Un policier promu même s’il fait l’objet d’une enquête criminelle


C’est ce qu’ont confirmé des sources qui ont collaboré à cette enquête avec la Police provinciale de l’Ontario (PPO).

Michael Dimini, du Service de police de Thunder Bay (SPTB), a été promu le 10 mars, selon un courriel interne envoyé par la chef de police Sylvie Hauth et obtenu par The Canadian News.

M. Dimini fait partie d’un groupe d’au moins cinq officiers qui ont été promus au rang de sergent ou de sergent-chef dans le cadre d’un concours de promotion.

Ces promotions ont eu lieu à un moment trouble du service de police, alors que plusieurs plaintes ont été déposées par différents membres de la communauté, incluant des allégations de racisme envers les Autochtones de la part de certains membres et des plaintes de discrimination envers des membres de la commission de police.

Des employés actuels et anciens du Service de police de Thunder Bay ainsi que des membres du public affirment maintenant que la Police provinciale de l’Ontario enquête sur M. Dimini.

Parmi les sources qui se sont confiées à The Canadian News, quatre d’entre elles ont affirmé avoir fourni des preuves détaillées à la Police provinciale de l’Ontario lors d’entretiens dans le cadre d’une enquête concernant des allégations de conduite inappropriée à l’endroit de M. Dimini pendant qu’il exerçait ses fonctions de policier.

Les quatre personnes ont parlé à condition de ne pas être nommées et de ne pas divulguer leur statut professionnel, car elles craignent d’éventuelles représailles et craignent pour leur sécurité.

Nous sommes censés faire respecter la loi et protéger les gens, et je pense qu’il a totalement bafoué les droits de cette personne, a affirmé un agent de police qui a travaillé avec M. Dimini.

Un porte-parole de la Police provinciale de l’Ontario a confirmé le 22 février que la direction des enquêtes criminelles de la Police provinciale de l’Ontario a été chargée d’assurer une enquête complète, approfondie et indépendante sur les allégations liées aux membres du Service de police de Thunder Bay.

Le porte-parole n’a pas voulu fournir de détails sur l’enquête, notamment sur la date de début de l’enquête, et n’a pas confirmé si M. Dimini est une cible de l’enquête.

Chris Adams, porte-parole de la police de Thunder Bay, a ajouté que le service ne sait pas sur qui la Police provinciale de l’Ontario enquête.

Les sources qui se sont confiées à CBC ont affirmé qu’elles étaient inquiètes à l’idée de le faire parce qu’elles pensent que d’autres personnes ont subi des représailles après avoir porté plainte contre M. Dimini, et qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre lui.

Après avoir aappris que M. Dimini avait été promu, une source civile qui a été interrogée dans le cadre de l’enquête de la Police provinciale de l’Ontario a affirmé que ma confiance est complètement brisée – comme lorsque je vois une voiture de police maintenant, je pense au pire, ce qui est vraiment triste parce qu’il y a beaucoup d’autres officiers qui travaillent dur et veulent faire le bien.

Bien que la Police provinciale de l’Ontario n’ait confirmé ni l’identité ni le nombre d’agents du Service de police de Thunder Bay qui font l’objet d’une enquête, The Canadian News a obtenu un courriel de l’avocate de Thunder Bay Chantelle Bryson, adressé au procureur général de l’Ontario, daté du 1er décembre 2021.

Portrait de Chantelle Bryson.

L’avocate Chantelle Bryson représente des clients qui ont déposé une plainte au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario contre la police de Thunder Bay.

Photo : Avec la permission de Chantelle Bryson

La lettre dénote une série d’allégations de conduite criminelle potentielle qui concernent M. Dimini.

On y allègue que le policier s’est livré à des activités criminelles et qu’elles ont été ignorées ou couvertes par d’autres policiers.

Les allégations comprennent des agressions, des agressions à caractère racistes, le trafic de drogue, l’affiliation avec le crime organisé, la liste est longue, intimidation, menaces, vandalisme, a déclaré Me Bryson dans une entrevue avec The Canadian News.

L’avocate représente 12 personnes – policiers et civils – qui ont ou vont déposer des plaintes pour atteinte aux droits de la personne contre le Service de police de Thunder Bay.

