Le caribou entre la crainte des forestiers et la conviction des écologistes


Visiblement, le caribou ne laisse pas les Gaspésiens indifférents. La petite salle des Chevaliers de Colomb, au sous-sol de l’église de Sainte-Anne-des-Monts, était pleine à craquer. Une dizaine de personnes sont demeurées debout pour assister à la séance.

Une salle bondée de personnes, venues assister à l'audience publique.

Il ne restait plus aucune chaise de libre parmi la centaine que compte la salle des Chevaliers de Colomb.

Photo : Radio-Canada / Perrine Bullant

Après avoir brièvement présenté les scénarios hypothétiques envisagés par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, pour préserver les caribous, les trois commissaires ont écouté le point des vues des Gaspésiens et noté d’éventuelles pistes de solutions.

La présentation du biologiste Serge Couturier, la première de la soirée, a semblé rassembler le point de vue d’une large majorité de l’assistance.

Le biologiste, qui travaille particulièrement sur la question du caribou, a notamment dénoncé le retard du gouvernement dans sa prise de décision et son manque de vision sur le long terme.

Serge Couturier est présent à la séance publique.

La présentation de Serge Couturier a fait suite à un tonnerre d’applaudissements.

Photo : Radio-Canada / Perrine Bullant

Il est fort dommage que le mot conservation ne soit pas inscrit dans le nom de la commission. D’ailleurs, c’est ni dans son mandat, ni dans son expertise. Le mandat est, de façon étroite, axé sur les coûts économiques à court terme sur l’industrie, a-t-il clamé au micro.

Son intervention a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements.

Il a aussi raillé la décision du gouvernement de mettre en place des enclos pour les femelles caribous. Heureusement que le ministère des forêts n’a pas en charge les mammifères marins du Saint Laurent parce que les bélugas se retrouveraient dans une piscine.

D’après le biologiste, Québec connaît déjà les raisons du déclin des caribous de la Gaspésie. Il a évoqué l’arrêt des coupes forestières pour préserver l’habitat des bêtes. Cette solution est revenue sur la table de la commissaire à maintes reprises au cours de la soirée.

Derrière le micro, des biologistes, des porte-parole de groupe environnementaliste, des représentants des secteurs minier et forestier, des experts sur la question du caribou ou de simples citoyens se sont ensuite succédé.

Tous ont soutenu, de façon plus ou moins affirmée, leur volonté de ne pas voir disparaître l’emblème de leur pays, de leur région. Les moyens pour le faire ont aussi été abordés.

Marie-Hélène Ouellet D’Amours, conseillère au Conseil régional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent, a notamment souligné que les chemins forestiers, qui facilitent le déplacement des prédateurs, devaient être, eux aussi, reboisés.

On sait que le taux de perturbation dans l’aire de répartition du caribou est de 81 % en ce moment. Ce qui est très éloigné du 35 % maximal qui est nécessaire pour assurer les chances minimales à cette population-là d’avoir 60 % d’autosuffisance, détaille la biologiste de formation.

Pour abaisser le taux de perturbation à la limite maximale, le Conseil régional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent recommande à Québec d’honorer son devoir d’État de protéger les individus en danger et de mettre à exécution un moratoire sur les coupes et la construction de chemin.

Autrement, elle avance que l’industrie forestière risquerait de perdre gros.

La certification FSC leur permet l’accès à l’industrie forestière à plusieurs marchés. Ça a un effet sur la réputation de l’industrie. L’inaction en termes d’espèces menacées vulnérables compromet la certification et donc, compromet les avantages auxquels on accède grâce à cette certification, a-t-elle fait remarquer.

Marie-Hélène Ouellet D’Amours explique son point de vue au micro.

Marie-Hélène Ouellet D’Amours propose que les chemins forestiers, qui facilitent le déplacement des prédateurs, soient reboisés.

Photo : Radio-Canada / Perrine Bullant

Présence du secteur forestier et minier

Le directeur général du groupement forestier coopérative Chic-Chocs, Michel Marin, s’est dit conscient que les aménagements forestiers sont nécessaires pour protéger l’habitat des caribous. Or, il ne veut pas que les impacts soient uniquement assumés par la Haute-Gaspésie, dont plusieurs intervenants ont souligné la dévitalisation.

Il faut du soutien des paliers du gouvernement pour ces efforts-là, reconnaît au même titre Steve Leblanc, vice-président approvisionnement pour le groupe de scierie GDS.

Arrivé tout penaud au micro, prêt à se faire lancer des roches, l’ingénieur forestier a profité de la séance publique pour rappeler qu’il était prêt à travailler à la survie du caribou, de concert avec la population.

On est convaincu que la conservation du caribou de la Gaspésie est faisable tout en continuant le rayonnement économique du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, a rappelé le représentant forestier.

Steve Leblanc est présent à la séance publique.

Steve Leblanc rappelle que le secteur forestier est prêt à travailler à la survie du caribou, de concert avec la population.

Photo : Radio-Canada / Perrine Bullant

Du côté de l’industrie minière, seule l’intervention de Sylvain Laberge, président directeur de Gespeg Ressources, a permis de rappeler aux participants de la séance que le secteur tenait lui aussi à participer aux efforts pour protéger les caribous. Il a dit qu’il déposera prochainement un mémoire sur les solutions à envisager.

La présidente de la Commission indépendante des caribous forestiers et montagnards, Nancy Gélinas s’est montrée attentive aux propositions tout au long de la soirée.

Elle s’est dit satisfaite de sa première rencontre publique, consciente de l’importance de l’enjeu pour les Gaspésie.

Nancy Gélinas préside la commission sur le caribou.

Nancy Gélinas s’est montrée attentive aux propositions de près d’une trentaine d’interlocuteurs.

Photo : Radio-Canada / Perrine Bullant

C’est une question qui amène d’autres enjeux socio-économiques de cette région très dévitalisée. Je comprends que les Gaspésiens veulent participer au processus décisionnel en amont de toute planification forestière, conclut-t-elle.

La Commission indépendante des caribous forestiers et montagnards poursuivra sa tournée dans six autres communautés de la province où la survie du caribou est un enjeu comme en Gaspésie.

En Abitibi-Témiscamingue et dans Charlevoix, les caribous vivent maintenant en enclos. En Gaspésie, il ne reste qu’une trentaine de bêtes dans les montagnes des Chic-Chocs.

La Commission rédigera un rapport qui sera remis au gouvernement cet été.



Reference-ici.radio-canada.ca

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