Au tour de l’Alberta de tenter de se faire rembourser pour Keystone XL


C’est la première fois qu’un gouvernement déclare son intention de faire une réclamation en vertu de l’ALENA.

Après avoir étudié toutes les avenues disponibles, nous avons déterminé qu’une demande d’arbitrage est le meilleur moyen pour que le gouvernement albertain récupère son investissement dans le projet Keystone XL, écrit la ministre de l’Énergie de l’Alberta, Sonya Savage, dans un communiqué.

Le gouvernement albertain a l’intention de recouvrer la totalité de ses pertes, qui s’élèvent à 1,3 milliard de dollars.

Le pipeline Keystone XL aurait offert beaucoup de bénéfices économiques des deux côtés de la frontière. Comme nous l’avons vu dans des événements récents, la sécurité énergétique de l’Amérique du Nord est cruciale pour notre croissance économique et notre prospérité commune. L’Alberta maintient que le secteur des ressources naturelles doit et sera une source d’énergie responsable et fiable pour les marchés américains dans les années à venir, poursuit Sonya Savage.

Bien que l’ALENA ait été remplacé le 1er juillet 2020 par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), le gouvernement albertain et TC Energy devaient soumettre leur réclamation en vertu de l’accord en vigueur au moment de leur investissement. TC Energy a pour sa part soumis une réclamation de 15 milliards de dollars américains.

Une carte du Canada et des États-Unis. Une ligne verte relie Hardisty, en Alberta, à Steele City au Nebraska. Une ligne noire relie quant à elle Hardisty à Houston et Port Arthur au Texas.

En vert, le tracé du nouveau pipeline Keystone XL proposé qui relierait l’Alberta au golfe du Mexique, et en gris, le tracé du pipeline existant.

Photo : Radio-Canada

Quelles sont les chances de succès de l’Alberta?

Le professeur titulaire de la faculté de droit de l’Université Laval Charles-Emmanuel Côté est spécialisé dans ces accords commerciaux. Il estime que le recours du gouvernement albertain est loin d’être farfelu. Je crois que c’est la bonne chose à faire d’emblée. C’est tout à fait légitime de la part du gouvernement albertain, dit-il.

Selon lui, l’octroi et le retrait à de multiples reprises du permis présidentiel de Keystone XL par des administrations américaines successives soulèvent des questions. Ce permis était nécessaire pour que le pipeline traverse la frontière canado-américaine.

Chronologie des événements

  • 6 novembre 2015 : Après sept ans de négociations, le président américain démocrate Barack Obama rejette le projet Keystone XL de TC Énergie.
  • 30 mars 2019 : Son successeur, le républicain Donald Trump, octroie un nouveau permis au projet.
  • 31 mars 2020 : L’Alberta investit 6 G$ et offre 1,5 G$ en garanties de prêt à TC Énergie.
  • 19 janvier 2021 : Nouvellement élu, le président américain démocrate Joe Biden annule à son tour le permis du pipeline.
  • 9 juin 2021 : TC Énergie confirme l’abandon du projet Keystone XL.

À première vue, cela peut être problématique de donner et de retirer ces permis sans cesse. Normalement, il doit y avoir une certaine cohérence dans l’action gouvernementale, affirme Charles-Emmanuel Côté.

Il explique que le gouvernement albertain peut argumenter qu’il a subi un traitement injuste et inéquitable de la part du gouvernement américain et qu’il a été exproprié indirectement sans compensation financière.

« C’est très difficile à établir, l’expropriation indirecte par une mesure environnementale prise de bonne foi dans l’intérêt général. C’est une grosse côte à monter pour obtenir une conclusion favorable.  »

— Une citation de  Charles-Emmanuel Côté, professeur de droit, Université Laval

Par contre, il est arrivé que, si on ne donnait pas raison sur l’expropriation indirecte, on donne raison sur la base du traitement injuste et inéquitable, à cause d’agissements un peu incohérents de l’administration. Si c’est le cas, les dommages pourraient ne pas être aussi élevés qu’on le demande, explique le professeur de droit.

Les investisseurs canadiens n’ont jamais eu gain de cause dans une demande de réclamation contre les États-Unis depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA, en 1994, mais, selon Charles-Emmanuel Côté, cela a peu d’influence sur le cas actuel, car chaque cas est unique.

Un long processus coûteux

Le processus d’arbitrage peut durer de longues années. La porte-parole du Nouveau Parti démocratique albertain en matière d’énergie, Kathleen Ganley, affirme que l’Alberta n’aurait jamais dû se retrouver dans une telle situation, qui lui coûtera cher.

[Le gouvernement Kenney] va gaspiller l’argent des Albertains en frais d’avocats dans ce qui sera une longue bataille judiciaire, sans garantie de succès. Si le Parti conservateur uni se lance dans cette bataille judiciaire, il doit une explication aux Albertains sur les raisons pour lesquelles il estime qu’il va gagner, affirme-t-elle.

Le ministère de l’Énergie a refusé notre demande d’entrevue à ce sujet. Il n’a pas non plus indiqué s’il embaucherait une firme externe d’avocats pour le conseiller dans ses démarches judiciaires.

Avec les informations de Mirna Djukic



Reference-ici.radio-canada.ca

Leave a Comment