La Couronne réclame 23 ans de prison contre Brady Robertson


Brady Robertson avait plaidé coupable en juillet 2021 de quatre accusations de conduite dangereuse ayant causé la mort, mais il avait évoqué l’innocence pour les quatre autres accusations de conduite avec les facultés affaiblies ayant causé la mort.

Sa défense avait d’ailleurs déposé un recours constitutionnel au sujet de ces dernières accusations, affirmant que la consommation de cannabis n’était aucunement liée à son comportement au volant.

En perdant son recours au début du mois, Robertson avait automatiquement été reconnu coupable des quatre accusations en question, parce que le Code criminel interdit la conduite avec facultés affaiblies, à quelque degré que ce soit, par la drogue, l’alcool, ou une combinaison des deux.

Or, le procès avait démontré que l’individu de 22 ans avait un taux de cannabis dans le sang huit fois plus élevé que la limite permise au moment de la collision avec la voiture des victimes.

Un sketch de cour

La juge Sandra Caponecchia et, en mortaise, un croquis d’une photo de l’accusé prise à l’hôpital après l’accident.

Photo : Radio-Canada / Pam Davies/The Canadian News

Le procureur de la Couronne a d’ailleurs évoqué lundi les récents changements qui ont été apportés en octobre 2017 au Code sur la sévérité des peines pour conduite dangereuse et sous influence pour exiger un châtiment exemplaire contre Robertson.

La Cour de justice doit respecter la décision du législateur, explique Me Patrick Quilty qui rappelle que le durcissement des peines permet aujourd’hui de mieux mettre en lumière les objectifs de dénonciation et de dissuasion.

Le procureur assure que Robertson doit avoir une peine plus sévère que Marco Muzzo, qui a écopé de 10 ans de prison pour avoir tué un grand-père et ses trois petits-enfants dans la région de York en septembre 2015.

Marco Muzzo aurait probablement eu une peine sévère mais le Code criminel n’a été amendé que deux ans plus tard, dit-il.

Des facteurs aggravants

Me Quilty avance de nombreux facteurs aggravants dans cette cause. Il rappelle que l’individu avait fui la police pour éviter un contrôle policier juste avant l’accident du 18 juin 2020, qu’il roulait très vite et de façon téméraire et que son véhicule n’était pas en règle.

Il n’a plaidé coupable qu’à la moitié des accusations et il n’a pas encore endossé l’entière responsabilité de son crime, poursuit-il.

Le procureur a en outre relevé les déclarations bouleversantes que les membres de la famille Ciasullo ont faites à la Cour au sujet de l’impact que l’accident mortel a eu sur leur vie.

La mort d’une mère de famille et de tous ses enfants a eu un impact considérable sur leur famille, mais aussi sur la communauté, ajoute Me Quilty.

Un sketch de cour qui présente deux portraits juxtaposés

Les témoins oculaires, Sandeep Singh (à gauche) et Kuljit Kaur, avaient témoigné pour la Couronne au procès de Brady Robertson.

Photo : Radio-Canada / Pam Davies/The Canadian News

La Couronne souligne que Robertson possède déjà un casier judiciaire pour des délits, qui n’ont toutefois aucun rapport à la conduite automobile. Il n’empêche, elle déclare qu’il possède un dossier de conduite déplorable.

Brady Robertson est un dangereux conducteur et il a d’ailleurs violé la loi deux jours avant l’accident, dit-il en rappelant son taux de tétrahydrocannabinol dans le sang.

Son permis était suspendu depuis deux ans, ce n’était pas sa voiture, le véhicule n’était pas assuré et la plaque d’immatriculation n’était pas la bonne, souligne le procureur qui ajoute que le parallèle avec Marco Muzzo est donc bien différent.

Le procureur demande en outre à ce qu’il n’obtienne aucune remise en liberté conditionnelle avant 10 ans, mais il consent à lui accorder une remise de peine de presque 3 ans pour le temps qu’il a passé en détention préventive en attendant son procès.

La position de la défense

La défense de Brady Robertson soutient au contraire que la requête de la Couronne est inappropriée et injustifiée car elle ne s’appuie sur aucune jurisprudence, même si la loi a été modifiée.

Il n’est pas nécessaire d’infliger un châtiment aussi sévère à mon client pour dénoncer son crime et dissuader quiconque de commettre le même crime, explique l’avocat Craig Bottomley.

Me Bottomley fait lui aussi référence à la peine infligée à Marco Muzzo, en précisant toutefois qu’il avait commis pire crime, puisqu’il a tué quatre passagers et qu’il en a sévèrement blessé deux autres.

Photo d'un homme au visage apathique qui marche.

