Albert LeGatt revient sur la rencontre des Autochtones avec le pape


Vendredi dernier, le pape François a présenté ses excuses aux Inuit, Métis et Premières Nations pour les mauvais traitements qu’ils ont subis de la part de membres de l’Église catholique. Monseigneur LeGatt était dans la salle.

Vous avez indiqué cet automne que vous alliez au Vatican pour écouter. Qu’est-ce que vous avez entendu?

Ce que j’ai bien saisi, c’était surtout la note de l’écoute, la qualité de l’écoute du pape. Chaque fois, dans les conférences de presse suivant les audiences, c’était très clair que le Saint-Père s’est vraiment mis à l’écoute de ce que ces gens-là voulaient partager.

Le pape assis seul à une chaise, à plusieurs mètres de plusieurs personnes habillées en vêtements traditionnels.

Une délégation autochtone rencontre le pape François au Vatican le 1er avril 2022.

Photo : Reuters / Vatican Media

C’était des audiences d’une heure, mais avec les Premières Nations ça a continué au-dessus de deux heures alors, vraiment, on parlait de l’écoute du pape.

Racontez-nous la scène, lorsque le pape a présenté ses excuses à la délégation.

C’est dans la salle Clémentine, c’est une salle [de] la Renaissance, décorée, qui voulait parler à ce temps-là du pouvoir de la papauté, de l’Église. Mais là, maintenant, c’était le Saint-Père tout simplement assis et devant lui les délégués officiels et ensuite tous ceux qui étaient venus avec eux.

On était entre 150 et 200 personnes dans cette grande salle, beaucoup dans leurs vêtements traditionnels d’à travers le pays. C’était la belle richesse culturelle et, j’ose dire de valeur spirituelle, c’était la richesse des peuples autochtones du Canada qui étaient là devant le Saint-Père.

Pour les Métis, c’était un violoneux qui a joué une gigue de la rivière Rouge, il y a eu une danse d’un Cri de la Saskatchewan dans tous ses vêtements de pow-wow, et ensuite les Inuit ont chanté en inuktitut le Notre-Père.

Même vu le sérieux, la profondeur de ce mouvement de demande de pardon et d’engagement à marcher avec les Autochtones, il y avait aussi ce mélange de foi chrétienne, de culture. Il y avait un ton vraiment chaleureux.

Le pape s’est excusé pour le comportement répréhensible de certains membres de l’Église, mais il ne s’est pas excusé catégoriquement pour le rôle joué par l’Église catholique dans le système des pensionnats Autochtones. Est-ce que vous pensez que l’Église devrait aller plus loin et s’excuser pour ce rôle plus systématique dans les pensionnats Autochtones au Canada?

Alors là, vous me demandez mon opinion, et moi je suis complètement d’accord. En lisant l’histoire, en écoutant les histoires des Autochtones, oui.

Le gouvernement et l’Église à ce temps-là, la société canadienne, ont choisi d’avoir des écoles résidentielles pour civiliser, convertir, christianiser plus vite, plus pleinement, en enlevant des enfants à leurs parents, à leur communauté, à leur culture, à leur langue, et ça, c’est le grand, grand péché.

Monseigeur Albert LeGatt, archevêque de Saint-Boniface, basé à Winnipeg, au Manitoba, le 5 avril 2022.

Monseigeur Albert LeGatt, archevêque de Saint-Boniface, basé à Winnipeg, au Manitoba.

Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

C’est le péché porté par tout le monde. Par l’Église catholique, par les autres églises, par le gouvernement, par les catholiques du Canada et par les Canadiens purs et simples, à ce temps-là.

Assumant cette responsabilité, cette culpabilité commune, comme Église entière, comme société entière, la question c’est : comment aller de l’avant pour faire la réconciliation?

Il s’agissait d’une visite hautement symbolique. Qu’est-ce que l’archidiocèse de Saint-Boniface va faire maintenant comme actions concrètes pour faire avancer ce processus de réconciliation?

Certains disent que maintenant, une nouvelle porte a été ouverte et qu’on peut avancer. Mais ce cheminement de réconciliation se fait depuis des années.

Ici, à Saint-Boniface, j’ai trouvé important d’aller visiter les huit communautés qu’on a dans le nord. Je les rencontre une fois par année et ils nous aident à voir quel est le chemin à prendre.

Pour eux, l’éducation est primordiale, que les catholiques viennent à savoir, à comprendre à sa juste valeur quelle a été toute cette histoire d’école résidentielle et de colonisation. Connaître leur réalité présente, les défis d’eau saine, d’emploi, d’éducation d’habitations.

La cathédrale de Saint-Boniface et le soleil

Le cimetière de la Cathédrale de Saint-Boniface, à Winnipeg.

Photo : Radio-Canada / Fernand Detillieux

Nous aidons aussi avec les archives. Il y a surtout les registres de baptême, de mortalité et d’enterrement. Ici, au cimetière de la cathédrale, il y a de jeunes Autochtones qui étaient à l’école industrielle de Saint-Boniface de 1890 à 1905.

Il y en a un certain nombre qui sont enterrés-là. Ils sont dans des fosses non marquées. Dans ce cimetière il y a à peu près 6000 personnes enterrées, dont 5000 dans des fosses non identifiées. On parle de créer un monument, guidé par les communautés.

Par ailleurs, le diocèse va faire sa part, comme les autres diocèses du Canada, pour lever 30 millions de dollars. Les fonds collectés dans l’archidiocèse y seront dépensés, sous la direction d’un comité principalement composé d’Autochtones.

Certaines retouches ont été apportées aux propos d’Albert LeGatt afin d’en faciliter la lecture.



Reference-ici.radio-canada.ca

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