Moscou muselle Instagram et poursuit Meta pour « appel à la violence » | Guerre en Ukraine


À la suite de la requête du bureau du Procureur général, l’accès au réseau social Instagram […] sera restreint en Russie, a déclaré le régulateur russe des télécommunications Roskomnadzor dans un communiqué.

Instagram, qui est extrêmement populaire auprès de la jeunesse russe, est aussi devenu un important outil de vente en ligne pour de nombreuses petites et moyennes entreprises russes, ainsi que des artistes et artisans, qui dépendent de leur visibilité sur cette plateforme pour vivre.

Instagram est également l’un des réseaux sociaux les plus utilisés par les opposants russes, comme Alexeï Navalny, bête noire du Kremlin dont l’équipe continue de publier des messages malgré son emprisonnement depuis plus d’un an.

Instagram rejoint ainsi les plateformes Facebook et Twitter qui ont aussi été muselées par Moscou après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février.

Poursuites contre Meta

Une grande affiche de Meta, deux personnes qui marchent, un panneau indiquant une rue à sens unique.

Meta soutient que des comptes russes cherchent activement à rediriger des utilisateurs et utilisatrices vers des sites de désinformation.

Photo : Getty Images / Justin Sullivan

Avant de restreindre les accès à Instagram sur le territoire russe, le Kremlin a également annoncé vendredi avoir engagé des poursuites contre le groupe Meta, la maison mère d’Instagram, de Facebook et de l’application WhatsApp, l’accusant de propager des appels aux meurtres contre les Russes sur ses plateformes.

Ceci survient au lendemain de l’admission jeudi par Andy Stone, responsable de la communication de Meta, de certaines exceptions au règlement de l’entreprise sur l’incitation à la violence et à la haine. Selon lui, Meta aurait décidé de ne pas supprimer tous les messages hostiles à l’armée et aux dirigeants russes, dans un contexte d’indignation internationale contre l’offensive de Moscou en Ukraine.

Le comité d’enquête de Russie a par conséquent engagé des poursuites pour appels publics à des activités extrémistes et assistance à des activités terroristes contre Meta. La justice russe demandait également de classer le géant de l’Internet organisation extrémiste, et donc d’interdire toutes ses activités en Russie.

Déjà très restrictif en matière de liberté de presse, le régime de Vladimir Poutine ne tolère désormais aucune voix discordante à la version officielle des événements en Ukraine. La plupart des médias indépendants qui subsistaient en Russie ont d’ailleurs été muselés ou démantelés ces dernières semaines.

Tous les médias et individus qui osent désormais publier des informations jugées mensongères par le Kremlin sur les opérations russes en Ukraine s’exposent à de fortes amendes et à des peines de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans.

Nationalisation des entreprises étrangères

Désormais mis au ban des marchés et de la communauté économique occidentale élargie, Moscou serre la vis aux entreprises étrangères qui se retirent du pays en réaction aux sanctions qui ravagent l’économie russe depuis l’invasion de l’Ukraine.

De Coca-Cola à H&M, en passant par McDonald’s, Ikea, Shell ou BP, la liste d’entreprises étrangères ayant annoncé leur retrait de Russie, ou la suspension temporaire de leurs activités dans le pays, ne cesse de s’allonger.

Les sanctions occidentales sans précédent ont provoqué la chute libre du rouble, la possibilité d’un défaut sur la dette russe et la perspective de centaines de milliers d’emplois sacrifiés et d’une profonde crise économique.

Face à ce camouflet, les autorités russes multiplient les mesures pour éviter les fuites de capitaux et soutenir le rouble. Jusqu’à faire surgir un spectre lourd de sens historique : la nationalisation.

Des gens sont assis à des tables sur la terrasse du premier restaurant McDonald's à avoir ouvert ses portes en Union soviétique en 1990, à Moscou le 21 août 2014.

De nombreux géants américains, comme McDonald’s, cessent leurs activités en Russie pour condamner la guerre en Ukraine.

