Bobsleigh Canada Skeleton: des athlètes se vident le cœur


D’après un texte de Nick Murray, de CBC

Un groupe de plus de 80 athlètes, actuels ou retraités, demande maintenant le départ de la présidente de Bobsleigh Canada Skeleton, Sarah Storey, et du directeur de la haute performance Chris Le Bihan. Ils étaient 60 la semaine dernière.

Ces athlètes se sont plaints à BCS la semaine dernière de problèmes de culture, de sécurité, de transparence et de gouvernance, affirmant que le personnel prend des décisions arbitraires sur des questions telles que la sélection des équipes sur la base de préjugés et qu’il se soucie peu de la sécurité des athlètes, entre autres.

L’organisation a fait appel à un médiateur dans son dialogue avec les athlètes.

Kori Hol, jadis l’une des bobeuses canadiennes les plus prometteuses, a été impliquée dans trois accidents en piste en l’espace de quatre jours dans les sélections canadiennes en vue de la saison 2020-2021. Elle s’est chaque fois cogné la tête.

Elle allègue que BCS n’a pas suivi le protocole pour les commotions cérébrales qui doit s’enclencher en pareilles circonstances. Ce n’est qu’après son troisième accident qu’un thérapeute est venu la voir pour une évaluation, soutient-elle.

Comme une douzaine d’athlètes, toujours actifs ou retraités, interviewés par CBC depuis les Jeux de Pékin, Kori Hol estime que BCS a manqué à ses devoirs en ce qui concerne la sécurité de ses athlètes.

Au moment de passer des examens médicaux, je n’ai pas été accompagnée par des membres de l’équipe ou par un thérapeute, regrette-t-elle. On m’a dit de me rendre moi-même en voiture à une clinique, où on m’a confirmé que j’avais subi une commotion cérébrale.

Les athlètes sont tenus de rapporter à l’équipe médicale de la fédération un coup à la tête qu’ils ont subi, mais il n’en va pas ainsi dans la pratique, ajoute l’ancienne athlète, parce que ce n’est pas dans la culture de BCS.

La plupart des athlètes compétitionnent même s’ils ont subi des commotions cérébrales, sinon ils perdent leur place. C’est bien implanté : on se relève et on continue. C’est la culture dans laquelle on a été élevés, raconte-t-elle.

« J’ai menti pour me faufiler à travers le protocole de commotions cérébrales. Je disais que j’allais bien, je retournais rapidement à l’entraînement, pour la seule raison que si tu n’y retournes pas, tu perds ta place. C’est évidemment très dangereux. »

— Une citation de  Kori Hol, ancienne bobeuse canadienne

C’est troublant de savoir que des athlètes ont pu contourner le protocole, a commenté la présidente de BCS, Sarah Storey, lorsque questionnée par CBC. La dernière chose que l’on veut, ce que quelqu’un se sente obligé de s’entraîner ou de compétitionner quand il est blessé.

Kori Hol, 29 ans, aurait aimé se rendre aux Jeux de Pékin. Elle a été retranchée de l’équipe canadienne après sa blessure à la tête la saison dernière.

BCS soutient que ce sont ses résultats à l’entraînement sur glace et en gymnase qui lui ont coûté sa place dans l’équipe canadienne.

Pendant sa rééducation de trois mois après sa commotion cérébrale, personne au sein de la fédération ne s’est informé de son état ou simplement pris de ses nouvelles, dit l’athlète. Après ces trois mois, elle a décidé de prendre sa retraite.

J’étais au plus bas après ma commotion, après avoir tant donné à mon sport, dit-elle. De tout perdre à cause d’une commotion, d’être écartée de l’équipe et de n’avoir aucune nouvelle de Bobsleigh Canada Skeleton, ça m’a brisé le cœur.

Kori Hol garde chez elle le casque qu’elle portait quand elle a subi sa commotion, pour se rappeler ce qu’elle a dû endurer dans la pratique de son sport.

Un parcours de combattant pour l’or olympique

Le freineur Alex Kopacz, lui, soutient que BCS l’a incité à continuer de s’entraîner et de compétitionner malgré une blessure dans les deux saisons menant aux Jeux olympiques de Pyeongchang, en 2018, où il a gagné l’or avec Justin Kripps en bob à deux.

Kopacz a subi une déchirure musculaire à une cuisse en 2016-2017. Un autre athlète de haut niveau a ensuite tenté un retour à la compétition, ce qui a compliqué les choses.

Je me souviens d’être allé parler au directeur de la haute performance [Chris Le Bihan] et je lui ai fait part de mes craintes : “Je ne sais pas ce qui se passe, ça fait très mal”. Et on m’a dit que si je ne faisais pas d’essai, il n’y avait pas de précédent pour me permettre de conserver ma place dans l’équipe, a-t-il confié à CBC.

Alex Kopacz a battu son adversaire dans cet essai, mais a aggravé sa blessure.

« C’était ridicule. J’avais déjà démontré que j’étais le meilleur freineur avant le retour de cet athlète. Je suis resté le meilleur freineur, mais ma blessure à l’adducteur s’est détériorée, et j’ai été sur la touche pendant six mois. »

— Une citation de  Alex Kopacz, freineur

La saison suivante, celle qui devait le mener aux Jeux, il estime qu’il courait le risque de se déchirer un quadriceps, mais que Le Bihan lui a fait savoir que s’il lui donnait un passe-droit pour garder son poste, d’autres athlètes pourraient réclamer ce même privilège.

