Analyse | À défaut de son génie, s’inspirer de ses valeurs



Difficile de savoir exactement ce que tous ces joueurs qui ont défilé dans l’uniforme bleu-blanc-rouge en pensent exactement, au-delà des discours de circonstances où tout est dit dans les règles de l’art. Pour ne froisser personne.

L’histoire? Bien sûr, on la connaît. Les anciens? Une inspiration de tous les instants. L’importance de l’organisation comme véhicule identitaire pour la société québécoise? Évidemment.

N’empêche que, et c’est bien compréhensible, ça demeure toujours plus difficile de saisir une réalité locale lorsqu’on n’a pas nécessairement baigné dedans dès sa plus tendre enfance.

L’hommage à Guy Lafleur, dimanche soir, était révélateur. Plus de neuf minutes d’ovation devant un chandail sur l’écran géant. À deux reprises, l’annonceur-maison Michel Lacroix a été interrompu pour la foule qui n’avait pas l’intention de cesser ses clameurs.

Une soirée hommage sobre, émotive, chargée d’histoire. Selon certains vétérans sur la passerelle de presse, une ovation comparable à celle qu’a reçue Maurice Richard le soir du dernier match au Forum de Montréal.

Qu’est-ce qui pouvait bien passer par la tête des joueurs du CH pendant ces longues minutes, tous trop jeunes pour se rappeler des prouesses du grand monsieur? La solennité du moment, son intensité a bien dû faire son petit effet.

S’ils ne savaient pas ce qu’était le CH pour la province de Québec, je pense qu’ils le savent maintenant, a laissé tomber Martin St-Louis.

C’est à souhaiter en effet. Car n’en déplaise à l’Arizona, à Columbus ou à San José, les vedettes qui y poussent sont rarement partie intégrante de l’identité d’une société.

Le propriétaire Geoff Molson le disait lui-même vendredi, jour du décès de Guy Lafleur : les Québécois ont l’impression que l’équipe leur appartient. Et les joueurs servent de cordon entre les deux.

Même hier, à Ottawa, on a vraiment joué pour lui. On disait que le Québec avait besoin de nous pour passer au travers ça. Il était tellement important pour la province qu’on voulait jouer du bon hockey pour que la province réussisse à faire son deuil, a expliqué Samuel Montembeault après le match dimanche soir.

Tout le monde sait qui est Guy Lafleur. C’était un moment spécial. Tout le long, j’avais le motton. C’étaient des émotions assez fortes. Dans 20, 30 ans, on va en reparler et je vais m’en rappeler, a ajouté Mathieu Perreault.

Il y avait de l’électricité dans l’air. Les 12 anciens du CH présents se sont assis directement derrière le banc de l’équipe. Pour Alexander Romanov, par exemple, disait Montembeault, l’image était forte. C’était aussi un petit cours d’histoire de la flanelle en accéléré.

À la fin de la joute, Brendan Gallagher a rassemblé ses coéquipiers sous la bannière du célèbre no 10 afin qu’ils le saluent tous, bâton en l’air, une dernière fois.

Un gros geste de respect, a estimé Martin St-Louis.

L’entraîneur a ensuite élaboré sur l’importance du legs laissé par les joueurs dans leur carrière, de la passation du flambeau, de l’apprentissage du décorum et du leadership dans cette ligue aux codes bien particuliers. Gallagher incarnant ces valeurs selon l’entraîneur.

« Tous les gars qui ont vécu ça ce soir le ressentent. Le moment sur le banc pendant l’ovation, il n’y a pas un gars qui ne peut pas vivre ça avec intensité. C’est un moment tout simplement incroyable. »

— Une citation de  Mathieu Perreault

Tu ne veux jamais tenir pour acquis que tu joues pour le Canadien. L’équipe avec la plus grande histoire. Il y a les chandails au plafond, tu veux saisir le flambeau, a lancé Nick Suzuki, un homme dont on attendra qu’il s’en saisisse, justement.

Il faudra s’en inspirer de cet homme car le jeu sur la glace est plutôt désolant. Vous a-t-on dit que le Canadien s’est incliné 5-3 contre ces éternels rivaux, les Bruins?

Qu’il s’agit d’une neuvième défaite d’affilée, toutes en temps réglementaire, et que le CH en totalise maintenant 49 du genre. L’ancien triste record, atteint en 2017-2018, était de 40.

Ça va mal au Centre Bell. Plus mal que jamais dans l’histoire en fait, ce qui rend d’autant plus grinçante l’ironie de cette célébration, cette commémoration d’un des plus grands de l’organisation, sinon du plus grand, au moment exact où, en 113 ans d’histoire, l’équipe atteint les bas-fonds.

Guy Lafleur ne se serait pas gêné pour dire tout le bien qu’il aurait pensé de cette édition, à n’en point douter.

Alors si ce n’est de son génie sur la glace, puisse ces joueurs, liés malgré tout par un même logo, s’inspirer de ses valeurs, de son charisme et, surtout, de son accessibilité, de son humilité. On peut bien rêver.

Ça rendrait probablement bien plus digeste ces tristes moments de la grande histoire de cette désormais petite équipe.

En rafale

Patrice Bergeron, à qui son entraîneur Bruce Cassidy a offert de demeurer à Boston pour prendre un petit congé bien mérité, a terminé sa soirée de travail avec deux buts et une passe. Avant le match, le Québécois a mentionné qu’il n’aurait jamais voulu manquer cette soirée. C’est rien de le dire, il n’a rien manqué, et s’est mérité la première étoile de la rencontre.

Les arbitres ont connu une soirée difficile, foi de Perreault. L’une de ses décisions hasardeuses a été d’offrir un lancer de punition à Erik Haula sur une soi-disant infraction à Mike Hoffman qui donnait toutes les apparences d’avoir effectué le plus beau repli défensif de sa carrière.

Haula a compté…après avoir d’abord raté la rondelle la première fois qu’il s’est élancé. Mais comme il ne l’a pas touchée, il a pu la reprendre et poursuivre la séquence. Montembeault en est resté penaud.

Je ne comprenais pas trop ce qui se passait. Je ne connaissais pas le règlement disant qu’il fallait qu’il frôle la rondelle pour ne pas que ça compte. Marchand, l’an dernier contre les Flyers, avait fait la même chose et ça n’avait pas compté. Je me demandais ce qui se passait. Même la foule s’est mise à crier. Lui non plus, je pense, ne comprenait pas. C’était vraiment bizarre, mais il aurait quand même fallu que je l’arrête.

Josh Anderson, pour sa part, a semblé être motivé par la cérémonie d’avant-match. Un but, huit tentatives de tir, cinq mises en échec et de toutes les joutes verbales avec Derek Forbort et autres Brad Marchand. Une belle façon de secouer sa torpeur récente.



Reference-ici.radio-canada.ca

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