Elle affirme que depuis le début de l’enquête de la Police provinciale de l’Ontario, d’autres personnes lui ont fait part d’allégations de mauvaise conduite et d’activités criminelles potentielles de la part de M. Dimini.

Me Bryson affirme qu’elle les a toutes transmises à la Police provinciale de l’Ontario dans le cadre de leur enquête. La Police provinciale de l’Ontario n’ait pas voulu confirmer si elle avait reçu cette information de Me Bryson.

The Canadian News n’a pas été en mesure de vérifier ces allégations de manière indépendante.

Michael Dimini nie les allégations en bloc

Une liste de questions a été envoyée par courriel et par courrier à M. Dimini au sujet des allégations présentées contre lui.

Sa réponse, par courriel : Il y a beaucoup de faussetés et d’inexactitudes contenues dans les questions telles que vous les avez présentées. Je ne ferai pas d’autres commentaires et n’accepte pas de demandes d’entrevue pour le moment, dans l’intérêt de ma santé mentale et de mon bien-être. Je m’oppose à toute inclusion partielle de ma déclaration. Si vous souhaitez la publier, vous devez le faire dans son intégralité.

Lorsque je serai prêt et en mesure de le faire, je vous fournirai une déclaration complète, y compris des preuves documentées des faits de la véritable histoire que vous n’avez pas, ajoute-t-il.

On ne sait pas depuis combien de temps M. Dimini travaille pour le Service de police de Thunder Bay, mais en 2018, il a été nommé pour un prix de héros de l’année après avoir sauté dans une rivière pour sauver la vie d’une femme, selon une lettre de nomination.

Il a également été l’un des premiers agents à porter une caméra d’intervention dans le cadre du projet pilote du service de police en 2018.

En 2020, il a reçu une promotion, passant de constable de première classe à sergent.

Des suspensions provisoires demandées

Alors que l’enquête de la Police provinciale de l’Ontario se poursuit, Me Bryson a demandé à la solliciteure générale de l’Ontario Sylvia Jones et à la Commission civile de l’Ontario sur la police (CCOP) de prendre des mesures immédiates et de mettre en place des suspensions provisoires.

La Commission civile de l’Ontario sur la police est un organisme de surveillance de la police qui a le pouvoir de suspendre ou de congédier un chef ainsi que le conseil de surveillance de la police, et qui a le pouvoir de dissoudre un service de police.

Depuis le 10 février, la Commission civile de l’Ontario sur la police enquête lui aussi sur le Service de police de Thunder Bay avec des préoccupations concernant la gestion de la discipline, la conduite des enquêtes criminelles par ses officiers et la capacité de la haute direction à gérer les opérations quotidiennes.

Les préoccupations sont fondées sur un examen préliminaire mené au sein de l’organisation après les demandes de la solliciteure générale de l’Ontario et de la commission de police de Thunder Bay.

L’ampleur des allégations, leur nature et les circonstances suspectes dans lesquelles aucune mesure n’a été prise par la direction du service exigent à notre avis des suspensions provisoires, a déclaré Me Bryson.

Elle a ajouté que ces suspensions provisoires devraient inclure la suspension de Michael Dimini en attendant les résultats de l’enquête de la Police provinciale de l’Ontario.

Chris Adams, le porte-parole de la police de Thunder Bay, n’a pas voulu confirmer si M. Dimini est en fonction ou s’il est en congé, ajoutant que son organisation ne confirme pas et ne nie pas les congés du personnel pour respecter la vie privée des employés et pour se conformer aux lois.

M. Adams a ajouté que le poste actuellement occupé par M. Dimini est celui de sergent d’état-major administratif de la branche de la patrouille en uniforme, qui assiste l’inspecteur responsable de cette branche dans ses tâches administratives.

Il y a quatre autres sergents d’état-major dans la branche, qui supervisent les opérations quotidiennes.

En réponse à des questions sur l’enquête en cours de la Police provinciale de l’Ontario, M. Adams affirme que nous ne savons pas quelles personnes font l’objet de leur enquête.

