La diffusion de La parfaite victime a enfreint les normes de Radio-Canada



Depuis son lancement, le 30 juin 2021, le documentaire La parfaite victime a suscité un vif débat public sur les failles de la justice québécoise en matière d’agressions sexuelles, mais a aussi fait sursauter plusieurs personnes œuvrant dans le système judiciaire.

Des intervenants du milieu de la justice ont jugé que le documentaire dépeignait le système de façon trop négative, avec comme risque de décourager des victimes de porter plainte. Des erreurs dans certaines données et la participation d’un ex-avocat radié du Barreau au documentaire sont également mises en cause.

La plainte des avocats et avocates de la défense

Me Michel LeBrun, président de l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense (AQAAD), a écrit à l’ombudsman le 6 janvier dernier, au nom de l’AQAAD et de trois autres associations d’avocates et avocats de la défense au Québec en matière criminelle, pour dénoncer la diffusion du documentaire à ICI Télé.

Les plaignants ont notamment cité un passage du documentaire où l’avocat criminaliste Patrick Davis affirme n’avoir perdu aucune cause d’agression sexuelle, ses clients ayant tous été acquittés.

Or, une simple recherche sur Internet permet de constater que cette affirmation est fausse. J’ai moi-même recensé quatre décisions publiées dans lesquelles des accusations d’agressions sexuelles ont été retenues malgré les représentations contraires de Me Davis, a affirmé Me LeBrun dans la plainte.

Les plaignants remettaient également en cause la présence dans le film de l’ex-avocat Claude F. Archambault, radié du barreau depuis plus de dix ans pour de multiples infractions reliées à la malhonnêteté, selon Me LeBrun.

Les critiques du DPCP

Me Rachelle Pitre, procureure en chef adjointe au bureau de Montréal du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), s’était également montrée critique de La parfaite victime au lendemain de sa première, en juin 2021.

En entrevue avec Isabelle Richer, elle avait notamment remis en cause une statistique citée dans le documentaire concernant le taux de plaintes autorisées par le DPCP.

Les journalistes Monic Néron et Émilie Perreault soutiennent dans le film que ce taux est d’environ 20 %, un ratio calculé à partir de données obtenues par la loi d’accès à l’information, alors que le DPCP affirme que le taux est plutôt de 70 %.

« L’imparfait documentaire »

L’ombudsman Pierre Champoux a accueilli en partie la plainte formulée par Me LeBrun et en est arrivé à la conclusion que la diffusion de La parfaite victime à la télévision de Radio-Canada en décembre avait enfreint les NPJ du diffuseur public.

Au sujet de Me Davis et de ses propos inexacts sur ses succès en matière de défense, M. Champoux affirme qu’une telle fanfaronnade ne peut que démoraliser, voire décourager quiconque de porter plainte. Dès lors qu’on la sait fausse, il m’apparaît important de le préciser.

En ce qui a trait au taux de plaintes autorisées par le DPCP, Pierre Champoux affirme que Radio-Canada avait la responsabilité d’en prévenir l’auditoire.

Quant aux propos de l’ex-avocat Claude F. Archambault, il conclut que bien que ses propos demeurent un reflet d’une époque, espérons-le, révolue […] sa participation n’est pas une raison suffisante pour ne pas diffuser le documentaire. Les réalisatrices ont voulu lui donner la parole et c’est leur droit.

M. Champoux affirme aussi que La parfaite victime, un imparfait documentaire, selon le titre de sa révision, entre dans la catégorie des documentaires d’opinion. Radio-Canada aurait dû le présenter comme tel, juge M. Champoux, surtout dans un contexte où l’opinion et l’information impartiale sont trop souvent confondus par les citoyens.

Un documentaire d’intérêt public malgré tout

L’ombudsman rappelle en outre que La parfaite victime n’est ni un reportage, ni un documentaire produit par le Service de l’information de Radio-Canada. Il n’a donc pas à respecter les principes d’impartialité et d’intégrité qui constituent deux des cinq socles des NPJ, mais il doit se soumettre aux trois autres que sont l’exactitude, l’équilibre et l’équité.

Finalement, Pierre Champoux estime que malgré ses failles, La parfaite victime est un documentaire dont la diffusion sert l’intérêt public en exposant les grandes difficultés vécues par des victimes d’agressions sexuelles, tout en offrant une lueur d’espoir. Sans être au-dessus de tout reproche, le traitement fait réagir, remue et émeut.

La direction de Radio-Canada a affirmé que la recommandation de l’ombudsman sera respectée, sans remettre en cause la pertinence de la diffusion du documentaire.

Radio-Canada prend acte de la révision de l’ombudsman concernant le documentaire La victime parfaite dont il ne remet pas en cause la pertinence de sa diffusion. Nous donnerons rapidement suite à sa recommandation en ajoutant un message d’avertissement sur la page d’ICI TOU.TV (Nouvelle fenêtre) ainsi qu’un panneau précédant le documentaire, a affirmé par courriel Marc Pichette, premier directeur, promotion et relations publiques chez Radio-Canada.



Reference-ici.radio-canada.ca

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