Chronique | Le grand malaise du hockey universitaire canadien



À la fin du mois de janvier dernier, Radio-Canada Sports a publié les résultats préliminaires d’un sondage qui a fait grand bruit dans les milieux sportifs universitaires. Près d’une quarantaine d’entraîneurs-chefs de programmes établis dans neuf provinces avaient participé à cette vaste consultation.

Il en était ressorti que les universités qui comptent des programmes de hockey masculin et féminin au sein de leur département des sports consacrent, en moyenne, 50 % moins de ressources financières au volet féminin. Voilà qui, en 2022, avait de quoi étonner. 

Nous profitons du dernier week-end de la saison de hockey universitaire canadien pour publier d’autres volets importants de notre sondage. Les résultats obtenus révèlent un certain désarroi des acteurs de ce milieu dans l’accomplissement de leur mission. 


Dans un relatif anonymat, les meilleures formations masculines au pays, dont les Patriotes de l’UQTR, se disputent le championnat national en Nouvelle-Écosse jusqu’à dimanche. Et la semaine dernière à Charlottetown, les Stingers de Concordia dirigées par Julie Chu et Caroline Ouellette ont remporté leur premier titre canadien depuis 1999.

Cela dit, la quasi-totalité des amateurs de hockey ignore à peu près tout de ce qui se fait au sein du réseau U Sports. Regardons les choses en face et admettons que le Canada entretient une relation fort ambigüe avec son réseau de hockey universitaire.

La science a depuis longtemps reconnu le hockey comme un sport à développement tardif. Logiquement, le hockey universitaire devrait donc camper un rôle majeur dans la stratégie de développement de Hockey Canada. Et ce, tant du côté des hommes que des femmes. 

C’est d’ailleurs ce qui se fait chez nos voisins du sud. 

Au Canada, cependant, les hommes et les femmes qui dirigent des programmes de hockey universitaires vivent une tout autre réalité. 

Pas moins de 78,9 % d’entre eux estiment ne pas être appuyés par des budgets suffisants pour assurer le bon fonctionnement d’un programme d’excellence. 

Notre fonctionnement dépend de l’implication d’un trop grand nombre de bénévoles. Ça rend notre environnement trop instable. En même temps, je dois reconnaître que notre équipe ne génère presque pas de revenus. Nous n’avons pas de grosses foules et pas de contrat de télévision. Aussi, les frais de scolarité sont peu élevés. Il est donc difficile de consacrer une partie de cet argent aux sports, opine un entraîneur d’une université anglophone.


Effectivement, la plupart des budgets de fonctionnement des équipes universitaires sont très serrés. Ils varient entre 200 000 et 750 000 dollars par saison. Par contre, les équipes dont les budgets se situent au sommet de l’échelle constituent l’exception.

Selon les déclarations faites par les entraîneurs, les budgets moyens des programmes des universités anglophones (hommes et femmes) s’élèvent à 340 000 dollars, et ceux des universités francophones à 311 000 dollars. C’est extrêmement mince. Nombreux sont ceux qui doivent donc couper dans l’essentiel.

Par exemple, plus de 68 % des entraîneurs sont appuyés par une équipe d’au moins trois assistants. Toutefois, la forte majorité de ces adjoints sont soit bénévoles, soit employés à temps partiel. En fait, moins d’un tiers des équipes de hockey universitaire (29 %) misent sur un entraîneur adjoint à temps complet.

Pour encadrer des étudiants-athlètes universitaires vers l’excellence, les ressources humaines doivent être la pierre angulaire. L’excellence est une approche extrême. Plus il y a de bénévoles, plus il y a de chances que l’encadrement ne soit pas efficace puisque ceux-ci partagent leur temps avec d’autres occupations, estime l’entraîneuse d’un programme féminin. 

Au poste d’entraîneur des gardiens, pourtant essentiel dans un programme de haut niveau, on retrouve 61 % de bénévoles.

On est loin de la réalité des équipes du junior majeur ou des programmes universitaires américains, qui comptent la plupart du temps sur trois entraîneurs à temps complet.

