du Nouveau-Brunswick, Tammy Scott-Wallace, nie ces informations.

Je ne sais pas d’où ça vient, soutient-elle.

S’il n’y avait pas de problèmes, pourquoi alors des gens affaires sérieux et des sportifs reconnus en Mauricie auraient consacré autant de temps pour une candidature? La ministre ne sait que répondre et dit qu’elle n’est pas au courant des démarches du Québec.

Tammy Scott-Wallace interviewée.

Tammy Scott-Wallace, ministre du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture du Nouveau-Brunswick.

Photo : Radio-Canada

Pourtant, des sources au sein de l’appareil gouvernemental néo-brunswickois ont affirmé à Radio-Canada que les présentations au Cabinet ont été frustrantes par moment et que les conversations portaient surtout sur les infrastructures existantes plutôt que sur le concept d’accueillir les Jeux et sur le développement du sport.

Ces sources ne sont pas autorisées à parler aux médias. Elles nous permettent tout de même de jeter un éclairage sur le processus décisionnel en coulisses.

Deux d’entre elles nous ont dit que le gouvernement Higgs ne voulait pas revivre le fiasco des Jeux de la Francophonie 2021.

Le budget prévu pour l’organisation avait explosé, selon Blaine Higgs, en décembre 2018. Des coûts s’étaient ajoutés en cours de route, notamment en infrastructures.

Tammy Scott-Wallace nie que des conversations ont porté sur un désistement pour les Jeux du Canada. Mais elle avoue qu’elle a effectivement demandé plus de temps à la direction des sports et des loisirs de son ministère d’évaluer plus en profondeur la situation.

La foule regarde les joueurs sur le terrain de football.

Le stade de l’Université de Moncton fait partie de la liste des endroits qui pourraient accueillir des compétitions des Jeux 2029.

Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe Hughes

C’était l’occasion de faire l’inventaire, je suppose, de ces installations, se défend la ministre. Je suppose que c’était des vérifications nécessaires, plus que d’autres choses.

Techniquement, la province respecte les échéanciers prévus par le conseil des Jeux du Canada. Le Nouveau-Brunswick devait offrir une réponse avant le 31 mars, nous confirme Kelly-Ann Paul, cheffe de la direction du Conseil.

Selon moi, le gouvernement a pris du bon temps pour prendre leur décision, explique-t-elle. Pour être honnête, on est heureux avec le processus suivi du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Les finances ont aussi été confirmées en temps.

Petit budget, petites ambitions

Le budget des Jeux 2029 est établi à 39 millions de dollars, pour l’organisation et les infrastructures.

Le Nouveau-Brunswick donnera 10,35 millions, le gouvernement fédéral injectera 13,24 millions, tandis que la contribution de la région ou de la ville hôtesse sera de 16 millions de dollars.

Le montant de la subvention fédérale fait sourciller Claude Villemure, qui croit que le Nouveau-Brunswick a bien joué ses cartes.

Selon nos vérifications, lors des dernières éditions, le fédéral octroyait environ 11 millions de dollars.

À un moment donné, j’ai trouvé ça brillant, parce que la rumeur qui circulait, c’est que, en 2031, le gouvernement (fédéral) était pour augmenter les subventions de beaucoup (pour les Jeux), explique-t-il.

Donc, moi, ce qui est arrivé à mes oreilles, c’est que le Nouveau-Brunswick, ça les faisait hésiter… en se disant: si on attend un peu, on va avoir beaucoup plus d’aide que si on les prend tout de suite, estime-t-il.

En comparaison, les Jeux d’été en 2013 à Sherbrooke (une ville de la taille de Moncton) disposaient d’un budget de 50 millions.

Cérémonie d'ouverture des Jeux du Canada de 2013 à Sherbrooke.

Les Jeux du Canada d’été ont eu lieu à Sherbrooke en 2013. Après la remise du bilan, un déficit de 364 000 $ a été déposé.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Les Jeux d’hivers de 2023, à l’Île-du-Prince-Édouard, ont un budget de 54 millions, dont 11 millions provenant du fédéral.

L’argent, le nerf organisationnel

Des nageurs à la piscine Pan Am

La piscine des Jeux du Canada à Winnipeg a profité de rénovations en 2017.

Photo : Travis Golby/CBC

Des villes comme Winnipeg et Niagara ont profité de la vue des Jeux pour améliorer ou faire construire de nouvelles infrastructures sportives. La facture était alors payée à parts égales par les trois paliers de gouvernement.

Pour le moment, il n’est pas question pour le Nouveau-Brunswick de financer la construction d’installations sportives nouvelles.

S’il y a un besoin, l’hôte des Jeux devra piger le budget préétabli, à moins de trouver de l’argent ailleurs.

Ville ou région hôtesse?

Des vélos se suivent sur une butte.

Les Jeux 2029 pourraient se tenir dans une même ville, dans une région ou être décentralisés en province.

Photo : Radio-Canada / Mathieu Bernier

Plusieurs fois, au cours de l’entrevue, la ministre Scott-Wallace parle beaucoup de collaboration. Est-ce que ça veut dire qu’on doit s’attendre à une candidature conjointe entre plusieurs villes?

Je ne veux pas juger à l’avance, déclare-t-elle. Mais, toutes les villes n’ont pas une piscine olympique, par exemple. Elle ajoute que des épreuves des Jeux 2023 à l’Île-du-Prince-Édouard vont se dérouler à la montagne Crabbe, à Fredericton.

L’emplacement de l’édition 2029 des Jeux sera décidé en 2025. à peine 4 ans avant le début de l’événement. L’appel aux candidatures commencera en 2023.

À titre comparatif, l’attribution des jeux d’hiver en février 2003 aux régions Restigouche et Chaleur s’est faite en avril 1997.

Kelly-Ann Paul confirme que la confirmation de la région hôtesse respecte les échéanciers. Le Conseil est satisfait du processus, dit-elle. Il y aura assez de temps pour se préparer.

Les retombées économiques varient de 90 à 110 millions de dollars, selon la région hôtesse.



Reference-ici.radio-canada.ca

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