Un titre mondial qui fait rêver les Suprêmes | Vous avez vu?


Durant leur passage dans la ville ontarienne, les membres de l’équipe ont souvent dû décrire le sport qu’elles pratiquent à certaines personnes curieuses de savoir ce qui les amenait au bord du lac Ontario. C’est chose courante pour ces femmes de 17 à 28 ans qui pratiquent le patinage synchronisé, un sport méconnu du grand public malgré son affiliation au patinage artistique.

L’exploit qu’elles ont réalisé la semaine dernière mérite qu’on s’y attarde.

Les Suprêmes sont devenues la toute première équipe québécoise à décrocher un titre mondial, et la troisième formation canadienne à remporter l’or aux Championnats du monde. Ils ont aussi établi deux nouvelles marques mondiales avec des notes de 154,80 points au programme libre et de 236,31 points au cumulatif.

C’est spécial, très spécial, surtout avec les circonstances qui ont entouré notre victoire. C’est un beau moment. Et non, je ne suis pas redescendue encore mon nuage, confie l’entraîneuse Marilyn Langlois à Radio-Canada Sports. Il y avait tellement d’amour dans les estrades, ç’aurait pu les rendre nerveuses. Au contraire, elles ont carburé à ça. Juste en mettant un pied sur la glace, c’était déjà une victoire.

On le savait que ça allait crier beaucoup, mais il ne faut pas oublier que c’était juste notre deuxième compétition en deux ans, donc on n’est plus vraiment habituées à ça, explique Laurie Désilets, capitaine des Suprêmes.

« Pour nous entraîner avant nos Championnats du monde, les entraîneurs ont fait faire une musique avec des cris intégrés pour qu’on se pratique à rester groundées et solides même s’il y avait des réactions de la foule. Ç’a marché parce qu’on est demeurées super concentrées et super focus. »

— Une citation de  Laurie Désilets, capitaine des Suprêmes de Saint-Léonard

Ce résultat revêt un caractère tout particulier pour le personnel d’entraîneurs. Marilyn Langlois et Amélie Brochu avaient elles-mêmes reçu, comme patineuses des Suprêmes, la médaille de bronze aux mondiaux de 2003 à Ottawa. Pour Pascal Denis, qui partage son temps entre les Suprêmes et l’Académie de glace de Montréal de Marie-France Dubreuil et de Patrice Lauzon, c’est un premier titre mondial à la barre d’une équipe de patinage synchronisé.

La situation actuelle a permis aux familles des patineuses d’être présentes dans les gradins, tout comme plusieurs anciennes des Suprêmes, qui ont fait la route pour assister au plus grand rendez-vous de la saison. Surtout que la pandémie avait forcé l’annulation des deux derniers Championnats du monde en 2020 et en 2021.

Les Suprêmes étaient qualifiées pour l’édition 2020, prévue quelques semaines seulement après l’entrée en vigueur des mesures de confinement à l’échelle planétaire.

Mode d’emploi du patinage synchronisé

En compétition, chaque équipe est formée de 20 patineuses, mais seulement 16 d’entre elles participent à un programme court et à un programme libre présentés devant un groupe de juges. La synchronisation des patineuses, la créativité et la qualité d’exécution des levées de groupe et de plusieurs autres éléments techniques, parfois empruntés aux disciplines traditionnelles (en simple, en couple ou en danse sur glace), permettent de départager les équipes.

Le programme court est d’une durée maximale de 2 min 50 s. Le programme libre est de 4 minutes. Même si c’est moins fréquent, les hommes sont aussi admis dans les équipes de patinage synchronisé.

Marilyn Langlois confirme que le personnel d’entraîneurs a dû faire preuve de créativité pour maintenir la motivation des athlètes durant cette période trouble. C’était tellement anxiogène qu’on a focalisé sur le bien-être personnel de nos athlètes pour être sûrs qu’elles restent motivées et qu’elles se sentent bien, dit-il.

La présence d’une équipe complète sur la patinoire est déjà un petit miracle. Au cours des dernières semaines d’entraînement, les cas positifs ont miné la préparation de l’équipe, qui n’avait souvent pas le nombre minimal de 16 patineuses pour répéter leurs programmes.