Deux bobeurs à l'arrivée.

Les Canadiens Justin Kripps et Alexander Kopacz ont décroché l’or en 2018

Photo : Radio-Canada

Mise au parfum par les allégations d’Alex Kopacz, la présidente Storey a dit qu’elle ne pouvait commenter une discussion privée qui s’est passée entre un athlète et Chris Le Bihan.

Invité à commenter le dossier, Chris Le Bihan a indiqué à CBC qu’il n’était pas disponible pour un entretien.

Sarah Storey indique qu’il est possible pour un athlète d’obtenir une exemption médicale pour des essais. Dans la compréhension qu’il avait de sa situation, Kopacz pensait qu’une exemption médicale ne l’aurait pas assuré de conserver son poste.

Une plainte pour racisme

Le skeletoneur métis Kevin Boyer, qui a participé aux Jeux de Pyeongchang en 2018, a, lui, formulé une plainte à Bobsleigh Canada Skeleton en 2019 pour le surnom de chef (chief) par lequel il était souvent désigné par son entraîneur Charles Wlodarczak.

Je lui ai dit à plusieurs reprises d’arrêter, mais il pensait que c’était une bonne blague, se souvient l’athlète.

Ses coéquipiers avaient confronté l’entraîneur à ce sujet, en vain.

Le skeletoneur canadien Kevin Boyer, en pleine descente

Le skeletoneur canadien Kevin Boyer dans une compétition de skeleton aux Jeux olympiques de PyeongChang.

Photo : afp via getty images / MARK RALSTON

Un employé de BCS, après avoir constaté l’irritation de Kevin Boyer au bilan de fin de saison en présence de Charles Wlodarczak, a approché l’athlète pour lui demander ce qui le tracassait. Ce dernier lui a alors raconté l’abus verbal dont il était victime et il a été décidé d’en informer Sarah Storey.

Par courriel, la présidente de BCS a ensuite demandé à Kevin Boyer s’il se sentait à l’aise de participer à une réunion avec Wlodarczak. Boyer a répondu qu’il n’appréciait pas être en présence de son entraîneur et allègue que la fédération a mal géré sa plainte.

On m’a simplement dit que je devais mieux travailler avec Charles, qu’il n’était pas mal intentionné, qu’il fallait trouver une façon de s’entendre. Il n’y a pas eu d’enquête ou de suivi, déplore-t-il.

Sarah Storey a répondu à CBC que BCS ne lui a pas demandé de mieux travailler avec son entraîneur. Elle se défend aussi de ne pas avoir donné suite à la plainte.

La rencontre qu’elle a proposée avec l’entraîneur était pour rendre le processus moins formel, a-t-elle précisé.

« Quand Kevin nous a dit qu’il n’était pas l’aise avec cette rencontre ou une médiation, nous avons expliqué le problème à notre expert en ressources humaines et avons exigé que l’entraîneur travaille avec un expert en ressources humaines pour que cette situation ne se reproduise plus.  »

— Une citation de  Sarah Storey, présidente de Bobsleigh Canada Skeleton

Contacté par CBC, Charles Woldarczak s’est excusé sans réserve pour les propos qu’il a tenus à l’endroit de Kevin Boyer. Ils étaient insensibles et inappropriés, a-t-il ajouté.

« En tant qu’entraîneur, il est important d’offrir ce qu’il y a de mieux aux athlètes et à l’équipe en tant que leader. J’ai failli à cette tâche en tenant un langage inapproprié. »

— Une citation de  Charles Woldarczak, ancien entraîneur à BCS

Charles Woldarczak a quitté son poste d’entraîneur à BCS quelques mois plus tard, précise Sarah Storey, mais sans indiquer les raisons parce que c’est une question de ressources humaines.

Kevin Boyer soutient qu’on ne l’a jamais informé que son entraîneur a été contraint de travailler avec un expert en ressources humaines, et n’a pas poussé plus loin sa plainte.

« C’est comme si j’avais perdu foi en tout après ça, dit-il. On nous a toujours dit qu’il s’agissait des personnes vers qui se tourner en cas de problème. Et comme elles ne s’en sont pas vraiment occupé, je n’avais pas espoir que ça pourrait être fait plus haut. Ils ont balayé ça rapidement, comme si ce n’était rien. »

— Une citation de  Kevin Boyer, skeletoneur

Ma relation avec Charles s’est vraiment détériorée et c’était difficile de faire partie de cette équipe.

Ça me rend triste que Kevin se sente comme ça, a réagi Sarah Storey. Je suis désolée qu’il se sente comme ça, ce n’était pas notre intention.

On s’est informé auprès de lui pour savoir s’il était OK et pour dire : “que se passe-t-il et comment peut-on s’occuper de ça?”.

La présidente de BCS ajoute que les actions entreprises par BCS respectaient les souhaits de Kevin Boyer.

On a donné suite à cette histoire, l’équipe a été mise au courant, et je lui en ai parlé, a ajouté Storey. Je suis désolée s’il a l’impression que je me suis mal exprimée, mais jamais je ne lui ai dit : “tu dois mieux travailler avec Charles”. Je ne travaille pas ainsi.



Reference-ici.radio-canada.ca

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