Marco Muzzo a été condamné à 10 ans de prison en 2016 par le tribunal de Newmarket pour un accident qui a fait 4 morts et 2 blessées.

Photo : La Presse canadienne / Christopher Katsarov

L’avocat ajoute que son client a eu une enfance troublée, malheureuse et marquée par des problèmes de santé mentale.

À en croire le rapport Gladue, Brady Robertson a été abandonné à l’âge de 6 mois par sa mère, puis à 9 ans par son père alcoolique, si bien qu’il n’a jamais connu ses origines autochtones. Il a été privé de sa culture, dit-il.

Il cite en partie le rapport qui a été remis à la juge pour la détermination de la peine. Le document montre que Brady Robertson a été agressé physiquement et sexuellement lorsqu’il était enfant.

Affaire Gladue

La cause Gladue est un jugement historique de la Cour suprême du Canada qui a avisé le 23 avril 1999 les cours inférieures du pays de prendre en compte les origines d’un contrevenant autochtone et de passer des jugements en conséquence, conformément à l’article 718.2 (e) du Code criminel lequel a pour objet de remédier à la surreprésentation des contrevenants autochtones dans les prisons.

Me Bottomley précise que son client a commencé à se droguer en Alberta à l’âge de 11 ans avant de quitter définitivement l’école trois ans plus tard pour aller vivre en Colombie-Britannique.

La défense demande donc une peine de sept ans de prison et la suspension de son permis de conduire durant 10 ans. Elle demande en outre que la juge tienne compte de ses conditions de détention préventive.

Mon client a passé dix mois en confinement cellulaire à la prison Maplehurst depuis le début de la pandémie sans recevoir toute l’attention médicale dont il avait besoin depuis son congé de l’hôpital, souligne-t-elle.

Me Bottomly conclut que la réinsertion sociale de son client est possible sans extrapoler toutefois sur un tel argument.

Il n’a fait que rappeler que son client est encore jeune et qu’il est rongé par le remords. Il m’a confié qu’il ne s’est pas enlevé la vie après l’accident parce qu’il souhaite que la famille de ses victimes obtienne justice, conclut-il.

Les excuses du chauffard

Robertson s’est adressé à la cour avant l’ajournement de l’audience, en qualifiant d’abord ses actions d’égoïstes, d’indignes, d’irresponsables et d’irréfléchies. J’aurais dû périr à leur place dans cet accident, déclare-t-il.

Il rejette les prétentions de ceux qui lui répètent que le destin est en cause. Je suis le seul responsable de cette situation, j’ai causé l’accident et je ne pourrai jamais me le pardonner, poursuit-il.

Portrait de famille de Karolina Ciasullo et de ses trois filles.

Karolina Ciasullo et ses trois filles, Clara, Liliana et Mila, ont été tuées lorsque leur VUS a été percuté par le véhicule de Brady Robertson en juin 2020.

Photo : GoFundMe

Il ajoute qu’il serait lui aussi en colère s’il avait été dans les souliers des proches des quatre victimes. Je suis profondément désolé pour ce que j’ai fait et je sais que mes excuses ne les ramèneront pas à la vie, précise-t-il.

Je suis profondément tourmenté et je devrai vivre avec ce sentiment de culpabilité tout le reste de ma vie, dit-il.

Il s’est adressé à la mère des victimes. Karolina, je suis profondément désolé d’avoir pris votre vie et celle de vos enfants, je ne mérite pas de vivre à votre place, souligne-t-il en reprenant son souffle.

Un couple de grands-parents et une militante contre l'alcool et la vitesse au volant.

Kazimierz et Lilianna Lugiewicz (les parents de Karolina Ciasullo) réagissent au demi-plaidoyer de culpabilité l’été dernier à l’extérieur du tribunal de Brampton.

Photo : Radio-Canada / Martin Trainor

Il a aussi eu quelques mots pour le mari de Mme Ciasullo et le père des trois victimes présent dans le prétoire pour cette audience en format hybride virtuelle et présentielle. Je vous présente des excuses, à vous et votre famille, ainsi qu’aux étudiants de Karolina, souligne-t-il.

J’ai longtemps voulu m’enlever la vie, mais je souhaite aujourd’hui payer mon dû pour mon crime, conclut-il.

Dans son droit de réplique, le procureur Quilty a rappelé à la juge que le parlement est celui qui décide des peines à infliger aux contrevenants de la route en vertu de la loi et que le législateur n’aurait pas amendé le Code criminel s’il ne pensait pas que les peines étaient trop clémentes.

La sentence sera rendue le 16 mai prochain.



Reference-ici.radio-canada.ca

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