Une perte de plus de 500 M$ si le projet d’Hydro-Québec dans le Maine est abandonné



Le projet de lignes à haute tension doit acheminer 1200 mégawatts d’énergie sur 336 kilomètres de nouvelles infrastructures entre Thetford Mines au Québec et Lewiston dans le Maine. L’électricité québécoise sera ensuite dirigée sur des lignes existantes ou reconstruites vers le Massachusetts, qui souhaite réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

En novembre, les Mainois ont voté à 59 % en faveur de l’interdiction du projet connu, chez nos voisins, sous le nom de New England Clean Energy Connect. Tous les travaux de construction sont maintenant suspendus.

La société mère du partenaire américain d’Hydro-Québec, la Central Maine Power, conteste la constitutionnalité du référendum devant la Cour suprême du Maine. Dans un mémoire déposé à la mi-février, Avangrid soutient que ce référendum interdit rétroactivement un projet qui avait pourtant reçu les autorisations exécutives et judiciaires, en plus d’avoir déjà mené à des centaines de millions de dollars de dépenses.

Une facture faramineuse

Le rapport annuel de la société d’État québécoise dévoile pour la première fois les coûts exacts qu’entraînerait l’abandon du projet, dont elle espère encore tirer 10 milliards de dollars de revenus sur 20 ans.

Sur un budget estimé à 600 millions de dollars, 347 millions ont déjà été engagés en immobilisations corporelles pour la construction des lignes sur une distance 103 kilomètres de ce côté-ci de la frontière. Un montant de 189 millions en vertu d’ententes avec son partenaire devra être aussi comptabilisé comme perte.

C’est sans calculer les 20 millions de dollars liés au lobbying et à la publicité déboursés dans les dernières années. Hydro-Québec avait également dû radier 46 millions de dollars en 2019 à la suite de l’échec du projet Northern Pass au New Hampshire, qui avait les mêmes ambitions.

Cette facture s’ajoute en outre aux 450 millions $ US dépensés jusqu’ici par Avangrid dans le Maine pour déboiser 86 % du corridor et installer 120 structures. Il s’agit de 43 % du coût total de la portion américaine, estimé à 1,04 milliard $ US.

Deux litiges devant les tribunaux

Étant donné les sommes consenties à présent, Hydro-Québec et Avangrid n’ont pas l’intention de lâcher prise de sitôt : On a suivi la démarche et les lois du Maine, et cette démarche a mené à l’obtention de tous les permis, fait valoir la porte-parole de la société d’État, Lynn St-Laurent. À partir du moment où on a le feu vert, on commence le travail.

Dans la poursuite contre le Bureau of Parks and Lands du Maine, Avangrid fonde son argumentaire sur les notions de droits acquis et de séparation des pouvoirs, et écrit que l’initiative référendaire rendrait tout développement dans l’État, peu importe qu’il soit gros ou petit, ou son avancement, vulnérable à des législations discriminatoires adoptées après coup.

« Un tel résultat freinerait le développement économique futur du Maine, contrecarrerait les efforts de lutte contre le changement climatique et violerait les principes constitutionnels de base. »

— Une citation de  Extrait du mémoire d’Avangrid

Les opposants au New England Clean Energy Connect – constitué à la fois de fournisseurs d’énergie comme le gaz naturel et l’éolien, et de groupes écologistes et de citoyens – doivent déposer leurs mémoires dans les prochaines semaines afin de présenter leurs arguments.

Le projet nécessite de déboiser des forêts sur une distance de 85 kilomètres à partir de la frontière, puis d’élargir un corridor existant de plus d’une vingtaine de mètres pour la portion restante.

La cause sera entendue au mois de mai.

Pendant ce temps, un autre litige se poursuit au sujet d’une terre publique que les nouvelles lignes électriques traverseraient sur une distance de 1,5 kilomètre. Les adversaires au projet font valoir que le bail signé en 2014 entre le Bureau of Parks and Lands et la Central Maine Power n’avait pas été négocié comme il se doit. En vertu de la Constitution de l’État, tout changement substantiel aux terres publiques nécessite un vote au deux tiers de la chambre législative.

Mais qu’importe l’issue ces deux litiges judiciaires, tout porte à croire que le projet ne sera pas abandonné pour autant. Ce référendum créerait un précédent en sol américain au même moment où l’administration de Joe Biden souhaite faciliter la création de corridors énergétiques d’intérêt national.

Des permis fédéraux avaient été accordés au New England Clean Energy Connect et l’État fédéral s’attend normalement à ce qu’ils soient respectés. La secrétaire à l’Énergie du gouvernement Biden, Jennifer Granholm, appuie d’ailleurs vigoureusement le projet.

Contrat avec le Massachusetts en chiffres

  • 9,45 térawattheures/année
  • Puissance de 1200 mégawatts
  • Durée de 20 ans
  • Revenus de 10 milliards $ US
  • Prix à l’an 1 : 5,15 ¢ US/kilowattheure
  • Prix à l’an 20 : 8,24 ¢ US/kilowattheure
  • Réduction de 3,6 millions de tonnes métriques de gaz à effet de serre en Nouvelle-Angleterre, équivalant au retrait de 700 000 voitures
  • Plus de 250 millions $ US de bénéfices économiques et 18 millions $ US en taxation foncière pour le Maine



Reference-ici.radio-canada.ca

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