Photo : afp via getty images / ALEXANDER NEMENOV

Sans aller jusqu’à prononcer le mot, le président Vladimir Poutine s’est dit pour la nomination d’administrateurs externes à la tête de ces entreprises pour les transférer à ceux qui veulent les faire fonctionner.

Il a néanmoins assuré que la Russie restait ouverte aux acteurs économiques étrangers le désirant et que leurs droits devaient être protégés.

Son parti Russie Unie a carrément franchi le pas en indiquant avoir préparé un projet de loi qui sera la première étape vers la nationalisation des biens des entreprises étrangères quittant le marché russe.

Vendredi, Moscou en a rajouté une couche en ordonnant un contrôle strict des entreprises étrangères annonçant la suspension de leurs activités.

Sur Internet et dans les conversations privées, les blagues douces-amères se multiplient sur un retour à l’époque soviétique en Russie.

Pour le Kremlin, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose même si pour nombre de Russes la période de la fin de l’URSS, les années 1980, est associée aux interminables pénuries.

« L’URSS a vraiment vécu dans des conditions de sanctions, s’est développée et a obtenu d’énormes succès. »

— Une citation de  Vladimir Poutine, président de la Russie

L’ex-président russe Dmitri Medvedev a pour sa part carrément appelé à bloquer les actifs étrangers.

Juste après l’entrée des troupes russes en Ukraine, il avait brandi la menace d’une saisie des fonds de ressortissants étrangers en Russie, des propos effacés de ses réseaux sociaux depuis.

Des oligarques en désaccord

Ce genre de déclaration fait hurler les grands hommes d’affaires russes, habituellement dociles devant les sorties du Kremlin.

Je voudrais appeler à une approche très prudente sur […] la confiscation des entreprises qui ont annoncé leur retrait du marché russe. Cela nous ramènera cent ans en arrière, en 1917, année de la révolution bolchévique, a déclaré l’oligarque Vladimir Potanine, principal actionnaire du géant minier Nornickel.

« Les conséquences d’une telle mesure – la méfiance mondiale à l’égard de la Russie de la part des investisseurs – nous les subirons pendant de nombreuses décennies. »

— Une citation de  Vladimir Potamine, principal actionnaire du géant minier Nornickel

Il a également noté que de nombreuses entreprises n’ont pas mis fin à leurs activités, mais les ont suspendues à la suite de pressions sans précédent exercées sur elles par l’opinion publique étrangère.

Elles pourraient donc revenir, selon lui.

Expulsion du régime de réciprocité de l’OMC

À Washington, le président Joe Biden a de son côté annoncé que les États-Unis, en coordination avec l’Union européenne et le G7, ont décidé d’exclure la Russie du régime normal de réciprocité régissant le commerce mondial. La mesure doit être approuvée par le Congrès américain avant d’être effective. Ce qui permettra d’imposer à la Russie des hausses de tarifs douaniers en réponse à l’invasion de l’Ukraine.

Une sanction déjà prise par le Canada la semaine dernière qui a imposé des tarifs de 35 % sur tous les produits et matières en provenance de Russie.

La Russie rejoindra par conséquent Cuba et la Corée du Nord, qui sont les seuls pays actuellement exclus par les États-Unis du principe de réciprocité qui fonde l’essentiel des relations commerciales internationales.

Des membres démocrates et républicains du Congrès américain, qui montre un rare élan porté par les deux partis pour ce qui concerne les sanctions contre Moscou, ont déjà signalé leur soutien à l’arrêt des relations commerciales normales avec la Russie.

L’an dernier, les États-Unis ont importé pour quelque 30 milliards de dollars de produits russes – dont 17,5 milliards de dollars de pétrole brut, une marchandise sur laquelle Washington vient tout juste de décréter un embargo pur et simple.

Le principe de réciprocité et de non-discrimination régit actuellement l’essentiel des relations commerciales entre États.

Ainsi, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) exige que tout avantage commercial – comme une réduction des tarifs douaniers – accordé par un membre soit automatiquement appliqué à tous les autres.

Moscou, qui a rejoint l’OMC en 2012, bénéficiait depuis de ce régime.



Reference-ici.radio-canada.ca

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