S’il en est ainsi pour l’encadrement sportif de première ligne offert aux étudiants-athlètes, il n’est pas difficile d’imaginer comment on assemble les équipes de personnel de soutien (gérant de l’équipement, thérapeute athlétique, etc.) essentielles au fonctionnement des équipes.

Par ailleurs, un autre besoin souvent exprimé par les entraîneurs concerne les bourses d’études accordées aux étudiants-athlètes. Pour recruter les meilleurs candidats, nous aurions grandement besoin d’un meilleur programme de bourses, constate un autre entraîneur anglophone.


En prenant connaissance des conditions, disons modestes, dans lesquelles évoluent la plupart des équipes du hockey universitaire, on en vient à se demander si une clarification (ou une mise à jour) de leur rôle dans le plan de développement de Hockey Canada n’inciterait pas les universités à mieux financer et à mieux structurer leurs programmes.

On a demandé aux entraîneurs d’équipes masculines et féminines de qualifier, autant qu’ils sachent, la place qu’occupe leur sport dans le plan stratégique de Hockey Canada.

Une majorité d’entraîneurs de programmes masculins (52 %) ont répondu que le hockey universitaire ne constitue pas vraiment une préoccupation pour la fédération nationale. Et une autre importante portion de ces entraîneurs (41,2 %) estime que le hockey universitaire existe pour offrir un calibre de jeu intéressant à l’intention des joueurs provenant des rangs juniors. Seulement 6 % croient que le hockey universitaire fait partie des priorités de la fédération.

Le hockey masculin de l’U Sports devrait être reconnu comme le plus haut niveau de hockey amateur au Canada. Mais il est sous-évalué et mal présenté par Hockey Canada, estime un entraîneur.

U Sports devrait être perçu comme la prochaine étape normale du développement d’un joueur junior majeur. Le hockey junior offre des bourses d’études à ses joueurs, mais hormis cela, il n’y a à peu près pas de relations entre le hockey junior et le hockey universitaire. Des ponts doivent être bâtis entre les deux, plaide un autre entraîneur.

La promotion et le support que Hockey Canada offre au hockey de l’U Sports est risible. On parle du meilleur niveau de hockey offert au Canada, à l’exception du hockey professionnel. Et personne ne le voit. Personne n’en connaît l’existence, déplore un autre entraîneur-chef.


Du côté des entraîneurs d’équipes féminines, près de 48 % croient que le hockey universitaire féminin ne fait pas partie des préoccupations de Hockey Canada. Et près de 29 % croient qu’au final, le hockey de l’U Sports féminin sert à offrir une alternative aux hockeyeuses qui n’ont pas décroché de bourse pour aller étudier/jouer dans une université américaine.

C’est une situation à la fois triste et inacceptable. 

Tous les deux ans, une équipe universitaire canadienne est formée pour représenter le pays aux Universiades, et elle ne reçoit aucun soutien financier de Hockey Canada.

Quand Hockey Canada invite des joueuses des universités canadiennes au camp d’entraînement de son équipe de développement, ces joueuses doivent assumer leurs dépenses, contrairement aux autres […] On traite les joueuses de l’U Sports comme une catégorie inférieure. Cela a un effet dissuasif sur le choix de réseau [canadien ou américain], soutient l’entraîneuse d’un programme féminin. 


Clairement, les commentaires formulés par les entraîneurs du réseau U Sports seraient bien différents s’ils étaient impliqués au sein d’une organisation dont les valeurs et les objectifs sont clairs. 

Et lorsque je parle d’une organisation, je fais surtout référence à Hockey Canada, dont le plan de développement global semble figé quelque part entre les années 1970 ou 1980. 

Les dirigeants de l’U Sports devraient peut-être prendre les devants, aller directement cogner à la porte de la fédération nationale et poser la question qui tue : pourquoi avons-nous des ligues de hockey universitaire au juste? 

Parce qu’en ce moment, du bas jusqu’en haut de la pyramide, ce n’est pas clair du tout.



Reference-ici.radio-canada.ca

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