Un portrait plus clair des victimes de la COVID-19 se dessine dans l’Est


L’âge moyen des personnes atteintes de la COVID-19 qui sont décédées au Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et sur la Côte-Nord est respectivement de 82 ans, 70 ans et 81 ans.

L’âge moyen des personnes hospitalisées touchées par le virus avoisine les 70 ans dans les trois régions.

Pour ce qui est des personnes qui ont été aux soins intensifs, elles étaient âgées en moyenne de 65 au Bas-Saint-Laurent, de 57 ans sur la Côte-Nord et de 66 ans en Gaspésie.

Nombre de décès cumulatifs selon la présence d’une condition médicale préexistante

Région

Aucune condition médicale préexistante

1 condition médicale préexistante

2 conditions médicales préexistantes ou plus

Bas-Saint-Laurent

6 (4,7 %)

11 (8,5 %)

112 (86,8 %)

Gaspésie-Îles

ND

ND

59 (89,4 %)

Côte-Nord

ND

ND

36 (87,8 %)

Nous avons demandé aux directeurs régionaux de santé publique de nous accorder une entrevue pour faire le point sur la pandémie. Seul le directeur régional de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, le Dr Yv Bonnier Viger, a accepté de répondre à nos questions.

Le porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent nous a répondu par courriel que le directeur régional de la santé publique n’était pas disponible et que l’idée de commenter des chiffres qui parlaient par eux-mêmes ne lui semblait pas très pertinente, tout en mentionnant que Dr Leduc avait déjà commenté sur nos ondes la situation épidémiologique actuelle.

Le porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte-Nord, quant à lui, nous a informé qu’il n’était pas possible pour le directeur régional de la santé publique, le Dr Richard Fachehoun de nous accorder une entrevue.

Voici, en substance, les réponses du Dr Yv Bonnier Viger.

Quel constat faites-vous du profil des personnes qui décèdent et qui sont hospitalisées en raison de la COVID-19?

Essentiellement, c’est clair qu’on a à faire à un pathogène, je dirais, qui achève les vies, qui va chercher les gens dont les systèmes immunitaires sont les plus fragiles, les moins capables de s’adapter aussi et donc de le combattre. On voit bien que les conditions de vie des gens ont un effet aussi.

Les gens qui vivent dans des conditions plus difficiles, comme on l’a vu dans nos Centre d’hébergement et de soins de longue durée et qui vivent dans des habitations plus ou moins adéquates, les personnes qui vivent dans les réserves autochtones où le logement est insuffisant, où des personnes de plusieurs générations vivent ensemble, c’est sûr que ce virus-là, comme l’ensemble des maladies infectieuses, va aller chercher les plus fragiles de ces maisonnées.

« On voit très bien que les inégalités sociales de santé sont, je dirais, accentuées avec cette pandémie-là.  »

— Une citation de  Yv Bonnier Viger, direction régional de la santé publique de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine

À la lumière de ces chiffres, est-ce que vous auriez pris des décisions différemment, est-ce que vous auriez pris des mesures plus ciblées? Par exemple, pour ce qui est de l’annulation des bals de finissants l’an dernier, est-ce que c’était nécessaire de priver les finissants de cet événement en sachant que le virus s’attaque davantage aux personnes âgées et vulnérables?

En rétrospective, on peut faire une analyse qui est différente de celle qu’on fait quand on est en prospective. Même la deuxième année, les bals de finissants arrivaient au printemps où il y avait pas mal de cas et rien qui nous disait que si on facilitait la circulation du virus, qu’on n’allait pas provoquer une autre vague. C’était pas évident.

Là, maintenant, on sait très bien, après deux années d’expérience, que le virus circule très peu pendant l’été. Donc, on peut se sentir relativement confortable. S’il y a des rassemblements qui sont plus ou moins bien suivis, on risque quand même d’avoir un été relativement tranquille. Ce n’était pas tout à fait le cas l’été passé.

Le docteur Bonnier-Viger dans les locaux de la direction régionale.

Le docteur Yv Bonnier-Viger, directeur régional de santé publique Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine

Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

Est-ce que les mesures auraient pu être ciblées pour éviter les coûts sociaux associés aux mesures sanitaires?

