Le nickel connaît un nouveau boom à Sudbury


Y’a pas de mineurs qui entrent avec des centaines de dollars pis qui lancent ça dans le restaurant, relativise Mathieu St-Pierre. Mais Sudbury, c’est une ville de nickel. Donc, c’est sûr que, quand les prix augmentent, ça a toujours un effet pour nous.

Pour l’instant, le gérant du pub constate surtout l’effet macroéconomique de ce nouveau boom minier. Car, qui dit prix élevés dit plus d’exploration, plus d’emplois et donc une certaine confiance au sein de la population.

« Savoir que le prix est bon, ça aide tout le monde. Tout le monde a un peu plus confiance pour dépenser plus dans les restaurants. »

— Une citation de  Mathieu St-Pierre, gérant du pub M.I.C.
Un homme assis dans une chambre en bois

Le reportage de Yasmine Mehdi

Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi

La guerre en Ukraine est responsable de la plus récente augmentation des prix du nickel.

Plus précisément, c’est l’effet des sanctions économiques imposées par l’Occident à la Russie qui est en cause. Moscou produit en effet environ 10 % du nickel mondial.

Toute tension sur l’offre vient causer des hausses de prix pratiquement automatiquement, résume le spécialiste de l’industrie minière Jean-Charles Cachon.

À la réduction soudaine de l’offre mondiale, s’ajoute la spéculation boursière observée dans les premières semaines du conflit. Le mois dernier, le prix du nickel a atteint un sommet de 100 000 $ la tonne. Devant cette frénésie, le London Metal Exchange a dû suspendre toutes les transactions de nickel et cesser de diffuser les prix de ce métal.

Si le prix à la tonne s’est depuis stabilisé (à environ 40 000 $), les sanctions contre la Russie devraient continuer de mettre de la pression sur l’approvisionnement mondial en nickel.

« On ne peut pas augmenter la production d’un claquement de doigts. »

— Une citation de  Jean-Charles Cachon, professeur émérite à l’Université Laurentienne
Un homme dans une grande salle.

Jean-Charles Cachon croit que le Canada est bien positionné pour tirer profit de la demande internationale croissante de minerais critiques.

Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi

Quand la transition écologique fait plaisir aux minières

Mais ce n’est pas que la guerre qui est à l’origine de la hausse du prix du nickel.

Avant même le début du conflit, la demande de ce métal – nécessaire pour produire des batteries de véhicules électriques – était déjà en hausse.

Aujourd’hui, on est à 6 % [de la production de nickel utilisée pour les batteries]. Il est probable qu’en 2030, on sera aux alentours de 25 % et qu’on pourra arriver à 35 % d’ici 2040, anticipe Jean-Charles Cachon.

Sixième producteur mondial de nickel, le Canada a l’intention de tirer profit de cette transition écologique. Le dernier budget du gouvernement fédéral prévoyait par exemple 3,8 milliards de dollars sur huit ans pour une stratégie d’exploitation de minéraux dits critiques.

L’Ontario veut également investir dans son secteur minier et dans sa capacité de fabriquer des batteries pour véhicules électriques.

Dans la région de Sudbury, on constate cet engouement.

Les deux multinationales présentes sur le territoire – la brésilienne Vale et l’anglo-suisse Glencore – ont annoncé de nouveaux projets pour augmenter leur production de nickel, dont l’agrandissement de mines existantes et la réouverture de sites fermés.

Il est clair que l’intérêt pour le Canada sera d’avoir une production qui pourrait éventuellement compenser les pertes associées au ralentissement du marché pétrolier, constate M. Cachon.

À quand des retombées pour Sudbury?

Si vous cherchez une job dans les mines, il y en a une pour vous, dit avec enthousiasme Eric Boulay.

Le président du syndicat Mine Mill 598 s’attend à ce que le nombre d’emplois dans les mines augmente dans la prochaine année.

Quand les prix du nickel augmentent, les minières peuvent se permettre d’aller chercher du minerai plus creux dans la terre, ce qui crée plus de travail, explique M. Boulay.

Un homme debout à l'extérieur sur fond de neige.

Le grand-père d’Eric Boulay était aussi un syndicaliste connu à Sudbury.

Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi

Mais l’époque où la majorité des Sudburois dépendaient directement du travail dans les mines est révolue.

Aujourd’hui, ils ne sont qu’environ 5000 à travailler sous la terre – pour une population de 160 000 habitants. Ce sont les sous-traitants des minières qui représentent le plus d’emplois : 16 000 travailleurs dépendent indirectement de l’industrie minière, selon la directrice du développement économique du Grand Sudbury.

Nous avons 300 entreprises qui répondent aux besoins de l’industrie minière, explique Meredith Armstrong. Et en ce moment, presque toutes ces entreprises embauchent.

Parmi ces entreprises, il y a Hard-Line Solutions. Cette compagnie emploie une centaine de personnes à Sudbury et construit de l’équipement de haute technologie pour automatiser certaines étapes du processus de forage.

Si les ventes de Hard-Line Solutions ne sont pas directement liées au prix des métaux, son président-directeur général, Walter Siggelkow, admet que le climat actuel est bon pour les affaires.

« Ça ne peut qu’être positif pour n’importe qui dans le secteur minier, que vous soyez mineur ou sous-traitant. »

— Une citation de  Walter Siggelkow, PDG de l’entreprise Hard Line Solutions
Un homme debout s'appuyant sur une chaise.

Walter Siggelkow est originaire de Sudbury. C’est aussi là que son entreprise est basée. Mais la majorité de ses clients sont à l’étranger.

Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi

Avant de se lancer en affaires, M. Siggelkow travaillait dans les mines. Le Sudburois, qui compte des décennies d’expérience dans l’industrie minière, sait mieux que quiconque que l’optimisme doit s’accompagner de prudence.

L’industrie minière est une industrie cyclique, donc les prix vont finir par retomber, prévient-il.

Mais avant, beaucoup de Sudburois comme lui espéreront tirer leur épingle du jeu.



Reference-ici.radio-canada.ca

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