Alberta : un premier ministre vulnérable, pressé d’apaiser les mécontents


Contrairement aux plans de levée des restrictions sanitaires précédents, celui présenté mardi soir ne s’appuie sur aucune cible chiffrée. Le premier ministre évaluera plutôt la tendance générale des hospitalisations, qui demeurent pour l’instant élevées.

Le premier ministre affirme qu’il faut apprendre à vivre avec le virus et que le passeport vaccinal n’a plus d’utilité, puisque les taux de vaccination stagnent depuis décembre.

Le flou de ce plan est délibéré, selon le professeur de sciences politiques du Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta Frédéric Boily.

On a mis de côté les cibles trop précises, précisément pour donner une marge de manœuvre au premier ministre pour évaluer la situation. Ce flou permet de gérer le processus à la vitesse à laquelle il pense que, politiquement, c’est préférable de le faire, explique-t-il.

« Il y a toujours deux dimensions à l’œuvre dans ces décisions, soit le politique et le sanitaire, et là, on voit que, présentement, la dimension politique a pris le devant. »

— Une citation de  Frédéric Boily, politologue, Université de l’Alberta

De nombreux acteurs politiques ont également dénoncé l’action unilatérale du gouvernement Kenney ainsi que son manque de consultations, comme la mairesse de Calgary et la présidente du Conseil des écoles publiques d’Edmonton.

Apaiser les manifestants, plaire à sa base

Depuis la mise en place du passeport vaccinal, en septembre 2021, Jason Kenney évoque son abolition possible à la fin du mois de mars 2022, une affirmation qu’il a répétée il y a deux semaines. Depuis, le premier ministre a devancé cette échéance à la fin du mois de février, puis au début de février.

Pourquoi un tel empressement du premier ministre? Le professeur de sciences politiques à l’Université Mount Royal Duane Bratt croit que la situation politique a basculé avec le blocage de la frontière entre l’Alberta et le Montana, le 29 janvier, à la hauteur de Coutts. Toujours en place, il a fait pencher la balance en faveur de la levée plus rapide des mesures sanitaires, à commencer par le passeport vaccinal.

Des files de véhicules en tous genres occupent les deux côtés d'une autoroute.

L’autoroute 4 menant au poste frontalier de Coutts est entravée depuis le 29 janvier 2022.

Photo : Fournie par Jake Zacharias

Jason Kenney réalise que les manifestants ne disent pas simplement : “C’est mon corps, mon choix, vous pouvez vous faire vacciner si vous le voulez, mais je ne le ferai pas”, explique Duane Bratt. Maintenant, ces manifestants disent : “Votre choix de porter un masque me déplaît, donc, retirez-le.”

Duane Bratt estime que Jason Kenney est vulnérable à ce genre de menace, puisque ce point de vue est partagé par une bonne partie de sa base électorale, qui est opposée au prolongement des mesures sanitaires.

Étant donné que Jason Kenney devra faire face à un vote de confiance de ses membres dans deux mois, le 9 avril, tout retard sur la levée des restrictions sanitaires lui nuit. Selon Duane Bratt et Frédéric Boily, cela pourrait expliquer l’entêtement du premier ministre à empêcher les écoles et les municipalités de mettre leurs propres mesures sanitaires en place.

Des membres lèvent des cartons de vote.

Une motion qui aurait rendu plus difficile la tenue d’un vote de confiance précoce à l’endroit de Jason Kenney a été défaite durant l’assemblée générale du Parti conservateur uni, en novembre 2021.

Photo : CBC / Elise Von Scheel

Les deux professeurs doutent toutefois que ce soit suffisant pour aider substantiellement le premier ministre lors de son vote de confiance, puisqu’il semble justement avoir perdu la confiance d’une bonne partie de sa base.

C’est très difficile de rétablir la confiance, rappelle Frédéric Boily. Ça ne se fait pas en mettant en place deux ou trois mesures ou en ayant un bon budget.

Libéré du passeport vaccinal, Jason Kenney pourrait entre-temps continuer de tenter de rediriger la pression politique des restrictions vers le premier ministre canadien, Justin Trudeau, une cible à laquelle sa base aime toujours qu’il s’attaque.



Reference-ici.radio-canada.ca

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