Des personnes handicapées veulent plus de subventions pour adapter leur domicile


C’est sûr que c’était nettement insuffisant dans notre cas, dit Muriel Lizotte. Son conjoint, Pierre Lavallée, est atteint de la maladie de Parkinson et a subi une opération à la jambe, ce qui réduit grandement sa mobilité. L’homme de 65 ans doit se déplacer en fauteuil roulant.

La situation est devenue intenable en 2016. On commençait à prendre le fauteuil, puis là, on avait besoin d’aménagements. Il n’y avait pas de seuils adaptés, la salle de bain… ça devenait compliqué, indique Mme Lizotte.

Ils déposent donc une demande pour bénéficier du programme d’adaptation de domicile (PAD) du gouvernement du Québec. Un ergonome vient évaluer les besoins, des plans et devis sont ensuite préparés. Le couple de Longueuil obtient le feu vert un an et demi plus tard pour lancer les travaux.

À l’intérieur de la maison, la salle de bain est entièrement refaite. On aménage une douche sans seuil et un nouveau meuble-lavabo laissant un espace suffisant pour y accéder en fauteuil roulant. Une chambre à coucher est construite au rez-de-chaussée pour M. Lavallée. Trois cadres de portes sont élargis.

C’est l’entrepreneur Alain Croteau, propriétaire de l’entreprise Maison Adaptée du Québec, qui effectue les travaux. Dépenser 25 000 $ dans la salle de bain, c’est pas long quand on regarde tout ce qu’il y a à faire. Tous les corps de métiers passent là-dedans. T’as le menuisier, t’as l’électricien, t’as le plombier, t’as le carreleur.

À l’extérieur, le couple fait installer une plateforme élévatrice pour permettre à M. Lavallée d’accéder à la galerie et à la porte d’entrée de son domicile. Le programme gouvernemental proposait plutôt une rampe en bois, qui aurait monopolisé pratiquement tout leur terrain.

En excluant les extras demandés, comme la plateforme, la facture totale grimpe à environ 50 000 $. Le programme d’adaptation de domicile en paye 16 000 $ et le couple doit débourser la différence.

Muriel Lizotte et Pierre Lavallée sont assis dans leur salon.

Muriel Lizotte et son conjoint Pierre Lavallée.

Photo : Radio-Canada

Aucune indexation en 30 ans

Le montant versé à M. Lavallée et Mme Lizotte correspond à l’aide financière maximale de base du programme, qui n’a jamais été indexée depuis que la Société d’habitation du Québec (SHQ) en assure la gestion, c’est-à-dire 1992.

Des montants supplémentaires de 7000 $ et de 10 000 $ peuvent être offerts aux personnes à faible revenu et à celles qui ont besoin d’équipement spécialisé. Selon les données fournies par la SHQ, la subvention moyenne versée aux bénéficiaires était de 13 830 $ au cours des cinq dernières années.

« Quand j’ai vu les prix, j’ai trouvé ça déloyal que le gouvernement fasse dépenser des sommes pareilles à des citoyens »

— Une citation de  Pierre Lavallée, atteint de la maladie de Parkinson et bénéficiaire du programme d’adaptation de domicile

Le gouvernement t’oblige à des normes pour le programme PAD, mais il ne te donne pas le financement pour aller avec, se désole-t-il.

En fait, le programme fixe un montant maximal à verser pour chaque aménagement effectué dans le cadre d’un projet d’adaptation. Mais les sommes ne reflètent pratiquement jamais le coût réel des travaux, déplore Alain Croteau. Le bénéficiaire doit donc payer l’excédent. Quand j’ai commencé en 1998, le client payait entre 2000 $ et 5000 $ de ses poches. Aujourd’hui, on parle de 10 000 $ à 20 000 $, estime-t-il.

Québec veut bonifier le programme

Dans une déclaration transmise par courriel, le cabinet de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, affirme que le gouvernement est sensible aux besoins que peuvent avoir les personnes handicapées en ce qui concerne l’adaptation de leur domicile.

Québec a fait doubler le financement du programme, qui a atteint 40 millions de dollars en 2021-2022, alors qu’il était plutôt de 20 M$ au cours des deux années précédentes. Mais le gouvernement Legault a maintenant l’intention de hausser les montants qui peuvent être consentis aux bénéficiaires.

