Chronique | La continuité était-elle souhaitable à la tête de Hockey Canada?



Hockey Canada a simultanément annoncé mercredi que Tom Renney prenait sa retraite et qu’il sera remplacé par Scott Smith à compter du 1er juillet prochain. Selon la trame narrative présentée en conférence de presse, Renney a fortement recommandé au conseil d’administration de Hockey Canada de confier sa succession au numéro deux de la fédération. Et cette recommandation semble être passée comme une lettre à la poste.

Cette nouvelle m’a interpellé parce qu’elle rappelle une démarche semblable survenue à Hockey Québec en 2016 et qui avait eu des conséquences néfastes.

Cela dit, je ne connais pas Scott Smith personnellement et il est peut-être le candidat le mieux qualifié pour occuper le poste. On ne le saura toutefois jamais avec certitude parce que le conseil d’administration de Hockey Canada, qui chapeaute la plus grande fédération de hockey au monde, n’a pas lancé d’appel de candidatures à la grandeur du pays pour dénicher son prochain leader.

Scott Smith est âgé de 55 ans. Il a fait son entrée à Hockey Canada à titre de gérant des opérations hockey du centre d’excellence des Maritimes en 1995. Il travaille au siège social de Calgary depuis 1997, où il a successivement occupé les fonctions de directeur des opérations, vice-président, vice-président principal et chef des opérations financières.

En 2017, Tom Renney a par ailleurs renoncé au volet président de ses fonctions de président-directeur général et l’avait confié à Scott Smith.

Le nouveau PDG de Hockey Canada connaît donc les rouages de l’organisation mieux qui quiconque et il s’agit d’un puissant atout. Mais certains pourraient arguer qu’en ayant passé presque toute sa vie active dans les bureaux de la fédération, il lui sera difficile de trouver le recul nécessaire pour innover.

En fait, Scott Smith est en place depuis tellement longtemps qu’il était perçu comme le prochain PDG de Hockey Canada en 2014, quand Bob Nicholson avait remis sa démission après un règne de 16 ans. Le conseil d’administration de l’époque avait toutefois rencontré plusieurs candidats et c’est Tom Renney, un ancien entraîneur de la LNH et ancien entraîneur de l’équipe nationale, qui avait finalement obtenu le poste.

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Hockey Canada est une fédération plutôt éloignée de ses membres. Au Canada, le travail de terrain et le service à la clientèle (les hockeyeurs) sont assurés par les associations locales qui, elles, relèvent des fédérations provinciales.

Grosso modo, le mandat de Hockey Canada consiste à mettre sur pied des équipes nationales, à contracter une police d’assurance, à organiser des tournois internationaux, à vendre des droits de télé et à conclure des partenariats avec des commanditaires.

Dans ses rapports annuels, Hockey Canada révèle d’ailleurs consacrer environ 8 % seulement de ses revenus au développement et à la croissance du hockey. Le reste est dirigé vers l’administration (28 %), le financement des équipes nationales (21 %), les coûts d’assurance (21 %), les événements et propriétés (7 %), la technologie (5 %), le développement des affaires et de partenariats (4 %), etc.

De façon tout à fait conséquente, c’est sans doute à travers ce prisme que sont évaluées les performances des dirigeants de Hockey Canada au fil des ans.

La frénésie avec laquelle la fédération canadienne sollicite les droits d’organisation du Championnat mondial junior, année après année, témoigne de ce fort penchant pour les affaires. Depuis 2009, le Mondial junior a été présenté pas moins de huit fois au Canada, et ce sera encore le cas en décembre prochain!

C’est d’ailleurs dans le domaine des affaires du hockey que Scott Smith a été publiquement encensé depuis le début de sa carrière.

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Cela dit, Hockey Canada est aussi, et surtout, censée occuper un rôle de leader au Canada en matière de développement sportif. C’est la fédération nationale, en quelque sorte, qui élabore les grandes stratégies et qui dicte aux fédérations provinciales comment on doit structurer et organiser le hockey au pays.

(Une parenthèse ici pour souligner que la réflexion entamée au Québec sur l’avenir du hockey détonne beaucoup par rapport à ce qui se fait dans les autres provinces.)

Et en ce qui concerne ces aspects de sa mission, n’ayons pas peur des mots, Hockey Canada ne remue pas grand-chose et semble figée dans le temps.

Le hockey junior majeur canadien, qui est confié à l’entreprise privée, n’a à peu près pas changé depuis 50 ans.

De plus, le hockey universitaire canadien ne fait pas partie du plan de développement stratégique de Hockey Canada, tant chez les hommes que chez les femmes.

Du côté féminin, sans sourciller, on confie aux universités américaines le soin de développer nos meilleures hockeyeuses. Il n’est d’ailleurs pas rare que des représentants de Hockey Canada conseillent aux meilleures hockeyeuses canadiennes de s’expatrier pour poursuivre leur développement.

Mais on est bien contents de leur remettre un chandail arborant une feuille d’érable aux Jeux olympiques. Ça dépasse l’entendement.

Et du côté masculin, même si la science démontre que le hockey est un sport à développement tardif, le hockey universitaire est complètement laissé pour compte. Dans un récent sondage national mené par Radio-Canada Sports, plus de 93% des entraîneurs de programmes masculins ont dit croire que le hockey universitaire n’est pas une préoccupation pour Hockey Canada ou qu’il existe simplement pour offrir à d’anciens juniors une occasion de jouer dans un calibre de jeu intéressant.

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Si l’on se fie au curriculum vitae de Scott Smith et au processus décisionnel qui a mené à sa nomination, Hockey Canada vient de s’engager dans la continuité. Et ainsi, pendant une autre décennie, on continuera probablement à brasser des affaires sans trop se remettre en question.

C’est une position qui se défend, remarquez, puisque l’argent entre à pleines portes et que les médailles sont constamment au rendez-vous sur la scène internationale.

Cela dit, il est permis de douter que ces succès soient véritablement ou significativement attribuables au dynamisme sportif de Hockey Canada. Quand on mise sur le plus gros bassin de joueurs et de joueuses au monde, ça paraît moins quand on dort sur ses lauriers.



Reference-ici.radio-canada.ca

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