Nouveau programme gouvernemental de logement abordable : des organismes s’inquiètent


La ministre des Affaires municipales et l’Habitation, Andrée Laforest, a annoncé jeudi la création du Programme d’habitation abordable Québec. Ce nouveau financement sera octroyé pour développer des projets destinés à des ménages à revenu modeste ou faible ainsi qu’à des personnes ayant des besoins particuliers en habitation.

Selon le ministère, le programme est un véhicule qui permettra d’offrir du renfort au programme AccèsLogis, qui est en place depuis 25 ans. Avec le Programme d’habitation abordable Québec, des projets de construction pourraient commencer dès cet été, selon le gouvernement.

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et l’Association des locataires de Sherbrooke dénoncent toutefois que le nouveau programme ouvre la porte aux projets de promoteurs privés. Les organismes craignent également la disparition d’AccèsLogis.

Pour nous, ce programme-là, c’est l’enterrement, en pratique, du logement social. C’est un programme dont les mesures semblent être conçues pour être inefficaces. C’est accessible à la fois au privé et au public, ça demande une contribution très grande des municipalités, et ça offre des sommes complètement aberrantes, déplore Mario Mercier, le porte-parole de l’Association des locataires de Sherbrooke.

Des manifestants. Leur affiche dit "Quand nous sommes des locataires sans toit, on appelle ça des Québécois et des Québécoises à la rue".

Mario Mercier et d’autres résidents ont manifesté jeudi devant l’Hôtel de Ville de Sherbrooke.

Photo : Radio-Canada / Christine Bureau

« Les espoirs que les gens ont mis dans une solution de cette crise-là, Legault les envoie paître. »

— Une citation de  Mario Mercier, porte-parole de l’Association des locataires de Sherbrooke

Ils calquent, selon nous, leur programme sur ce qui existait au fédéral avec la Stratégie canadienne de logement. On ne voyait pas d’effets dans les centres-villes, dans les quartiers populaires, ajoute-t-il.

Selon Mario Mercier, 300 logements sociaux devraient être construits à Sherbrooke dans la prochaine année pour répondre à la demande. Il faut faire du rattrapage. Même s’il y a des volontés des villes, […] elles n’ont pas le soutien de l’État canadien et québécois, croit-il.

Des sommes insuffisantes, selon Évelyne Beaudin

La part exacte de l’enveloppe de 200 millions de dollars qui ira à Sherbrooke n’a pas encore été précisée par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

La mairesse de Sherbrooke Évelyne Beaudin dit douter que les sommes allouées soient suffisantes dans le contexte actuel de pénurie de logements abordables dans l’ensemble de la province. Elle souligne néanmoins que chaque dollar supplémentaire investi sera le bienvenu.

« Deux cents millions, ce ne sera pas suffisant pour répondre au besoin qu’on a sur le marché. »

— Une citation de  Évelyne Beaudin, mairesse de Sherbrooke

Elle s’explique mal la décision de Québec de ne pas investir davantage dans le programme AccèsLogis, qui fonctionnait, selon elle. Elle s’inquiète également du fait que les entreprises privées seront davantage mises de l’avant dans le cadre du programme.

Une manifestation se tient à Sherbrooke pour réclamer davantage de logements sociaux.

Cela fait plusieurs années que des organismes et des citoyens réclament davantage de logements sociaux à Sherbrooke. Ici, une manifestation de 2019.

Photo : Radio-Canada

Le privé a toujours été un partenaire, mais on a l’impression qu’il y a des subventions qui auraient pu être redirigées vers les organismes municipaux d’habitation et les coopératives, et qui seront octroyées au privé, souligne la mairesse.

Évelyne Beaudin dénonce aussi que le nouveau programme semble miser sur la construction d’immeubles entièrement consacrés au logement abordable. Dans les années 1990, on s’assurait que tout le monde dans le bloc vivait avec un faible revenu, c’est ce qu’on appelait les habitation à loyer modique. Ce modèle-là a complètement été abandonné parce qu’on a compris que quand il n’y a pas de mixité dans un bloc, ça ne donne pas un bon résultat social, fait valoir la mairesse.

Cette mixité était bien mise de l’avant dans le programme AccèsLogis, croit-elle.

Une motion pour limiter les hausses de loyer jugées abusives

Jeudi matin, Québec solidaire a déposé une motion pour limiter les hausses de loyer jugées abusives. Cette dernière visait à abolir un article du Code civil qui empêche les locataires d’un immeuble construit il y a moins de cinq ans de contester une augmentation de loyer. La motion a cependant été refusée par la Coalition avenir Québec.

On pense que cette clause-là doit être abolie. Même si le logement a été construit l’année dernière ou il y a deux ans, une hausse de 700 $ par mois comme on l’a vu dans certains endroits au Québec, c’est complètement immoral et ne devrait pas être légal non plus, martèle Christine Labrie, la députée solidaire de Sherbrooke.

« On parle de hausses qui dépassent 30 %. Dans certains cas, 32 % à Magog, un exemple tout près de chez nous.  »

— Une citation de  Christine Labrie, députée solidaire de Sherbrooke

La directrice adjointe du Regroupement des propriétaires d’habitations locatives Annie Lapointe soutient toutefois que cette clause est nécessaire.

J’imagine que ce serait possible d’avoir certaines modalités pour convenir à tous. Toutefois, c’est une clause qui a son importance. C’est pour permettre aux investisseurs de remettre au prix du marché si jamais ça a été mal évalué dès le départ. Il faut qu’il y ait un délai suffisant pour pouvoir s’adapter au marché qui fluctue, souligne-t-elle.

Cette clause-là doit être utilisée à bon escient, pas pour évacuer des locataires, ajoute-t-elle.

Sans vouloir abolir la clause, la ministre de l’Habitation Andrée Laforest a annoncé son intention de réduire le nombre d’années où les loyers peuvent être augmentés sans limites dans les constructions neuves.

Avec les informations de Christine Bureau



Reference-ici.radio-canada.ca

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