Le télétravail, là pour de bon | Coronavirus



Ariane Ollier-Malaterre, professeure du Département d’organisation et ressources humaines de l’ESG UQAM, estime qu’il est trop tôt pour tirer un constat définitif de l’expérience, alors qu’on est encore à mettre en place un mode de travail hybride efficace.

On a eu le télétravail forcé en pandémie qui est différent du télétravail normal qu’on pouvait avoir avant la pandémie, affirme-t-elle. On fait [maintenant] la transition entre télétravail forcé vers un télétravail hybride qui pourrait être le meilleur des deux mondes.

Des leçons ont néanmoins été tirées des deux dernières années, estime-t-elle. D’abord, les Canadiens ont appris qu’une grande partie des postes pouvaient être accomplis en télétravail. Selon Statistique Canada, environ 40 % des Canadiens occupaient en avril 2020 des emplois pouvant être exercés à domicile, comparativement à 4 % en 2016.

Deuxièmement, beaucoup de gens se sont rendu compte qu’avec le télétravail, on est plus productif, ça réduit la fatigue. C’est pour ça qu’on a 75 % à 80 % des gens qui ne veulent pas retourner au bureau, poursuit-elle. En revanche, note-t-elle, le télétravail à temps plein a des coûts en termes de santé mentale, et par conséquent nécessite une certaine vigilance et un sain équilibre entre vie privée et professionnelle.

À quoi ressemblerait alors un mode de travail hybride optimal? Selon la professeure, s’il varie d’une personne à l’autre, la formule gagnante pourrait être une semaine en télétravail de deux à trois jours sur cinq, permettant aux salariés d’être à la fois plus productifs et d’avoir des interactions sociales.

Cela dit, ceux qui pratiquent des métiers qui nécessitent plus de concentration – un chercheur à l’université, par exemple – pourraient se prévaloir d’un temps plein en télétravail, alors qu’une personne plus extravertie, qui recherche la socialisation, pourrait préférer rester au bureau.

Pour Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), le mot d’ordre est flexibilité. Le télétravail n’est pas adapté à tout le monde, à toutes les organisations, dit-il. Des employeurs trouvent difficile notamment de mesurer la productivité de leurs employés. D’autres y ont en revanche rapidement trouvé leur compte.

Les employeurs, d’abord réfractaires au télétravail, ont fait du chemin depuis le début de la pandémie, reconnaît-il. Karl Blackburn, arrivé lui-même en poste au Conseil du patronat du Québec en pleine pandémie, et donc en télétravail, avait ses inquiétudes. Mais elles ont été rapidement dissipées.

En mars 2020, on a été projetés dans le 21e siècle. Si on avait voulu faire un transfert vers le télétravail dans un contexte normal, ça aurait été beaucoup plus long. Heureusement, la technologie était au rendez-vous pour permettre d’y arriver, souligne-t-il.

La grande migration vers le télétravail pendant la pandémie a eu en outre un impact profond sur la façon dont les gens pensent au travail. Des millions de salariés remettent en question leur choix de carrière, réclamant de meilleurs salaires et plus de flexibilité. C’est ce qu’on appelle la grande démission, un phénomène très fort aux États-Unis, mais qui gagne le Canada.

Au sud de la frontière, pour le seul mois de novembre, 4,5 millions d’employés ont remis leur démission. Selon un sondage du Centre canadien pour la mission de l’entreprise mené le printemps dernier, 42 % des Canadiens songeaient à changer de carrière.

Le travail de demain

Comment alors entrevoir le travail du futur? Pour le professeur à l’Université Harvard Prithwiraj Choudhury, le télétravail deviendra dans 10 ans le travail, tout bonnement. Nous l’appellerons simplement travail, et le travail est quelque chose que vous faites, pas un lieu où vous allez, a affirmé à Bloomberg celui qui se spécialise dans l’avenir du travail.

Ariane Ollier-Malaterre estime pour sa part que le mode de travail hybride demeure idéal. On a fait la démonstration en deux ans de ce qu’on a fait en 30 ans de recherche. Le télétravail fonctionne, mais à temps plein, c’est trop, dit-elle.

La professeure espère tout au moins que la société et les employeurs auront tiré des enseignements des deux dernières années. Sur beaucoup d’aspects, on a une chance de réinventer le travail.



Reference-ici.radio-canada.ca

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