Il y a un besoin de procédure régulière, les plaintes du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, l’enquête de la Commission civile de l’Ontario sur la police et celle de la Police provinciale de l’Ontario doivent suivre leur cours, c’est primordial pour assurer un examen complet et substantiel de tous les faits et questions, ajoute-t-il.

Des preuves seraient entre les mains de la Police provinciale de l’Ontario

En plus de leur présence dans un courriel adressé au procureur général de l’Ontario, certaines des allégations contre Michael Dimini sont énoncées dans trois plaintes pour atteinte aux droits de la personne déposées par les clients de Me Bryson, nommant des membres haut placés des forces de police de la ville.

Aucune de ces allégations n’a été testée ou prouvée en cour.

Deux de ces plaintes pour atteinte aux droits de la personne ont été déposées par l’agent de police Kerry Dunning, qui est actuellement en congé de la police municipale, ainsi que Kelly Walsh, un policier qui est maintenant à la retraite.

Dans leur plainte, MM. Dunning et Walsh expliquent un incident qui serait survenu en novembre 2020 impliquant une femme dans un appartement.

Selon ces plaintes, déposées à l’automne 2021, quatre agents ont répondu à un appel concernant des biens volés.

Toujours selon les plaintes, les agents étaient en train de résoudre calmement la situation lorsque M. Dimini serait arrivé sur les lieux sans avoir été appelé et a exigé d’entrer dans l’appartement.

Enseigne à l'entrée du poste de police.

Le policier de la police de Thunder Bay est aussi la cible de plaintes pour atteinte aux droits de la personne. (Archives)

Photo : Radio-Canada / CBC / Marc Doucette

Malgré le refus de la femme, M. Dimini est entré dans l’appartement sans consentement ni autorité légale, ce qui a rendu la situation tendue et chaotique, selon les plaintes.

Il est par la suite allégué que M. Dimini a procédé à une fouille illégale de l’appartement, a trouvé des drogues illégales et a ordonné à un agent d’arrêter la femme pour infractions liées aux drogues, possession de biens volés et obstruction à la police.

M. Dimini aurait ensuite déposé un faux rapport pour justifier les accusations, qui contrastait directement avec les comptes rendus des quatre officiers présents, peut-on lire dans les plaintes. On y ajoute que les agents auraient ensuite partagé leurs observations avec les procureurs de la Couronne provinciaux et fédéraux qui ont ensuite abandonné les accusations.

Des documents judiciaires montrent que les trois accusations portées contre la femme ont été retirées en mars 2021.

Mais Jay Pakrashi, un porte-parole du bureau du procureur de la Couronne de Thunder Bay, s’est contenté de dire qu’on a estimé qu’il n’existait aucune perspective raisonnable de condamnation, le bureau de la Couronne ne fournit généralement pas les raisons pour lesquelles il prend une telle décision.

Ces allégations n’ont pas été testées ou prouvées en cour, et la femme impliquée dans l’incident n’a pas répondu à une demande d’entrevue de CBC.

M. Adams affirme que l’incident a fait l’objet d’une enquête en vertu de la Loi sur les services de police, qui a commencé par une plainte du chef et a impliqué un examen approfondi de tous les faits et problèmes.

Le porte-parole du Service de police de Thunder Bay a ajouté que tous les agents concernés ont fourni des déclarations écrites dans le cadre de l’enquête interne, ce qui est une exigence pour toutes les enquêtes menées en vertu de la Loi sur les services policiers. M. Adams a déclaré que toutes les allégations ont été examinées et qu’aucune n’était fondée.

L’affaire a depuis été classée, ajoute-t-il.

Mais Me Bryson émet des doutes sur cette enquête. Elle affirme que l’enquête interne n’a pas inclus d’entrevues avec l’un des quatre agents qui ont été appelés à l’origine sur les lieux. Elle affirme représenter deux des agents impliqués.

Je ne sais pas quel genre d’enquête a été menée quand les quatre agents qui étaient effectivement sur place n’ont pas été interrogés, a affirmé Me Bryson.

Une troisième plainte

Une troisième plainte a aussi été déposée au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario par l’ancienne présidente de la commission de police de Thunder Bay, Georjann Morriseau. Elle est toujours membre de la commission.