Les ambitions olympiques

Le patinage synchronisé a fait un bond de géant depuis quelques années, et pourtant, le financement se fait encore attendre. Les membres des équipes canadiennes doivent allonger entre 15 000 $ et 17 000 $ par saison pour vivre leur passion. Une mère nous a confié avoir refinancé une partie de la maison familiale pour que ses filles puissent s’entraîner et voyager avec l’équipe. Des sacrifices auxquels Laurie Désilets doit aussi se soumettre, mais elle les voit d’un autre œil.

Je pense que ce sont plus des choix de vie qu’on fait, souligne-t-elle. C’est sûr que si on pouvait avoir plus d’aide, ça aiderait et ça ferait en sorte qu’on aurait un bassin de patineuses beaucoup plus grand, parce qu’il y en a qui ont dû arrêter parce que c’était difficile financièrement avec l’école et le travail. Moi, je suis chanceuse, j’ai un travail qui me permet une certaine flexibilité pour que je puisse m’entraîner et travailler, mais ce n’est pas tout le monde qui a cette chance.

À ce jour, les patineuses synchronisées n’obtiennent aucune aide financière de Patinage Canada ou des différents paliers de gouvernement. Catégorisées comme espoirs par leur fédération, les jeunes femmes des Suprêmes, tout comme leurs homologues des autres équipes du pays, sont considérées au même titre que des athlètes de niveau régional.

Pourtant, leur horaire, qui compte cinq entraînements par semaine pour un total avoisinant les 25 heures, ressemble, selon elles, à ce qu’on retrouve dans d’autres sports qui jouissent pourtant de nombreux commanditaires, d’un soutien de leur fédération et d’une attention médiatique considérable.

Une participation aux Jeux olympiques demeure un rêve pour plusieurs d’entre elles, malgré deux refus du Comité international olympique pour ceux de 2018 et de 2022.

« Quand j’étais plus jeune, je rêvais d’aller aux Olympiques. Et je me suis toujours dit, quand j’ai commencé en tant qu’entraîneuse, que je voulais faire partie des personnes qui allaient amener des athlètes aux Olympiques et je continue à y croire. Est-ce que c’est la seule chose qui existe au monde? Non, parce que je pense que ce qu’on fait avec nos athlètes, c’est bien plus grand que les Olympiques. »

— Une citation de  Marilyn Langlois, entraîneuse des Suprêmes de Saint-Léonard

Une main tendue

Les Suprêmes auront quelques semaines pour savourer la plus grande distinction de leur histoire, avant de mettre en chantier leurs nouveaux programmes pour la saison prochaine. D’ici là, les patineuses souhaitent pouvoir influencer positivement la popularité de leur sport dans la province, mais aussi à l’échelle nationale.

Et les choses bougent déjà. En juillet dernier, Patinage Canada a annoncé la réunion, dès la saison prochaine, des Championnats nationaux des épreuves de simple, de couple et du patinage synchronisé. Une première applaudie par la communauté du patinage synchronisé, qui y voit un geste d’inclusion qui lui permettra enfin de partager la même vitrine que celle offerte aux épreuves présentées aux Jeux olympiques.

Déjà ça, ça donne beaucoup plus de visibilité au sport, mais on a besoin que les médias embarquent avec nous pour nous aider à nous promouvoir parce que les gens adorent ça, note Marilyn Langlois, qui souhaite un changement de culture au sein même de la communauté de patinage artistique. Parfois, ça peut être un deuxième envol pour elles au lieu d’aller à la retraite. Si à 15 ou 16 ans, elles n’ont pas de triples sauts, mais qu’elles ont de bonnes qualités de patinage et qu’elles aiment patiner, ça peut être une autre avenue que les jeunes peuvent emprunter un peu plus tard.

Ce n’est pas une discipline qui est plus facile, ajoute la capitaine des Suprêmes, tout en saluant la décision de Patinage Canada. C’est vraiment une discipline à part entière et nous aussi on mérite d’être là. Ce qu’on fait, c’est difficile, on est de bonnes athlètes et nous aussi on travaille pour être les meilleures. Et c’est super pour le sport.

Toujours en réflexion quant à son avenir comme patineuse, Laurie Désilets souhaite avoir inspiré ses plus jeunes soeurs Suprêmes à poursuivre leur carrière en patinage synchronisé et les voir atteindre, un jour, les plus grands sommets… anneaux olympiques ou pas.




Reference-ici.radio-canada.ca

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