Prêtres agresseurs : un procès entre l’archidiocèse de Moncton et Co-operators en octobre


L’archidiocèse de Moncton a intenté une poursuite en Cour du Banc de la Reine contre la compagnie Co-operators en janvier 2013. Il a alors réclamé 4,2 millions $ pour couvrir une partie des indemnisations versées aux personnes agressées sexuellement par des prêtres catholiques.

Plus de neuf ans après le dépôt de cette poursuite, l’affaire n’est toujours pas réglée.

Radio-Canada Acadie a cependant appris qu’un procès opposant les deux parties aura lieu à Moncton à compter du début octobre. Trois semaines d’audience ont été prévues en Cour du Banc de la Reine.

Une résolution demeure possible avant la tenue du procès. Les parties doivent d’ailleurs participer à une conférence de règlement à la fin juin.

Nous n’avons pas pu obtenir d’entrevue avec les porte-parole de Co-operators et de l’archidiocèse, ni de leurs avocats.

Mais l’archevêque de Moncton, Valéry Vienneau, nous a indiqué que la tenue du procès est une bonne nouvelle, puisque certaines victimes attendent leur dédommagement depuis longtemps.

L'archevêque de Moncton, Valéry Vienneau, dans son bureau.

L’archevêque de Moncton, Valéry Vienneau (archives)

Photo : Radio-Canada

Un dossier important pour l’Église et pour les victimes

Le dénouement de ce litige aura des conséquences importantes sur la santé financière de l’archidiocèse catholique de Moncton, puisque des millions de dollars sont en jeu.

On serait dans de grandes difficultés financières si on n’arrive pas à des dédommagements raisonnables avec la compagnie d’assurances, a dit Valéry Vienneau en entrevue en 2019.

L’argent réclamé par l’Église a déjà été versé à de nombreuses victimes de prêtres agresseurs dans le cadre d’un processus de conciliation mené derrière des portes closes par l’ancien juge de la Cour suprême du Canada, Michel Bastarache.

D’autres victimes ont toutefois choisi de ne pas participer à ce processus mis sur pied par l’Église et ont poursuivi l’archidiocèse au civil. Certaines ententes qui ont déjà été conclues hors cour seront directement affectées par l’issue du procès opposant l’archidiocèse et Co-operators.

L'avocat dans un bureau fait la pose.

L’avocat ontarien Robert Talach représente une vingtaine de victimes d’agressions sexuelles commises par des prêtres catholiques dans le Sud-Est du Nouveau-Brunswick (archives)

Photo : CBC

« Ça va avoir un impact énorme »

Deux avocats qui représentent des victimes de prêtres catholiques agresseurs sont ravis qu’un procès ait enfin lieu. Mais ils ne cachent pas leur frustration face à la lenteur des avancées dans ce dossier.

Robert Talach, qui est basé à London en Ontario, affirme que plus de neuf ans après le dépôt de la poursuite par l’archidiocèse, il est grand temps que cette affaire soit réglée.

Je réagis à cette nouvelle avec le mot “enfin!”. Cela fait longtemps et je pense que les deux parties, Co-operators et l’archidiocèse de Moncton, manquaient de motivation pour mener à terme cette cause, dit-il.

L’avocat de Moncton Brian Murphy abonde dans le même sens. C’est une bonne nouvelle. Mais nous avons attendu beaucoup de temps, trop de temps, pour les victimes, mes clients. C’est bon, mais c’est en retard, pense-t-il.

Il dit que le temps presse pour certaines victimes, qui ont été agressées sexuellement par des prêtres catholiques il y a des décennies alors qu’elles étaient mineures.

« Le délai de neuf ans depuis le dépôt de la poursuite contre Co-operators est inacceptable. J’ai des clients qui ont des problèmes de santé et qui ont souffert en raison de la honte et de la douleur. Ils vieillissent et il n’est pas certain qu’ils seront toujours vivants lorsque ce dossier sera réglé. »

— Une citation de  Brian Murphy, avocat de plusieurs victimes de prêtres agresseurs

Robert Talach affirme pour sa part que deux de ses clients qui attendaient des indemnisations de la part de l’archidiocèse de Moncton sont décédés depuis le dépôt de la poursuite en 2013.

Ces avocats s’entendent pour dire que la résolution de la poursuite opposant l’archidiocèse de Moncton à Co-operators aura un impact majeur sur le dossier de certains de leurs clients.

Robert Talach affirme que certaines ententes hors cour conclues avec l’archidiocèse sont conditionnelles à ce que l’Église reçoive de l’argent de la part de Co-operators grâce à la poursuite intentée en 2013.

Ces ententes conditionnelles ont été conclues des années passées parce qu’on nous a dit que la compagnie d’assurance allait conclure une entente. Ces gens ont donc accepté moins [d’argent] sur la base qu’ils allaient le recevoir plus rapidement. Ils vont en recevoir moins, mais ils ne l’auront pas reçu plus rapidement, se désole Robert Talach.

D’autres victimes représentées par cet avocat ont conclu des ententes qui prévoient un échéancier pour le versement de l’indemnité.

Si l’archidiocèse n’a pas reçu d’argent de la part de Co-operators avant une date donnée, il devra trouver un autre moyen de verser de l’argent à la victime.

Dans le cas de l’un des clients de Robert Talach, cet échéancier a été fixé deux ans et demi après la conclusion de l’entente hors cour.

L'avocat Brian Murphy.

L’avocat monctonien Brian Murphy représente plusieurs victimes de prêtres agresseurs du Sud-Est (achives)

Photo : Radio-Canada

Quant à Brian Murphy, il ne souhaite pas préciser la nature des ententes conclues entre ses clients et l’archidiocèse. Mais il assure que la résolution de la poursuite intentée par l’Église contre Co-operators ne sera pas anodine.

Le dénouement de cette affaire est très important pour le versement d’indemnisations à mes clients, dit-il.

Brian Murphy indique que si l’archidiocèse n’obtient pas gain de cause, il devra trouver d’autres moyens de s’assurer que ses clients obtiennent des indemnisations.

Nous allons nous assurer que des églises sont vendues et que les revenus du bingo sont captés. L’Église a de l’argent. Ils vous diront qu’ils n’y en a pas. Mais il y en a. Cela dit, cela semble être une meilleure façon d’aller le chercher par l’entremise de la compagnie d’assurance.



Reference-ici.radio-canada.ca

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