Le nouveau programme de logement abordable critiqué dans l’Est-du-Québec


Ce nouveau programme prévoit des investissements de 200 millions de dollars pour la construction de logements abordables dans la province.

Bien qu’elle se réjouisse que le gouvernement tente de s’attaquer à la crise du logement, la directrice de Cité des Bâtisseurs, Doris Rochette, déplore le manque de détails de l’annonce.

C’est un programme qui nous amène beaucoup de questionnements quant à sa mise en œuvre. Il y avait AccèsLogis qui était en fonction depuis plusieurs années. Je vous avouerais qu’on aurait préféré qu’ils le bonifient, à la place, pour poursuivre le développement de nos projets, confie-t-elle.

Elle soutient qu’il est impossible de connaître, pour l’instant, le nombre de logements disponibles ainsi que le financement octroyé pour la Côte-Nord, par exemple.

« Ça va être une répartition des fonds régionale, donc on ne sait pas quelle enveloppe la Côte-Nord va recevoir et pour combien d’unités. »

— Une citation de  Doris Rochette, directrice de Cité des Bâtisseurs, Côte-Nord
Doris Rochette, directrice de Cité des Bâtisseurs sur la Côte-Nord.

Cité des Bâtisseurs est un groupe de ressource technique qui promeut le développement de logements communautaires sur toute la Côte-Nord, de Tadoussac à Blanc-Sablon.

Photo : Radio-Canada / Benoit Jobin

Elle dénonce également la volonté de privatisation de ce nouveau programme. Les entreprises privées ont dorénavant la possibilité de soumettre des projets.

C’est un programme qui est ouvert au privé. On n’est pas contre, il y a de la place pour tout le monde dans le marché, mais on a une inquiétude quant à la pérennité de ces logements abordables. On sait que le logement communautaire assure la pérennité de ces logements-là pour des générations futures. On veut que ça perdure, souligne-t-elle.

Doris Rochette soulève tout de même que les coûts de construction des nouveaux logements semblent plus réalistes dans ce nouveau programme que dans les programmes antérieurs, pour la région de la Côte-Nord.

Le fait que les coûts de construction aient été adaptés aux réalités régionales, je pense que c’est le point le plus positif. Il faut savoir que nos coûts de construction sont très élevés et les barèmes de la Société d’habitation du Québec n’étaient pas adaptés, lance Mme Rochette.

Selon elle, il manque plus d’une centaine de logements abordables dans la région actuellement.

Un programme décrié au Bas-Saint-Laurent

L’intervenant communautaire du Comité logement de Rimouski-Neigette, Alexandre Cadieux, est inquiet que l’implantation du Programme d’habitation abordable Québec remplace AccèsLogis, un programme créé en 1997 avec une mission semblable.

On avait un programme de développement de logement communautaire et social qui était très efficace déjà en place, donc on est très perplexe quant à la raison de la mise en place de ce nouveau programme, avance-t-il.

La ministre Andrée Laforest a toutefois assuré, jeudi, qu’il s’agit d’un programme complémentaire à AccèsLogis, et non d’un remplacement de ce dernier.

D’après lui, la principale différence entre AccèsLogis et le nouveau programme est l’ouverture au financement du secteur privé.

On va maintenant pouvoir utiliser des fonds publics pour financer des promoteurs privés pour donner des logements supposément abordables. On a peur que ça se fasse au détriment du logement social et communautaire comme les organisme à but non lucratif, les coopératives d’habitation et les HLM, soutient M. Cadieux.

Alexandre Cadieux, intervenant communautaire au Comité logement Rimouski-Neigette.

Le Comité logement Rimouski-Neigette est un groupe de défense collective des droits des locataires.

Photo : Radio-Canada / François Gagnon

« On est complètement à côté de la track si on pense qu’on va sortir de la crise du logement actuelle en finançant du logement privé supposément abordable. »

— Une citation de  Alexandre Cadieux, intervenant communautaire au Comité logement Bas-Saint-Laurent

Pour aider les personnes les plus vulnérables au niveau du logement dans notre société, ce qu’il faut, c’est retirer des unités du marché privé pour s’assurer que leur logement ne soit pas une marchandise. L’abordabilité, c’est une chose, mais on le voit en ce moment, il y a bien d’autres problèmes comme la discrimination, les rénovictions, la reprise de logements, etc., affirme-t-il.

