Une étudiante ukrainienne trouve refuge à Sherbrooke grâce à un professeur de l’UdeS


L’étudiante ukrainienne était venue effectuer un stage à l’automne 2021 dans le laboratoire Laurent de l’Université de Sherbrooke, dirigé par Benoît Laurent, qui effectue de la recherche sur le vieillissement du cerveau. Elle est ensuite retournée en Ukraine pour terminer son diplôme, mais devait revenir au laboratoire à l’automne pour y commencer sa maîtrise. Elle se trouvait à l’Université de Kiev quand la Russie a envahi le pays, en février.

Cette semaine-là, nous devions aller en cours […] nous passions une soirée normale. Le lendemain, à 5 h du matin, nous avons entendu des coups à la porte de nos voisins, et ils nous ont dit : “Ça a commencé, la Russie envahit, il y a des bombardements partout.” Nous n’étions pas prêts*, raconte-t-elle.

Elle s’est rendue à Mykolaïv, une ville ukrainienne où se trouvait sa famille, mais celle-ci est rapidement devenue la cible de bombardements. Viktoriia Bavykina a pu se sauver à bord d’un autobus de la Croix-Rouge lors d’une ouverture des couloirs humanitaires le 7 mars, à Odessa. Sa mère et sa sœur sont restées derrière. Elle reste en contact avec elles, mais ignore quand elle pourra les revoir. 

« Je ne pense même pas leur avoir dit “au revoir”, c’était tellement rapide, c’était : “Tu dois monter dans l’autobus tout de suite, parce qu’il y a des bombardements”. »

— Une citation de  Viktoriia Bavykina
Viktoriia Bavykina devant des souliers donnés.

Viktoriia Bavykina est arrivée à Sherbrooke le 11 mars.

Photo : Radio-Canada / Marion Bérubé

Elle était alors déjà en contact avec le professeur Benoît Laurent, qui a coordonné son arrivée à Sherbrooke en plus de payer son billet d’avion et de lui offrir un hébergement pour les premières semaines.

Ce dernier indique que pour son dernier stage, elle avait déjà son visa de visiteur, ce qui lui a permis d’entrer plus rapidement au Canada. Elle avait cette chance-là d’avoir déjà ce visa de visiteur en avance […] C’est le meilleur des cas, presque une semaine pour arriver au Canada.

« L’engagement que j’avais pris de la former, de lui apprendre tout ce que je pouvais au niveau de la science, mon engagement a pris une tournure beaucoup plus vaste. La faire venir, c’était aussi lui offrir un avenir. »

— Une citation de  Benoît Laurent, professeur en biochimie à l’Université de Sherbrooke

Le voyage a finalement duré quatre jours. De Mykolaïv, la jeune femme s’est dirigée vers la frontière moldave, puis a pris un autobus pour se rendre à une gare de train au centre du pays. Le train l’a menée en Roumanie, à Iasi, où elle a réussi à prendre un avion de Bucarest à Istanbul, avant de finalement atterrir au Canada le 11 mars avec quelques effets personnels. Grâce aux fonds amassés à travers une page GoFundMe organisée par le laboratoire Laurent, Viktoriia peut aussi payer ses biens essentiels et ses frais de scolarité.

Une communauté prête à aider

Dès le 1er mai, le jeune femme aura un appartement dans la résidence étudiante situé au-dessus du café SOKO, la Maison Alex. Le copropriétaire du Café Soko et de la Maison Alex, Mark Feketa, indique avoir rencontré Viktoriia lors de son dernier stage. Pour lui, c’était tout naturel de lui venir en aide, puisque sa famille est venue au Canada de la Hongrie et que celle de sa femme vient du Mexique. C’est toujours très important d’aider tout le monde si on peut […] Le moment qu’on a entendu que Viktoriia revenait, on a dit : “C’est normal [qu’elle] revienne ici, c’est tout”.

« On est très fiers d’accueillir Viktoriia. »

— Une citation de  Mark Feketa, copropriétaire du Café Soko et de la Maison Alex
Viktoriia Bavykina entourée de Benoît Laurent, Sylvie Lafleur et Justin Shevelow.

De gauche à droite : Justin Shevelow, Viktoriia Bavykina, Sylvie Lafleur et Benoît Laurent.

Photo : Radio-Canada / Marion Bérubé

La voisine de Benoît Laurent, Sylvie Lafleur se demandait aussi comment venir en aide à la population ukrainienne quand celui-ci est venu lui présenter Viktoriia, alors qu’il cherchait des façons de lui trouver des vêtements et des biens. Son histoire me touche énormément. J’ai une petite-fille de 22 ans qui a déjà étudié à l’étranger, explique Sylvie Lafleur. Je me disais que si quelque chose semblable lui était arrivée, j’aurais tellement voulu que quelqu’un de fiable soit autour d’elle pour lui apporter toute l’aide nécessaire. 

L’appel de Benoît a été entendu. Elle a décidé d’organiser une collecte de biens pour lui venir en aide. Je me suis dit que c’était le temps d’embarquer. Et de nature, les Canadiens sont des gens accueillants et empathiques, donc, cela n’a pas été un problème [d’amasser des biens]. J’ai simplement regardé mon réseau d’amis, ma famille, et j’ai lancé une balle et tout le monde a voulu participer, autant dans les vêtements que dans les sous.

« Les réseaux sociaux, ça aide! En quelques jours à peine […] les sacs sont arrivés, c’est apparu comme par miracle! Les gens ont voulu donner, mais aussi exprimer ce qu’ils ressentaient, laisser savoir à Viktoriia qu’elle n’est pas seule. Qu’il y a du monde derrière elle. »

— Une citation de  Sylvie Lafleur, voisine de Benoît Laurent
Des sacs de don (une dizaine de sacs) par terre.

De nombreuses personnes ont donné vêtements et souliers à l’étudiante.

Photo : Radio-Canada / Marion Bérubé

De nombreuses personnes ont apporté des biens, mais aussi des cartes pour lui souhaiter la bienvenue. C’est incroyable, admet Viktoriia. Je ne m’attendais pas à cela.

Viktoriia se dit très touchée par cette vague de générosité. C’était beaucoup d’émotions, parce que je ne m’attendais pas à autant d’aide. Quand je venais, je n’avais pas de plan […] Beaucoup de mes problèmes ont été réglés, grâce à l’aide de tous ces gens.

« J’espère qu’un jour, je pourrai redonner au prochain pour tout ce que ces gens ont fait pour moi. »

— Une citation de  Viktoriia Bavykina

C’est la première qui est ici, ajoute Benoît Laurent. Mais il y en a tellement comme elle qui ont mis leur vie sur pause, qui seront gâchées à cause de cette guerre. On a les moyens de les accueillir et de les former. Mais comment les faire venir? Comment on arrive à les soutenir? se demande-t-il, en espérant que son initiative fera boule de neige.

L’étudiante espère maintenant poursuivre ses études jusqu’au doctorat. Plus que tout, elle rêve d’un jour pouvoir retourner dans son pays.

* Les propos de Viktoriia ont été traduits de l’anglais par Radio-Canada

Avec les informations de Marion Bérubé



Reference-ici.radio-canada.ca

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