Des municipalités veulent limiter les bateaux de surf sur le Richelieu



Quand tu as un bateau de 40 pieds, accoté sur le derrière et qui fait une grosse vague, il ramasse et il brasse tout le fond de la rivière, explique M. Leduc, qui préside l’Association des riverains et des amis du Richelieu. Ce faisant, une foule de produits chimiques sont soulevés et nuisent à la survie du chevalier cuivré, une espèce menacée dont la rivière Richelieu est l’un des seuls habitats.

Pour limiter le brassage des sédiments, mais aussi pour tenter de freiner l’érosion des berges et accroître la sécurité sur le cours d’eau, quatre municipalités situées en aval de l’autoroute 20 avaient mandaté le député fédéral Xavier Barsalou-Duval d’élaborer un projet de règlement qui a été soumis à Transports Canada. Ce projet de règlement, qui s’est rendu jusqu’au Conseil du Trésor, visait à imposer une limite de vitesse de 10 km/h sur une distance d’environ 20 kilomètres.

Trop drastique selon certains

Les marinas et certains plaisanciers, qui ont constaté l’existence de ce projet de règlement l’automne dernier, ont organisé une levée de boucliers. Ça n’avait pas de bon sens, c’était trop drastique croit Patrick Picard, propriétaire du concessionnaire de bateaux Mathias Marine Sport et porte-parole des marinas du secteur. À 10 km/h, vous avancez à peine. Ça veut dire que ce tronçon-là va prendre deux heures à faire.

À la suite des élections municipales, où de nouveaux maires et mairesses ont pris le pouvoir dans les quatre localités, Transports Canada a demandé aux nouveaux élus de confirmer leurs intentions au sujet du projet de règlement. Les quatre municipalités, Saint-Denis-sur-Richelieu, Saint-Marc-sur-Richelieu, Saint-Charles-sur-Richelieu et Saint-Antoine-sur-Richelieu, ont donc mené de nouvelles consultations au terme desquelles un projet de règlement modifié a été élaboré.

Les municipalités acceptent de permettre la navigation à 50 km/h à certains endroits, à une distance de 50 mètres des berges. Et pour limiter les grosses vagues, elles s’attaquent directement aux sports nautiques comme le ski nautique et le surf, dont la pratique serait interdite le samedi et le dimanche entre 11 h et 17 h. L’objectif est de limiter le passage des wakeboats, des embarcations conçues pour générer de grosses vagues.

C’est un compromis, explique le député Xavier Barsalou-Duval. Moi, je pense que dans un monde idéal, ce type de bateaux là ne devrait probablement pas du tout être sur une rivière aussi [étroite], mais on a été avec ce qu’on était capable d’avancer.

Les plaisanciers et les commerçants s’opposent

Mais de telles balises posées à la pratique des sports nautiques passent mal auprès de l’Alliance de l’industrie nautique du Québec, qui représente les détaillants et manufacturiers de bateaux, les marinas et les plaisanciers. Interdire ces sports les après-midi d’été va faire en sorte que les gens vont venir soit avant, soit après, ou alors ils vont aller dans d’autres sections de la rivière, croit la directrice générale Josée Côté. Cette dernière souhaiterait aussi que la zone de 10 km/h soit limitée à 30 mètres des berges. Cinquante mètres à 10 km/h, c’est un précédent, explique Mme Côté. Partout au Canada, on protège 30 mètres de la berge.

Le porte-parole des marinas, Patrick Picard, propose de son côté que les sports nautiques soient autorisés en tout temps, mais seulement à certains endroits, loin des îles et des noyaux villageois. Les activités non motorisées, telles que la planche à pagaie et le kayak, auraient avantage à se concentrer là où la limite serait de 10 km/h. Les gens vont avoir de belles zones pour faire ça, s’ils le veulent.

Pour le commerçant, le projet de règlement s’attaque au mauvais responsable de l’érosion des berges. Ce qui fait la plus grosse érosion, c’est toujours la crue des eaux avec la glace, affirme M. Picard. Ce ne sont pas les bateaux qui font la grosse érosion, ce sont des faussetés, ajoute-t-il.

Pourtant, une étude de 2014, réalisée par le professeur Yves Prairie de l’UQAM, conclut que les wakeboats, qui sont conçus pour générer de grosses vagues, ne devraient pas être autorisés à passer à moins de 300 mètres des rives d’un lac ou d’une rivière, pour éviter l’érosion. Or, la largeur moyenne de la rivière Richelieu avoisine justement les 300 mètres.

Les autres municipalités surveillent l’évolution du dossier

Ce n’est pas avant 2024 qu’un règlement sur la navigation sur le Richelieu pourrait être adopté par Transports Canada et mis en application. Mais d’autres localités riveraines de la rivière surveillent la situation de près. Saint-Ours, située en aval de Saint-Denis-sur-Richelieu, souhaite elle aussi réglementer l’activité nautique sur sa portion du cours d’eau, explique le maire Sylvain Dupuis.

Moi, je serais allé plus loin, dit-il. Ce qui m’intéressait, c’était de légiférer la vague parce qu’un bateau à 10 km/h peut faire une vague aussi dangereuse qu’un autre à 50 km/h. Selon M. Dupuis, un système de capteurs et de cloches permettrait de signaler aux policiers les embarcations qui feraient de trop grosses vagues sur la rivière. Ça se fait au Canada et aux États-Unis, il faut juste avoir la volonté politique de le porter.

À Boucherville, l’activité nautique sur le fleuve Saint-Laurent a aussi provoqué le mécontentement de nombreux citoyens. Dans un sondage mené par la Ville en 2021, plus des trois quarts des répondants se sont dits préoccupés par la quantité de bateaux à moteur et leur vitesse excessive.

Pour le moment, la Ville de Boucherville en est toutefois à l’étape de la sensibilisation. Des bouées et des affiches, installées l’année dernière pour inciter les plaisanciers à ralentir, seront de nouveau installées cette année. Les patrouilles nautiques de la Garde côtière et du Service de police de l’agglomération de Longueuil seront également de retour sur le fleuve.



Reference-ici.radio-canada.ca

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