Les plus vieilles momies connues sont maintenant européennes


Notre découverte montre que la momification des corps était réalisée en Europe dès l’âge de pierre, ce qui n’était pas connu auparavant. Les plus anciennes momifications connues sur le continent dataient de l’âge du bronze, explique l’archéologue suédoise Liv Nilsson Stutz, professeure à l’Université Linnaeus et principale auteure de ces travaux, qui sont publiés dans l’European Journal of Archaeology (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

Image d'un squelette prise à Arapouco en 1962.Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

Image d’un squelette prise à Arapouco en 1962. Il présente les caractéristiques de base de toutes les sépultures du site, mais il a été placé dans une position hyperfléchie qui laisse à penser que le corps a été préparé et desséché avant l’enterrement.

Photo : European Journal of Archaeology

Repères

  • Une momie est un cadavre humain préservé de la décomposition par des techniques humaines ou par des conditions naturelles particulières, comme celles qui existent dans certaines grottes.
  • Les techniques humaines éliminent l’humidité dans le corps pour arrêter la décomposition et combattent la prolifération des micro-organismes (putréfaction) grâce à la désinfection du cadavre.
  • Plusieurs civilisations américaines (Aztèques, Incas, Chachapoyas), africaines (Égyptiens) et asiatiques (Tibétains, Japonais) pratiquaient la momification des corps.
  • L’âge de la plupart des momies issues de rites funéraires varie entre quelques centaines d’années et 5000 ans. Par exemple, les plus vieilles momies égyptiennes datent d’environ 4000 ans.

Réévaluer d’anciennes archives

L’archéologue portugais Manuel Farinha dos Santos est mort en 2001 et ses archives personnelles contenaient plusieurs rouleaux de pellicules photographiques qui n’avaient pas été développées dans les années 1960.

Elles contenaient pourtant les preuves que des techniques de momification étaient utilisées en Europe au moins 1000 ans avant les détenteurs du précédent record, les chasseurs-cueilleurs Chinchorro qui vivaient dans la région côtière du désert d’Atacama, dans le nord du Chili.

Des archéologues y ont découvert des corps momifiés enterrés dans des fosses à coquillages il y a environ 7000 ans.

Des momies portugaises

La série de photographies redécouverte récemment montre les sépultures de treize individus ensevelis dans les amas coquilliers de l’âge de pierre (Mésolithique) des sites archéologiques portugais de Poças de São Bento et d’Arapouco fouillés en 1960 et en 1962.

Trois étapes de la réduction du volume des tissus mous pendant une momification naturelle guidée.Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

Réduction du volume des tissus mous pendant la momification naturelle guidée. À gauche, le corps au premier jour de l’expérience, placé en flexion à l’aide de bandages. Au centre, le volume corporel est réduit et la flexion est accrue après trois semaines, en raison de la dessiccation et du resserrement des bandages. À droite, le volume corporel après sept mois.

Photo : European Journal of Archaeology

Ces vieux clichés ont été analysés grâce à la combinaison de l’archéothanatologie et d’expériences de décomposition humaine. L’archéothanatologie permet de documenter et d’analyser les restes humains dans les sites archéologiques. Elle combine les observations de la distribution spatiale des os dans la tombe avec les connaissances sur la façon dont le corps humain se décompose après la mort.

Les archéologues ont pu reconstituer la manière dont les corps ont été manipulés après la mort et enterrés, même si plusieurs millénaires se sont écoulés depuis les rites funéraires.

Enterrement expérimental d'un corps.Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

Rangée du haut : enterrement expérimental d’un corps frais en position couchée fléchie, non vêtu, directement dans le sol. Rangée du bas : inhumation expérimentale d’un corps desséché après sept mois de momification naturelle guidée et de troussage pendant les trois premières semaines.

Photo : European Journal of Archaeology

Les résultats obtenus montrent qu’un des squelettes n’était pas dans sa position naturelle.

Il était nettement contracté et les os de ses pieds et ses orteils n’avaient pas bougé du tout, ce qui aurait dû arriver dans des circonstances normales lorsque les tissus mous se décomposent. Cela ressemble à ce que nous savons de la momification, lorsque le corps est desséché puis contracté progressivement à l’aide d’une corde ou d’un bandage, note la Pre Nilsson Stutz.

En outre, l’analyse a montré que certains autres corps étaient enterrés dans des positions extrêmement fléchies, leurs jambes pliées au niveau des genoux et placées devant la poitrine.

Les chercheurs pensent que ces positions sont le produit d’un processus de momification naturel guidé.

L’Europe de l’âge de pierre

Si la momification en Europe est plus ancienne qu’on ne le pensait, cette découverte apporte des connaissances entièrement nouvelles sur les rituels funéraires des communautés de l’âge de pierre, explique la Pre Nilsson Stutz.

La manipulation du corps pendant la momification se serait déroulée sur une période prolongée, au cours de laquelle le corps aurait été progressivement desséché pour maintenir son intégrité corporelle, et simultanément contracté en le ligotant avec des cordes ou des bandages pour le comprimer dans la position souhaitée, notent-ils.

Ainsi, une fois le processus de momification terminé, le corps était plus facile à transporter qu’un cadavre conventionnel, tout en garantissant qu’il soit conservé dans son intégrité anatomique.

Nous avons une nouvelle idée de l’importance du maintien de l’intégrité du corps après la mort et des processus qui ont transformé le corps du cadavre en momie. […] Ces gens étaient des chasseurs et des cueilleurs, et dans ces communautés relativement mobiles, les lieux de sépulture ont pu servir de points fixes pour la vie sociale et rituelle, conclut la Pre Nilsson Stutz.



Reference-ici.radio-canada.ca

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