M. Dimini serait à l’origine de la fuite d’informations confidentielles vers une page Facebook notoirement raciste qui sème régulièrement la discorde sur des bases raciales au sein de la communauté de Thunder Bay en publiant des informations judiciaires et policières à caractère raciste.

Georjann Morriseau en portrait.

Georjann Morriseau fait partie de ceux qui ont logé une plainte au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

Photo : Facebook / Georjann Morriseau

Selon les documents de la plainte, Mme Morriseau aurait pris connaissance d’un incident en août 2020 où un agent aurait reçu un téléphone de seconde main qui appartenait auparavant à M. Dimini.

Cet agent a reçu un message texte de l’opérateur de la page Facebook, demandant d’autres bonnes infos d’un autre agent qui avait précédemment possédé le téléphone, le sergent Mike Dimini, selon la plainte.

Mme Morriseau a confié ces informations au chef adjoint du Service de police de Thunder Bay, mais elle n’a pas demandé au service de prendre des mesures étant donné que la commission ne doit pas interférer dans les opérations de police, peut-on lire dans la plainte.

Selon les documents de la plainte, le service de police de Thunder Bay n’aurait pas enquêté. De plus, on y affirme que Mme Morriseau ainsi que la personne qui l’a informée du message texte envoyé au téléphone de seconde main sont devenues les cibles d’enquêtes policières.

Le Service de police de Thunder Bay n’a pas répondu aux questions concernant ces allégations contre M. Dimini, notamment afin de savoir si une enquête interne avait été ouverte sur ces allégations ou si elles avaient été transmises à un organisme externe pour une enquête.

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi le service de police avait ouvert une enquête sur Mme Morriseau, M. Adams a répondu que l’enquête sur une éventuelle fuite interne au Service de police de Thunder Bay sur une page de médias sociaux est complètement distincte et était en cours avant l’enquête impliquant le membre du conseil.

M. Adams a affirmé par la suite que le service de police ne ferait pas d’autres commentaires, étant donné qu’il y a une enquête en cours à la Commission civile de l’Ontario sur la police.

Le syndicat opposé aux promotions dès le départ

En raison de ces allégations, ainsi que d’autres enquêtes externes, l’association des policiers de Thunder Bay a soulevé des inquiétudes, au début de l’année, face aux conséquences des promotions.

Dans une lettre adressée en janvier à la Commission de police de Thunder Bay dont CBC a obtenu une copie, le président de l’association, Colin Woods, a demandé que le processus de promotion, qui devait se terminer le 7 février, soit suspendu jusqu’à la fin des enquêtes.

Bien que l’association souhaite que ses membres soient promus, nous pensons que l’environnement actuel ne sera pas propice à un processus équitable et transparent, peut-on lire dans la lettre.

Les promotions ont quand même eu lieu, et le service de police, sa commission de surveillance et le syndicat ont tous convenu qu’elles ont été effectuées de manière équitable et conformément à la convention collective.

Mais dans une entrevue accordée à The Canadian News le 22 mars, M. Woods a indiqué qu’il croyait que le processus n’aurait jamais dû avoir lieu en premier lieu, alors que des enquêtes sont en cours.

La commission des services de police de Thunder Bay aurait dû intervenir pour demander au chef de suspendre les promotions, selon M. Woods, étant donné le nuage d’incertitude qui plane sur le service.

C’est le rôle de la commission de s’assurer que le service est administré correctement. S’ils avaient des inquiétudes sur ce qui se passe, ils auraient dû se demander pourquoi c’est nécessaire de passer par ce processus maintenant, selon lui.

Le secrétaire de la commission de police, John Hannam, a répondu à cette préoccupation dans un courriel : Pendant que les enquêtes sont en cours, le service continue de fonctionner et cela inclut des personnes qui prennent leur retraite, laissant des postes ouverts qui doivent être remplis sur le plan opérationnel.

M. Woods affirme qu’il ne pensait pas qu’il y avait un besoin important et radical de promotion, et que ces rôles opérationnels auraient pu être remplis par des membres intérimaires selon les besoins.

Avec les informations de Logan Turner, de CBC



Reference-ici.radio-canada.ca

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