Protéger les gens les plus à risque, cela aurait dû vouloir dire d’envoyer toutes nos personnes âgées dans un camp de vacances! Dans une population comme ici, en Gaspésie, où on n’a une population qui a plus de 65 ans, ce n’est pas réaliste. Je ne sais pas comment on peut faire ça. C’est sûr que théoriquement, oui.

« Nous avons appris, durant la première année, que les mesures pouvaient avoir des effets secondaires en termes psychosociaux, ce que nous avons essayé de rectifier durant la deuxième année. »

— Une citation de  Yv Bonnier Viger, direction régional de la santé publique de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine

Quand on s’est lancés dans la pandémie, il n’y avait qu’une seule réflexion, qui était strictement de maladie infectieuse. On a mal mesuré l’effet psychosocial des mesures. Je pense qu’on a appris lors de la première année. La deuxième, ça a été beaucoup plus discuté. C’est pour ça qu’il y a eu beaucoup de mesures qui n’ont pas touché les écoles.

À la lumière des statistiques de décès et d’hospitalisations, qu’avez-vous à dire aux personnes qui sont réfractaires à la vaccination et qui croient que la COVID-19 ne touche que les personnes âgées ou celles souffrant de maladies chroniques?

Il y a des gens qui n’ont pas complété leur vaccination qui l’ont trouvée dure, la COVID, même s’ils n’ont pas été hospitalisés. Est-ce que c’est anecdotique, je ne le sais pas. Il y a des gens qui ont vraiment trouvé qu’un autobus ou un train était passé sur eux. La vaccination a cette qualité-là de diminuer les symptômes qu’on va avoir quand on va être malade, si jamais on rencontre le virus. On va tous, un jour ou l’autre, rencontrer ce virus. Aussi bien avoir ce petit atout-là.

On recommande aux personnes de 80 ans et plus et aux personnes qui sont immunodéprimées d’aller chercher une dose de rappel assez rapidement. Maintenant, on l’offre aux personnes de 60 ans et plus.

« On n’a pas d’évidence scientifique extraordinaire pour supporter ces recommandations-là, sauf qu’on sait qu’après six mois, en général, il commence à avoir des données probantes que le système immunitaire commence à faiblir et à ne plus se rappeler qu’il avait déjà vu ce virus-là assez rapidement. »

— Une citation de  Yv Bonnier Viger, direction régional de la santé publique de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine

Avant la pandémie, il était rare d’interviewer des directeurs régionaux de la santé publique. Avec la pandémie, vous êtes devenus en quelque sorte des personnalités incontournables. Est-ce que la santé publique devrait continuer à être au premier plan des priorités gouvernementales, de notre société, après la pandémie?

On le disait depuis longtemps, mais on était plus ou moins écoutés. Un réseau de santé et de services sociaux agit sur deux grands champs, en réalité. Le champ le plus important, c’est l’ensemble de la population qui est en santé, qui doit maintenir sa santé et l’améliorer au jour le jour. C’est là qu’on doit mettre des efforts pour que les gens ne tombent pas malades ou ne se blessent pas.

Après ça, c’est sûr qu’une fois qu’ils sont tombés malades ou qu’ils se sont blessés, il faut les aider. C’est tout le système de soins. Mais, qu’on mette 2 % des ressources de notre réseau pour prévenir l’arrivée de maladies, dans ma façon à moi de penser, c’est un non-sens.

C’est sûr que si on regarde les 50 mesures qui ont été proposées, il y en a très peu qui regardent la santé publique. La seule chose que l’on voit, c’est des choses un peu caricaturales. Ce n’est pas mauvais… L’alimentation, l’activité physique, d’une part, et se préparer aux prochaines pandémies. Mais c’est beaucoup plus vaste que ça, la santé publique : tous les déterminants économiques, les inégalités sociales de santé qui se perpétuent, les maladies, les blessures, tout le regard sur la façon dont on va s’adapter aux changements climatiques, si on est pas capable de les prévenir.



Reference-ici.radio-canada.ca

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