Surdoses : derrière les chiffres, le coeur des intervenants qui sauvent des vies


Comme tous les mercredis, c’est jour de distribution de denrées alimentaires à La Boussole, située au cœur du Downtown Eastside, le quartier le plus pauvre de Vancouver.

Des bénéficiaires attendent en file. Certains jasent entre eux, avec des bénévoles ou avec Maxime Barbier, codirecteur général de l’organisme. C’est super important pour nous d’être dans ce quartier, dit-il. Une grande partie de nos bénéficiaires vivent dans ce quartier-là.

Dans ce quartier, il y a aussi pauvreté, misère et crise des opioïdes, et ce, juste sur le pas de la porte de l’organisme.

La dure réalité, quasi surréelle, du quartier Downtown Eastside ébranle ceux qui s’y aventurent. Car dans ses rues, itinérance et consommation sont exposées au grand jour.

Un homme allongé sous une couverture dans le quartier du Downtown Eastside à Vancouver.

Au coeur du quartier, les victimes de la vie se trouvent sur tous les trottoirs et dans toutes les ruelles.

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

En quelques minutes, au milieu de cette misère, une tente est installée pour la distribution de nourriture et de café chaud à ceux qui veulent bien s’arrêter.

Maxime Barbier veille au bon déroulement de la journée. C’est un passionné. Un coude-à-coude en guise de bonjour par ci, et un : comment ça va? par là. Au rythme des salutations, une trousse bleue accrochée à sa ceinture danse au vent, sur laquelle on peut lire : naloxone.

On l’a toujours sur nous parce qu’on ne sait jamais quand ça peut arriver, explique-t-il. La naloxone est un antidote spécifique aux opioïdes qui renverse temporairement leurs effets. Ses collègues et lui, et les bénévoles de La Boussole sont formés pour l’utiliser.

Trois injections pour sauver

La dernière intervention de l’équipe remonte à janvier. Juste en face, il y a une personne qui était en train de faire une crise de surdose pendant la distribution de denrées, se souvient Maxime Barbier. Donc, on a dû intervenir. Heureusement, tout le monde a fait preuve d’un grand sang-froid.

Dans ce genre de situation, ça se passe très vite, explique Maxime Barbier. Un bénévole appelle les urgences, pendant que s’enchaînent des manœuvres pour voir si la personne est consciente et, finalement, les injections de naloxone.

Dans sa trousse, il y a trois doses. Après la deuxième dose, c’est toujours un moment qui fait très peur. Dans ces moments-là, émotionnellement, je me sens comme un ballon de baudruche, de pression qui est en train de gonfler.

La personne qui fait une surdose va-t-elle répondre à l’antidote? Et, quand on voit qu’il n’y a pas de réaction après la deuxième injection et que les secours ne sont pas encore là, on se sent un peu démuni et, heureusement, après la troisième injection, on a vu que la personne s’est réveillée.

« C’est très compliqué à gérer parce que, finalement, on voit la mort de très près, et c’est difficile. Les personnes, les bénéficiaires, on les voit tous les jours, on les aime finalement. On est proches d’eux et de voir qu’il y a des situations comme ça, ça nous touche. On va continuer à se battre pour les aider. »

— Une citation de  Maxime Barbier, codirecteur général, La Boussole

Maxime Barbier souligne que, en dépit de la dureté du quartier, une grande solidarité y règne. Lors de cette surdose, c’est une des bénéficiaires qui a lancé l’alerte. Cette solidarité, cette interconnexion entre les personnes donnent un peu d’espoir. Mais on aimerait bien ne pas arriver à ces moments cruciaux et vitaux.

Impact sur les intervenants

Selon Maxime Barbier, la crise des opioïdes a un impact sur le moral et pèse psychologiquement sur le personnel et les bénévoles de l’organisme.

« Ce qui me fait peur, c’est qu’un jour une personne ne se réveille pas et qu’il n’y ait pas les urgences. »

— Une citation de  Maxime Barbier, codirecteur général, La Boussole
Des ambulanciers près d'une personne sans connaissance allongée dans une ruelle.

Des ambulanciers tentent de réanimer une personne victime d’une surdose dans le quartier du Downtown Eastside à Vancouver le 11 mai 2020.

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

Lorsqu’on parle des gens qui ne s’en sortent pas, Maxime devient émotif. Ça me touche […] parce qu’on parle de vies humaines, on parle de la mort ou tout simplement de destins brisés. Et derrière ça, on connaît les gens, on connaît les parcours de vie, on sait comment cela a pu être compliqué pour ces personnes-là.

Pour venir en aide à sa clientèle et à l’équipe, l’organisme a lancé un programme de suivi psychologique.

De mal en pis?

Maxime Barbier croit que la crise des surdoses empire et qu’elle a été éclipsée par la COVID-19. Il constate toutefois que certaines mesures gouvernementales vont dans le bon sens, mais elles ne suffisent pas pour endiguer la crise. De plus, malgré toute la détermination de l’équipe, les trousses de naloxone ont des limites.

« Derrière chaque numéro, il y a, il y a des destins, des familles, des amis qui sont brisés. »

— Une citation de  Maxime Barbier, codirecteur général, La Boussole

Maxime Barbier souhaite que l’urgence sanitaire déclarée il y a plus de cinq ans soit attaquée avec plus de vigueur. On aimerait que l’accès au centre d’injection soit plus simple, que les personnes qui sont victimes de dépendance aient accès à des produits plus sûrs. On aimerait aussi, pour aider nos bénéficiaires, que l’accès aux centres de désintoxication soit beaucoup plus simplifié. Ça prend trop de temps et ça peut sauver des vies, soutient-il.

Il faut agir maintenant. Avec la crise de la COVID, on nous a montré qu’on pouvait agir rapidement et sortir des lois presque du jour au lendemain et, donc, il faut agir de la même façon. On parle de vies humaines!



Reference-ici.radio-canada.ca

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