Ça allait à peu près comme suit : “Veuillez expliquer, par exemple, votre tradition ou votre histoire préférée”. Je me suis dit que c’était une question un peu étrange. Comment une histoire traditionnelle va-t-elle m’aider à exceller comme banquière?
, s’interroge-t-elle.
Malgré tout, elle a continué à répondre aux questions, mais s’est rapidement arrêtée.
La suite du questionnaire se lisait ainsi : Comment décririez-vous vos capacités de communication? Astuce : Pourquoi ne pas nous les montrer à la place?
Il encourageait ensuite les candidats autochtones à laisser transparaître leur personnalité dans une vidéo de présentation et à écrire une chanson, un poème, à s’habiller en costume traditionnel ou à faire appel à des danseurs
.
Je me suis dit OK, ça suffit. C’était comme si le questionnaire voulait prouver jusqu’à quel point j’ai des racines autochtones. C’est comme ça que je l’ai perçu
, exprime Mme Paquette.
Comme de nombreuses entreprises à travers le Canada, la
CIBC fait valoir qu’elle prend des mesures pour que sa main-d’œuvre reflète les communautés où ses employés vivent et travaillent.Les tenues traditionnelles sacrées
Christine Paquette a indiqué que la question lui demandant de partager son histoire autochtone préférée l’a rendue émotive.
Elle a rappelé que sa grand-mère, qui a vécu les pensionnats pour Autochtones, a eu honte de son héritage. Elle ne l’a pas transmis à la mère de Christine, qui n’a pu le lui transmettre par la suite.
Demander aux Autochtones de raconter leur histoire ou leur partie préférée de leur culture, à laquelle ils n’ont même plus accès, est vraiment insensible
, clame Mme Paquette.
De plus, elle estime qu’il n’était pas approprié que la
CIBC lui suggère de porter des vêtements traditionnels dans le cadre de la demande.Membre de la Première Nation Sheguiandah, Patricia Baxter siège au conseil d’administration d’Indigenous Works, un organisme sans but lucratif de Saskatoon qui promeut l’inclusion et l’engagement des Autochtones sur les lieux de travail canadiens. Elle ne voit pas l’utilité de cette question.
Ce que beaucoup de Canadiens ne comprennent pas, c’est que les regalia, ce ne sont pas seulement des habits traditionnels, c’est un privilège de porter ces vêtements et ça vient avec une responsabilité. C’est sacré et lié aux cérémonies
, rappelle Mme Baxter.
CIBC interpellée
Bouleversée par les questions, Christine Paquette a interpellé la
CIBC sur ses réseaux sociaux.La banque a répondu. Elle a déclaré qu’elle avait travaillé avec une organisation autochtone à but non lucratif, Our Children’s Medicine (OCM), et que les questions qui ont offensé Mme Paquette avaient été conçues en consultation avec des dirigeants et des aînés de communautés autochtones.
L’objectif de ces questions est d’aider à éliminer les obstacles qui peuvent exister dans le cadre d’un processus traditionnel de demande d’emploi en mettant en évidence les compétences transférables et le potentiel, tout en donnant aux candidats autochtones la possibilité de partager des histoires qui sont importantes pour eux
, écrit CIBC dans un micromessage.
Nous encourageons les candidats à simplement indiquer qu’ils préférent ne pas répondre s’ils ne se sentent pas à l’aise avec certaines questions
, ajoute la banque.
Après que Mme Paquette eut partagé ses réflexions sur les médias sociaux, la référence aux regalia a été retirée du formulaire.
CBC a contacté la banque pour en savoir plus sur le processus de réflexion derrière les questions.
À la Banque CIBC, nous nous engageons à prendre des mesures pour que notre personnel reflète les communautés dans lesquelles nous vivons et travaillons et à éliminer les obstacles qui peuvent exister dans les processus traditionnels de demande d’emploi
, écrit Trish Tervit, directrice des affaires publiques de la banque CIBC, dans un courriel.
Mme Tervit soutient que la relation entre la
CIBC et OCM a permis de créer des liens avec les demandeurs d’emploi des Premières Nations, des Métis et des Inuit. La banque a embauché plus de 70 personnes autochtones dans le cadre de son programme de recrutement autochtone, précise-t-elle.Ce que la
CIBC ne dit pas, c’est que OCM a rédigé les questions.Dans une déclaration, l’organisme confirme que les questions avaient été créées en consultation avec des aînés autochtones, des gardiens du savoir et d’autres membres de la communauté
.
Kelly Hashemi, indique que le processus de candidature d’Our Children’s Medicine est conçu pour permettre d’identifier les compétences vécues, culturelles et transférables qui sont perdues au cours d’un processus traditionnel de candidature et d’entretien en entreprise
.
Our Children’s Medicine se présente comme un organisme sans but lucratif enregistré à Toronto, qui travaille avec les employeurs pour mettre en œuvre notre processus d’embauche dans leurs entreprises et créer des plans d’action pour apprendre de la communauté autochtone, s’engager avec elle et attirer des talents
.
Une expérience d’apprentissage
Selon le président et directeur général d’Indigenous Works, Kelly Lendsay, cette situation offre une occasion pour toute entreprise d’apprendre et de reconnaître que tous peuvent faire des erreurs.
Ce n’est pas parce que vous êtes une personne, une organisation ou une entreprise autochtone que vous avez une perception magique sur tout
, a déclaré M. Lendsay, qui est lui-même Cri et Métis.
Selon lui, les recruteurs devraient poser des questions ouvertes, comme : Dites-moi quelque chose dont vous êtes fier
, puis laisser aux candidats le soin d’évoquer leur culture ou leur expérience s’ils le souhaitent.
Quelqu’un pourrait dire, vous savez : “Je suis vraiment fier du fait que je préside la banque alimentaire”, a déclaré Kelly Lendsay. Une autre personne dira : “Je suis vraiment fière d’avoir renoué avec ma culture pour apprendre la danse du pow-wow”.
S’il salue les efforts de la
CIBC et de l’ OCM pour aider les Autochtones à entrer dans le secteur bancaire, M. Lendsay estime qu’il y a de la place pour progresser. Il estime que l’histoire de Christine Paquette doit être prise en compte comme vecteur de changement et d’apprentissage.Avec les informations de Caroline Barghout et Kimberly Ivany
Reference-ici.radio-canada.ca