« La ministre Laforest souhaite bonifier encore davantage les subventions offertes pour que les coûts d’adaptation soient encore mieux couverts »

— Une citation de  Bénédicte Trottier-Lavoie, attachée de presse de la ministre Andrée Laforest

À Montréal, c’est la Ville qui gère le programme d’adaptation de domicile depuis 2020, grâce à son statut de métropole. L’aide financière maximale offerte est de 35 000 $, ce qui est deux fois plus élevé qu’ailleurs dans la province.

Et la réalité est bien différente pour ceux qui ont vécu des accidents de la route ou des accidents de travail. La Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et la Commission des normes, de l’équité de la santé et de la sécurité du travail ne fixent aucun montant maximal dans leurs programmes d’adaptation de domicile, tout en disant réaliser les travaux au plus faible coût possible.

Happé par un camion alors qu’il était à vélo au début des années 2000, le Montréalais Chris Kennedy est devenu tétraplégique. De la cuisine à la salle de bain, en passant par la chambre à coucher, le rez-de-chaussée de son triplex a été complètement adapté pour qu’il puisse y vivre confortablement.

Il indique que la SAAQ a payé environ 100 000 $ pour les travaux, ce dont il est satisfait. Mais il déplore que les bénéficiaires du programme d’adaptation de domicile reçoivent beaucoup moins. C’est une grosse différence. C’est comme mettre un petit pansement sur une grosse plaie.

De nombreuses demandes abandonnées

Depuis 2017, plus de 10 000 personnes ont déposé une demande jugée admissible par le programme d’adaptation de domicile. Mais 37 % des dossiers ont été abandonnés en cours de route.

Selon la SHQ, plusieurs raisons expliquent la situation (voir encadré). Certains demandeurs décident par exemple de déménager quand les travaux pour adapter leur maison sont trop importants. D’autres laissent tomber parce qu’ils n’ont pas assez d’argent pour payer une partie des travaux.

À Longueuil, c’est juste la moitié des projets qui marchent. Ils sortent à peu près 40 dossiers par année, et il y en a juste 20 qui marchent. Les autres, ils les abandonnent, le monde n’a pas d’argent, affirme Alain Croteau.

Certains, comme Marie-Chantal Salvas, renoncent en raison des délais. La mère de famille est devenue tétraplégique à la suite d’un accident à l’étranger.

Il y a six ans, j’étais en Californie. Je me suis baignée dans l’océan et, en me laissant pousser par une vague, la vague a cassé, j’ai accroché le fond et ça m’a cassé le cou, raconte-t-elle.

Elle avait entamé des démarches pour bénéficier du programme d’adaptation de domicile, mais a finalement laissé tomber parce qu’il y avait deux ans d’attente à l’époque. Ça ne valait pas la peine d’attendre aussi longtemps pour une subvention de 16 000 $, estime-t-elle. J’avais mon lit dans le salon, je ne pouvais pas avoir accès à l’étage, ce n’était pas viable.

Son conjoint et elle ont dû acheter une nouvelle maison parce qu’il était impossible d’ajouter un ascenseur dans leur cottage de deux étages. Mais il a tout de même fallu adapter la nouvelle propriété. 150 000 $ pour une couple de cadres de porte, une plateforme élévatrice, agrandir une porte de garage, c’est essoufflant.

« Tu t’arranges avec tes problèmes. C’est sûr que c’est mon accident, mais je trouve ça dommage que si j’avais eu un accident de la route, ça aurait été payé à 100 % pratiquement. »

— Une citation de  Marie-Chantal Salvas, victime d’un accident qui l’a laissée tétraplégique

Elle espère que le gouvernement haussera bel et bien les subventions accordées, au moins pour tenir compte de l’inflation depuis 1992. Muriel Lizotte souhaite aussi une bonification du programme. Dans les décisions gouvernementales, on parle beaucoup de soins à domicile. Bien, si on veut que les gens restent à la maison, il faut donner les moyens qui vont avec.

Les raisons derrière l’abandon des demandes faites au programme d’adaptation de domicile

Selon la Société d’habitation du Québec, 37 % des demandeurs retirent leur demande avant d’obtenir une subvention. Voici les principales raisons invoquées.

  • Déménagement : 15 %
  • Décès : 14 %
  • Besoins comblés autrement : 6 %
  • Autres raisons : 28 % (ce qui inclut les abandons pour des raisons financières)



Reference-ici.radio-canada.ca

Leave a Comment