La Société du chemin de fer de la Gaspésie prend du mieux après deux années difficiles


Les deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour la Société qui a dû passer au travers de deux importantes crises dans le domaine du transport par rail. D’abord, la grève au Canadien National à l’automne 2019, ensuite, les blocages de voies ferrées en soutien à la nation Wet’suwet’en à l’hiver 2020.

Le barrage de la voie ferrée de Listuguj, au sixième jour du blocage.

La voie ferrée avait été bloquée à Listuguj à l’hiver 2020, en soutien aux Wet’suwet’en.

Photo : Radio-Canada / Vincent Lafond

La hausse des transports, de 10 % pour 2021, s’explique par la bonne performance économique des principaux clients de l’entreprise. Parmi eux, on compte LM Wind Power, la Cimenterie McInnis et l’industrie du bois, selon Éric Dubé, président de la Société du chemin de fer de la Gaspésie.

Ce sont des secteurs qui ont très bien performé en 2021, donc on a été très chanceux de pouvoir bénéficier de ça parce qu’on était prêt, on avait les équipements pour répondre à la demande de nos clients, explique-t-il.

Éric Dubé, près d'un rail, l'hiver.

Éric Dubé, président de la Société de chemin de fer de la Gaspésie (archives)

Photo : Radio-Canada

Il se félicite aussi du chemin parcouru par l’entreprise depuis ses débuts.

En 2014, on transportait à peine 700 wagons par année, rappelle-t-il. On avait 4 ou 5 employés, on avait une dette de 4,2 millions de $ et on a été obligé de se mettre sous la protection de la faillite. Aujourd’hui, on est une quarantaine d’employés, on a presque 10 millions de chiffres d’affaires et on a été capable de convaincre nos paliers gouvernementaux d’investir plus de 300 millions pour réhabiliter l’ensemble du tronçon.

« Je pense qu’on peut être fier de tout le travail qu’on a accompli, c’est une très belle réussite. »

— Une citation de  Éric Dubé, président de la Société du chemin de fer de la Gaspésie.

Les bons résultats de la Société du chemin de fer de la Gaspésie sont aussi salués par Maurice Quesnel, directeur général de la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs.

La Société de chemin de fer a mis les bouchées doubles et on voit que les gens en place travaillent très fort, ils ont vraiment fait un excellent travail. Les résultats sont là, constate-t-il.

Malgré la conjoncture économique incertaine et la guerre en Ukraine, Éric Dubé reste optimiste pour 2022.

Pour l’ensemble des produits qu’on transporte, on n’a pas senti de ralentissement. On a fait des investissements pour encore plus améliorer notre efficacité et répondre de plus en plus aux besoins, explique-t-il.

Pour Sylvain Roy, député de Bonaventure, l’incertitude créée par la conjoncture économique et le retard d’au moins deux ans dans la mise en service du tronçon entre Caplan et Port-Daniel–Gascons représentent d’importants défis pour la Société du chemin de fer de la Gaspésie.

On a un contexte ponctuel de prix du bois d’œuvre qui fait en sorte qu’il y a un achalandage supérieur de la part du Groupe Lebel à Nouvelle, mais à partir du moment où les taux d’intérêt vont commencer à monter, les chantiers vont diminuer et fort à parier que le prix du bois d’œuvre va diminuer, prend-il comme exemple.

« Oui, c’est une bonne année, mais on est loin de la coupe aux lèvres. »

— Une citation de  Sylvain Roy, député de Bonaventure

Les retards dans la mise en service du tronçon entre Caplan et Port-Daniel–Gascons poussent l’entreprise à s’ajuster, reconnaît Éric Dubé.

On comprend que le retard au niveau de la réhabilitation amène des défis pour les deux prochaines années. À partir de là, on va devoir revoir les budgets pour les prochaines années, notre structure de fonctionnement et les impacts et après ça, on négociera notre prochaine entente avec le ministère, indique-t-il.

Convoi de pales d'éoliennes.

L’entreprise LW Wind Power est un important client de la Société de chemin de fer de la Gaspésie.

Photo : Luc Lévesque

Le député de Bonaventure Sylvain Roy craint aussi que ces incertitudes ne viennent freiner la réhabilitation du chemin de fer jusqu’à Gaspé.

Je pense qu’on a une situation ponctuelle, un petit signal positif de rentabilité et d’utilisation du rail qui ne sera pas pérenne dans l’avenir et ça va venir légitimer le retrait des investissements d’état ou son ralentissement dans la réfection du rail, croit Sylvain Roy.

De son côté, l’ancien député de Gaspé et consultant en développement régional, Gaétan Lelièvre, salue aussi la performance de la Société du chemin de fer de la Gaspésie, mais il déplore l’incertitude entourant la réhabilitation du tronçon entre Port-Daniel–Gascons et Gaspé, qui nuit selon lui au développement régional.

Ça peut paraître paradoxal, parce qu’en même temps que le chemin de fer a des succès auprès de la clientèle, c’est du jamais vu pratiquement, on se questionne sur la pérennité du tronçon entre Port-Daniel–Gascons et Gaspé. Pendant ce temps, nos entreprises doivent se tourner vers d’autres alternatives. Il y a des impacts environnementaux énormes, des impacts au niveau financier, analyse-t-il.

L'ex-député et ministre péquiste Gaétan Lelièvre.

L’ex-député et ministre péquiste Gaétan Lelièvre

Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares

Le directeur général de la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs, Maurice Quesnel, appelle aussi le gouvernement à accélérer la réhabilitation du chemin de la voie ferrée.

C’est comme faire des rénovations dans une vieille maison qui n’a pas été entretenue pendant des décennies, c’est là qu’on découvre des anomalies très importantes et malheureusement, les anciennes compagnies ont pris ce qu’elles avaient à prendre et n’ont pas entretenu la voie ferrée et après ça a été remis aux élus, explique-t-il.

Le ministère des Transports a abandonné l’objectif de 2025 pour la réhabilitation complète du chemin de fer jusqu’à Gaspé.

Tous les intervenants cités déplorent la mobilisation et l’empressement des différents gouvernements à réaliser des projets d’envergure, comme le REM à Montréal ou le 3e lien à Québec, alors que le dossier du rail gaspésien n’avance qu’à petits pas, selon eux.

Avec la collaboration d’Alice Proulx



Reference-ici.radio-canada.ca

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