Guy Lafleur : le départ d’un grand symbole


Pourquoi ce décès évoque tant d’émotions chez les Québécois?

Guy Lafleur, c’est clairement une des rares personnes qui transcende son sport. Ce n’est plus juste le Canadien de Montréal. Ce n’est pas juste le hockey. C’est une icône de la culture populaire. Il est devenu un repère, une image collective partagée. Sur ce que l’on peut faire de bien. Sur comment avec détermination, on peut y arriver. Il y a une forme d’identification qui s’opère dans ce genre de démarche. Qu’on aime le sport ou non. Guy Lafleur [est] un symbole national, comme le Rocket Richard, comme René Lévesque.

La comparaison avec René Lévesque est très bonne et en même temps elle est boiteuse parce qu’ils sont à des spectres politiques opposés. Mais sur la base de l’identité nationale, la comparaison avec René Lévesque, elle est tout à fait pertinente. [Guy Lafleur] a transcendé. René Lévesque, c’était la même chose: fédéraliste ou souverainiste, on saluait le caractère universel et ralliant de la personne. Un charisme dur à décrire et dur à saisir. C’est ce qu’avait aussi Lafleur, à mon avis.

Que dire du reste de sa vie après le hockey? Après sa carrière, il a toujours eu une présence dans la sphère publique. On a toujours tendu l’oreille quand il avait des choses à dire, des commentaires à faire.

Oui, et ça, je dirais que c’est aussi à la fois ce qui fait qu’on aime beaucoup le personnage. Il n’a quand même pas fait l’unanimité parce que parfois, ses positions envers l’état du hockey d’aujourd’hui et envers certains jeunes joueurs étaient reçues difficilement. Les critiques parfois acerbes qu’il faisait à l’organisation des Canadiens aussi.

Guy Lafleur avec la rondelle poursuivit par un joueur des Blackhawks.

Guy Lafleur sur la glace du Forum de Montréal, le 9 octobre 1982 lors d’un match contre les Blackhawks de Chicago.

Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty

Mais en même temps, je pense que cela a continué à alimenter l’icône Guy Lafleur. Une personne qui dit ce qu’elle pense. Même si ça va déplaire, même si c’est déplacé. On aime bien ça souvent, avoir cette impression de franchise, d’authenticité, d’un être entier. C’est ce qu’on apprécie beaucoup de ce genre de personnalité. Je crois que dans l’image que l’on entretient de Guy Lafleur, l’intégrité aussi est un élément très fort.

Un dernier point, l’humilité. Ça fait longtemps que j’entends des témoignages sur Guy Lafleur, bien avant son décès, sur cette humilité-là. Un homme capable de faire des choses extraordinaires à l’extérieur de la patinoire. Être capable de chaleur, de signer des autographes, de serrer des mains. De prendre le temps d’aller voir les gens, plein de gens, de toutes les catégories d’individus. Et continuer sans nécessairement vouloir en récolter les fruits et vouloir l’afficher, à cet égard, je pense aussi que ça caractérise assez bien ce que Guy Lafleur a été. Ça construit tout ce mythe et ce symbole Guy Lafleur.

Vous êtes aussi un amateur de hockey de longue date. Qu’est-ce que Guy Lafleur évoque pour vous?

La raison pour laquelle j’aime le hockey. Honnêtement, Guy Lafleur a été pour moi le premier grand contact avec le hockey. Quand tu es un petit enfant, tu aimes les héros. De voir un joueur de hockey patiner super vite avec une tignasse blonde. À chacune de ses présences, tu t’attendais à ce qu’il se passe quelque chose. Il pouvait se passer quelque chose. Les animateurs qui décrivaient le match le savaient. Alors moi, ça me rentrait dedans, littéralement.

trois jeunes garçons portant des chandails à l'effigie de joueurs du Canadien.

Pour Emmanuel Choquette (au centre), Guy Lafleur évoque de beaux souvenirs d’enfance.

Photo : collection: Emmanuel Choquette

Ça évoque tellement de jeux avec mes amis aussi. Moi, écoute, ce matin, j’ai versé plus qu’une larme. C’est un peu comme un pan de vie qui disparaît. C’est comme quelqu’un de proche que tu n’as jamais connu, mais qui fait partie de toi. Quand on pleure un deuil, on voit des images de la personne, de ce qu’elle a représenté. Alors je me suis revu enfant. Je me suis revu adolescent. Je me revois en train de jouer en criant : la passe, à Lafleur!

J’ai pensé à plein de choses qui avaient été faites et qui évoquaient Guy Lafleur. Dans Passe-Partout, ils jouent au hockey dehors puis Passe-Montagne dit : aujourd’hui, même les tirs de Guy Lafleur ne me feront pas peur. Et ça, pour moi, c’était fort. Tout ça m’est revenu en tête.

La fois où je suis allé au forum, j’étais bien jeune. Je me rappelle le fameux slap shot qui a déjoué le gardien des Blues. Top net. La foule qui se levait. Il était toujours une menace. On n’arrivait pas à l’arrêter. Il n’y avait qu’un Guy Lafleur.



Reference-ici.radio-canada.ca

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