Accusation de plagiat : le réalisateur oscarisé Asghar Farhadi inculpé



Un second juge devra se prononcer sur la sentence. S’il décide qu’Asghar Farhadi a bel et bien violé les droits d’auteur de la plaignante, elle pourrait obtenir une somme équivalente à tous les revenus générés par la projection du film en salle ou en ligne, a déclaré son avocate. Le réalisateur pourrait même être condamné à une peine de prison.

Le jugement du magistrat pourrait toutefois être contesté devant une cour d’appel.

Un héros a eu sa première mondiale en juillet dernier au Festival de Cannes, où il a remporté le Grand prix. Le film a récolté environ 3 millions de dollars canadiens de recettes mondiales, tandis que ses droits de diffusion en vidéo à la demande pour le territoire nord-américain ont été acquis par Amazon Prime.

Une histoire vraie

Asghar Farhadi, lauréat de deux Oscars du meilleur film en langue étrangère – pour Une séparation, en 2012, et pour Le client, en 2017 – a admis par le passé que son long métrage Un héros (2021) était basé sur la même histoire qu’All Winners, All Losers. Il a cependant réfuté l’accusation de plagiat, disant qu’il avait mené ses recherches de manière indépendante pour les besoins de son scénario.

Les deux films se penchent sur les vraies tribulations de Mohammad Reza Shokri, un homme emprisonné pour dettes impayées qui, lors d’une sortie en permission, découvre un sac rempli de pièces d’or. Au fil de diverses péripéties, il finit par remettre le butin à sa propriétaire. Le geste n’est cependant pas aussi vertueux et désintéressé que ce que les médias, qui se sont entichés de l’affaire, le prétendent.

Alexandre Mallet-Guy, le patron de Memento Production, société française qui a cofinancé Un héros, a défendu le réalisateur par l’entremise d’un communiqué de presse publié mardi  : Le récit de cet ancien détenu découvrant de l’or dans la rue et le rendant à sa propriétaire n’était que le point de départ d’Un héros. Le reste découle strictement du processus créatif d’Asghar.

Trois poursuites

L’affaire judiciaire tournant autour d’Un héros comporte trois volets distincts. L’inculpation de lundi résulte d’une contre-poursuite qu’Azadeh Masihzadeh avait intentée contre son ancien professeur. Elle réagissait ainsi à une poursuite en diffamation qu’Asghar Farhadi avait lancée contre elle, et que le tribunal avait rejetée.

En parallèle, Mohammad Reza Shokri a lui aussi déposé une poursuite en diffamation, visant cette fois le cinéaste, qu’il a accusé d’avoir terni sa réputation avec son film. La cour a également refusé de se pencher sur cette affaire.

Atelier de cinéma

Asghar Farhadi et Azadeh Masihzadeh se sont rencontrés en 2014, à Téhéran, à l’occasion d’un atelier de cinéma que dirigeait le célèbre réalisateur, rapporte le Hollywood Reporter dans un long papier publié le mois dernier. Il a demandé à ses élèves de réaliser un court métrage documentaire ayant pour thème rendre les choses perdues, et de s’inspirer de faits vécus glanés dans les médias locaux ou nationaux.

Azadeh Masihzadeh a soumis l’idée d’un film basé sur l’histoire de Mohammad Reza Shokri, un homme qui réside dans sa ville natale de Chiraz, dans le sud-ouest de l’Iran. La proposition a été saluée par les élèves ainsi que par le professeur lui-même, selon une vidéo qu’a pu vérifier le Hollywood Reporter.

La situation a cependant pris une tournure inconfortable en 2019, quand Asghar Farhadi travaillait sur la préproduction d’Un héros. Il a alors invité son ancienne étudiante dans son bureau et lui a demandé de signer un document attestant que c’était bien lui qui a eu l’idée pour son documentaire All Winners, All Losers.

Le document en question a été présenté comme preuve lors du procès. Azadeh Masihzadeh dit l’avoir signé à contre-cœur. M. Farhadi est ce grand maître du cinéma iranien. Il a utilisé le pouvoir qu’il avait sur moi pour me faire signer, a-t-elle affirmé au Hollywood Reporter.

Inspiré par Brecht

L’avocate représentant la société française Memento, qui a coproduit et distribué Un héros, a assuré lors d’une entrevue au Hollywood Reporter que le cinéaste avait conçu l’idée pour Un héros avant même d’avoir rencontré Azadeh Masihzadeh.

M. Farhadi a trouvé l’inspiration pour le thème principal de son récit – la fabrication de héros dans une société – après avoir lu deux répliques dans la pièce de théâtre La vie de Galilée, de Bertolt Brecht, a affirmé Sophie Borowsky.

Lorsqu’il a commencé à rédiger le scénario d’Un héros, Asghar Farhadi a décidé d’écrire et de réaliser un film de fiction basé sur une interprétation libre de l’histoire de M. Shokri, qui a été publiée dans les médias avant l’atelier susmentionné, a poursuivi l’avocate.

Complété en 2014, All Winners, All Losers a été présenté quatre ans plus tard dans le cadre d’un festival à Chiraz. Le documentaire est disponible depuis novembre dernier sur YouTube.

Pour ce qui est de la suite des procédures judiciaires, un verdict définitif pourrait être rendu demain, comme il pourrait l’être l’année prochaine, a déclaré l’avocate d’Azadeh Masihzadeh au Hollywood Reporter.



Reference-ici.radio-canada.ca

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