Musique nomade : faire rayonner les artistes autochtones


En entrevue, Joëlle Robillard salue d’emblée l’héritage immense laissé par sa prédécesseure, Manon Barbeau, qui a une âme de combattante, dit-elle. Mme Barbeau demeure toutefois présidente du conseil d’administration de Musique nomade. À titre de directrice, Joëlle Robillard veut quant à elle s’assurer que l’organisme a les reins assez solides pour mener à bien les nouveaux cycles de création.

Dans sa planification stratégique pour les cinq prochaines années, Joëlle Robillard avoue que l’équipe de Musique nomade n’a pas laissé les choses au hasard. L’organisme a une vision et des objectifs à réaliser.

Outre la consolidation qui permettra d’assurer la pérennité de Musique nomade, Mme Robillard souhaite mener à bien les activités de développement de la carrière des artistes autochtones, que ce soit dans la production d’albums ou la création de spectacles. Elle désire aussi miser sur les activités de terrain pour découvrir de nouveaux artistes.

Musique nomade a une variété d’activités, [mais] les cycles de création en communauté [débouchent] sur une première création, indique la directrice générale. Dans ce contexte, la professionnalisation des artistes est importante, car elle se développe dans le temps, à long terme, dans la relation que l’équipe de Musique nomade entretient avec les artistes autochtones.

Dans le cycle [de création], il y a de nombreuses étapes, explique Joëlle Robillard. L’exploration permet d’amener les artistes autochtones à émerger, à éclore, à écrire, et la dernière étape est la production d’un album.

La pochette de l'album «Uitamui», de Dan-Georges Mckenzie.

La pochette de l’album «Uitamui», de Dan-Georges Mckenzie (2022)

Photo : Musique Nomade

Mme Robillard mentionne notamment le chanteur Dan-Georges McKenzie, qui a récemment enregistré un album et qui a participé le 18 avril dernier aux Francouvertes, offrant alors une performance en langue autochtone.

Les ateliers de création et la production sont les deux piliers qui alimentent le travail de Musique nomade, et Joëlle Robillard veut s’y consacrer pleinement. D’ailleurs, le processus d’exploration rend possible le développement de nouveaux talents; pensons à Soleil Launière, une artiste émergente qui a participé jeudi à un événement organisé à l’Espace Go, à Montréal.

Nous avons créé beaucoup de choses rapidement, [et] en ce moment, nous voulons nous assurer d’avoir les assises et la pérennité [pour poursuivre] nos activités, explique la directrice générale. On doit prendre ce qu’on a en ce moment, car c’est très fort, ajoute-t-elle.

Une place à occuper

La revendication dans le domaine de la musique est importante, estime-t-elle, et cela a permis à Musique nomade d’ouvrir les portes dans l’industrie.

La revitalisation des langues autochtones est l’un des objectifs que poursuit Musique nomade, et Joëlle Robillard veut les mettre à l’avant-scène. Le fait que les artistes puissent chanter dans leur langue est une revendication politique et sociale, et s’il semble essentiel de revitaliser le français, par exemple, on devrait le faire pour les langues autochtones aussi, croit-elle.

Une artiste drapée de jaune se frotte de la terre sur le visage.

Le territoire est une source d’inspiration pour l’artiste Soleil Launière.

Photo : Hugo Saint-Laurent

Les plateformes de diffusion de musique en continu comme Spotify proposent des algorithmes pour créer des listes de lecture, mais ces dernières sont offertes en français ou en anglais. Néanmoins, beaucoup de travail et de rencontres ont été faits avec les plateformes de musique, fait remarquer Mme Robillard, et Sirius offre maintenant des titres en langue innue; il n’y avait pas ça il y a cinq ans.

Selon Joëlle Robillard, le travail réalisé par l’équipe de Musique nomade pour mettre la musique autochtone à l’avant-plan commence à porter fruit. La traduction des textes chantés en langues autochtones, notamment, permet de comprendre l’imaginaire des artistes. Et même s’il ne comprend pas la langue, le public comprend par l’émotion. Selon la directrice générale, il n’est pas nécessaire de parler atikamekw pour comprendre.

La controverse du Festival de la chanson de Granby, qui demandait à l’artiste Samian de chanter des chansons en français lors de sa performance, a fait cheminer l’industrie de la musique, selon Mme Robillard. Le changement se produit, car il y a cinq ans, des projets étaient refusés parce qu’ils étaient en langue autochtone, [et si] c’est encore un défi, il y a moins de pièges pour les artistes, dit-elle.

C’est une conversation qui nourrit les réflexions, et les artistes [autochtones] ont une place légitime pour leur langue, insiste Joëlle Robillard. Ça va de soi qu’on ne peut [plus] fermer les portes aux artistes parce qu’ils chantent dans leur langue, affirme-t-elle.

Mme Robillard sent de plus en plus l’ouverture de l’industrie de la musique pour la question linguistique; c’est un souffle commun.

Tournée vers les cinq prochaines années, et après

Pour la suite de son mandat à la direction de Musique nomade, Joëlle Robillard espère que le travail qui a été fait par l’organisme ne sera pas à refaire, et qu’il sera un vecteur de changement réel dans l’industrie de la musique.

À ses yeux, Musique nomade a tout ce qu’il faut pour permettre à la relève musicale autochtone de prendre sa place. Notre modèle alternatif [dessert] les artistes et les valorise. […] Tout est là pour faire bouger les choses, croit Mme Robillard.

Cependant, si l’organisme a connu une croissance rapide, il doit prendre le temps de respirer pour bien faire les choses, [et] perdurer pour avoir un impact dans les collectivités des Premières Nations, dit la directrice générale.

L’écosystème [musical] laisse une place aux artistes des Premières Nations, et si Musique nomade a tellement fait déjà, Joëlle Robillard souhaite de plus en plus de projets pour leur permettre de rayonner et de diffuser leur langue et leur culture, conclut-elle.

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Reference-ici.radio-canada.ca

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