Par ailleurs, Alexandre Cadieux redoute la méthode de fixation du loyer maximum du nouveau programme, qui se base sur le loyer médian de la Société d’habitation du Québec.

« Si c’est ça, le plan du gouvernement du Québec, pour aider les plus pauvres à se loger, de fournir des loyers selon le coût médian, c’est vraiment une déconnexion de ce qui se passe sur le terrain. Il n’y a rien de rassurant de ce côté-là. »

— Une citation de  Alexandre Cadieux, intervenant communautaire au Comité logement Bas-Saint-Laurent

Selon lui, plusieurs solutions sont à la portée du gouvernement pour contrer cette crise.

Il y a 6500 unités de logement en attente dans le programme AccèsLogis qui ont été approuvées et qui sont juste en attente de financement. Il y en a 10 000 autres à l’échelle de la province qui attendent d’être approuvés par la Société d’habitation du Québec, mais qui sont déjà tous mis en place du côté des organismes communautaires qui ont le mandat de développer des logements communautaires. Les solutions sont là, s’exclame-t-il.

Alexandre Cadieux indique qu’environ 400 personnes figurent présentement sur la liste d’attente pour l’accès au logement social de l’Office de l’habitation de Rimouski-Neigette.

Des immeubles, ce n’est pas des carottes

En Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, le directeur général du Groupe ressource en logements collectifs, Ambroise Henry, croit qu’il est peu probable que la première pelletée de terre pour les logements abordables, prévue pour l’été 2022 par le ministère, ait véritablement lieu.

Des immeubles, ce n’est pas des carottes. Ce n’est pas vrai qu’il va y avoir des immeubles qui vont sortir de terre cet été, comme la ministre l’a dit. Il faut être réaliste et conscient aussi que le monde de la construction, surtout dans le contexte actuel, a une certaine vitesse pour sortir des choses de terre, juge-t-il.

M. Henry remet, lui aussi, en question la place du Programme d’habitation abordable Québec vis-à-vis de celle du programme AccèsLogis.

« On se demande pourquoi ils ont mis en place un nouveau programme, alors que ça fait plusieurs années qu’on dit que AccèsLogis est un bon programme, mais il doit être regarni, refinancé et assoupli. »

— Une citation de  Ambroise Henry, directeur général du Groupe ressource en logements collectifs Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine

Il déplore aussi le fait que les différents acteurs du milieu du logement n’aient pas été consultés, en amont, lors de la création de ce nouveau programme, comparativement à ce qui avait été fait lors de la préparation d’AccèsLogis.

On espère que le ministère sera suffisamment souple, dans l’avenir, pour améliorer ce programme-là parce que lorsqu’on met sur pied un projet comme cela sans le tester auprès des gens qui travaillent sur le terrain, ça peut donner quelque chose d’imparfait, alors on va donner la chance au coureur, ajoute M. Henry.

Le président de la Fédération des organisations sans but lucratif (OSBL) en habitation dans l’Est-du-Québec, Gervais Darisse, pense que le programme nécessite encore quelques ajustements.

Gervais Darisse, président de la Fédération des OSBL en habitation pour l’Est-du-Québec.

La Fédération a comme mission de regrouper les OSBL d’habitation du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles afin de développer une offre de service complète pour ses membres.

Photo : Radio-Canada / Fabienne Tercaefs

Il espère que celui-ci soit davantage adapté aux petites municipalités.

Il y a une différence entre les moyens financiers d’une petite municipalité de 700 habitants [et] ceux d’une municipalité de 9999 habitants. Au Québec, 65 % des municipalités ont moins de 1000 habitants. Il n’y a pas de mesures, vraiment, pour elles dans ce programme. Il y a encore des améliorations à faire, indique M. Darisse.

Il estime que les besoins en nouveaux logements abordables s’élèvent à plus de 1000 dans l’Est-du-Québec.

De son côté, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

Avec les informations de Zoé Bellehumeur et Fabienne Tercaefs



Reference-ici.radio-canada.ca

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