Un CHSLD de Joliette accusé de négligence envers une Atikamekw


À trois reprises depuis l’automne 2019, date à laquelle Marguerite Newashish a été transférée au Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) Sylvie‑Lespérance à Joliette, dans Lanaudière, sa fille affirme avoir dû appeler le 911 pour envoyer sa mère aux urgences de l’hôpital.

Selon Isabelle Newashish, le personnel du CHSLD refusait de le faire.

Pourtant, lors du dernier épisode, la semaine dernière, elle a constaté que sa mère vomissait noir et avait mal au ventre. Le médecin qui a examiné Marguerite Newashish aurait dit : tout est bon, je vais lui administrer de la morphine.

Malgré son instinct qui [lui] disait tout le contraire, Isabelle Newashish a pris en considération une professionnelle qui [lui] dit de ne pas s’inquiéter. Sa mère ayant contracté la COVID, la femme pensait que le virus était peut-être la cause des symptômes.

Or, trois jours plus tard, selon les dires de sa fille, Marguerite Newashish est toujours mal en point : vomissant toujours du noir, ne s’alimentant ni ne buvant. Isabelle Newashish demande alors au CHSLD d’appeler le 911 pour évacuer sa mère, ce que l’établissement aurait refusé.

Isabelle Newashish a alors appelé le 911 et fait évacuer sa mère vers l’hôpital de Joliette le soir même.

Depuis, l’état de Marguerite Newashish s’est aggravé. La famille a décidé mardi de l’arrêt des traitements et la dame a été placée dans une maison de soins palliatifs. Selon sa fille, elle aurait une hernie ombilicale et un début de pneumonie.

J’aimerai comprendre pourquoi on a interdit son transfert. J’essaie d’écarter le racisme. Mais… je veux comprendre pourquoi. Pourquoi il y a eu une inégalité de soins, face à notre identité? , lance Isabelle Newashish.

Le Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière affirme de son côté s’être assuré, dès qu’il a été informé de la situation, que tous les soins requis et les suivis ont été faits selon les règles établies. Le CISSS ne peut donner de détails sur l’état clinique des usagers.

Selon la directrice des affaires institutionnelles et des relations publiques, Pascale Lamy, le CISSS de Lanaudière s’est rendu disponible pour accompagner la famille au besoin et offre tout le soutien nécessaire, dans la situation qu’ils vivent actuellement.

Nous sommes très sensibles aux préoccupations vécues et demeurons disponibles en tout temps pour répondre à leurs besoins, a précisé dans un courriel Pascale Lamy.

Mais pour Isabelle Newashish, le mal est déjà fait.

Pas la première fois

Isabelle Newashish ne décolère pas, d’autant plus qu’il y a près d’un an, elle a déjà déposé une plainte au Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière pour mauvais traitements envers sa mère.

Dans sa plainte, dont Espaces autochtones a obtenu copie, elle dit aussi avoir été victime de profilage racial, de discrimination et de racisme systémique au sein du CHSLD de Sylvie L’Espérance de la part de l’infirmière en chef.

Des validations sont en cours afin de faire la lumière sur ce qui est survenu à ce moment, reconnaît la directrice des affaires institutionnelles et des relations publiques du CISSS, Pascale Lamy.

Une femme pose, les bras croisés

Marguerite Newashish a été interprète à l’hôpital de Joliette pendant une quarantaine d’années selon sa fille.

Photo : Gracieuseté : Isabelle Newashish

Dans sa plainte, Mme Newashish relate un événement similaire à celui de la semaine passée. L’état de santé des jambes de sa mère s’était considérablement détérioré car le personnel ne lui avait pas mis des bas de contention. Sa fille a alors demandé l’évacuation par ambulance pour une consultation d’urgence au centre hospitalier de Lanaudière. Ce qui lui aurait été refusé.

Finalement, Mme Newashish a fait évacuer sa mère et selon elle, l’hôpital a donné des soins pour les jambes.

Depuis cet incident, l’infirmière en chef ne semble pas [se] plaire [de] ma présence à chaque visite et [répond] visiblement par un regard haineux envers moi, dénonce Mme Newashish dans sa plainte.

Elle affirme que l’infirmière lui aurait dit qu’à chaque fois qu’elle venait au CHSLD, qu’elle était un problème. Ce à quoi, Isabelle Newashish dit avoir répondu : Désolée si je suis autochtone, mais je ne peux rien changer, car je suis née autochtone.

Par son silence, elle m’a confirmé que j’avais touché le point, soutient Isabelle Newashish, interviewée par Espaces autochtones.

Selon elle, une autre fois, sa mère a fait une infection urinaire, mais malgré son état, elle n’a pas été évacuée. Toutefois lorsque sa mère est tombée il y a deux semaines, le CHSLD l’a envoyé à l’hôpital pour faire des radios.

Malgré un plan d’intervention plus serré depuis la plainte, Isabelle Newashish continue de se questionner, d’autant plus qu’elle affirme avoir limité ses visites pour éviter d’affronter une personne irrespectueuse discriminant ma nationalité.

Est-on traité différemment? Ma mère est la seule Autochtone du CHSLD. À chaque fois, c’est du stress. Avec ce qu’il se passe, tu sais que tu n’es pas égale aux autres. J’aimerais comprendre.

Dans un tweet, son conjoint Raoul Flamand écrit : Nous avons des raisons de penser qu’elle a subi du racisme systémique.

La famille compte porter plainte de nouveau.

Pascale Lamy rappelle que depuis novembre 2021, un commissaire adjoint aux plaintes et à la qualité des services offerts aux patients autochtones est en poste au sein de l’organisation. Ce dernier peut accompagner les usagers et les familles dans la formulation de plaintes. De plus, des agents de liaison en sécurisation culturelle sont aussi disponibles au besoin, précise Mme Lamy.

Le CISSS de Lanaudière a défrayé la chronique après le décès d’une mère de famille atikamekw au centre hospitalier de Lanaudière en septembre 2020. Juste avant sa mort, Joyce Echaquan a publié une vidéo en direct sur Facebook alors que des employées d’un hôpital lui proféraient des insultes à caractère racial. Sa mort a ébranlé le Québec en entier.

Selon le rapport de la coroner, son décès était évitable et bien qu’il soit accidentel, le racisme et les préjugés y ont certainement contribué.




Reference-ici.radio-canada.ca

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