Tuerie de Portapique : des jeunes témoins de meurtres cachés pour survivre | Tuerie de Portapique : la Nouvelle-Écosse en deuil


Ils se sont cachés et ont transmis au 911 toute sorte d’informations sur l’homme qui a tué leurs parents avant qu’il débute son carnage meurtrier de 13 heures.

Un résumé des transcriptions des appels au 911, publié lundi par la Commission des pertes massives, explique ce que les enfants de Jamie et Greg Blair et de Lisa McCully ont vécu alors qu’ils se cachaient dans la maison des McCully après que les garçons des Blair eurent vu leurs parents se faire assassiner.

Ils ont identifié le tireur par son nom, sa profession et ont déclaré qu’il conduisait une voiture de police.

Le document de 90 pages permet de mieux comprendre ce qui s’est passé la nuit du 18 avril 2020, lorsque Gabriel Wortman a commencé à tuer des amis, des connaissances et plus tard des étrangers. En tout, il a fait 22 victimes dans plusieurs communautés rurales.

Alors que les enfants se cachaient, des agents sont allés vérifier à quelques reprises s’ils allaient bien. Ils les ont avisés de rester au sous-sol et d’ouvrir la porte seulement à quelqu’un qui connaîtrait le mot de passe ananas.

Les transmissions radio dévoilent que les agents, qui étaient les premiers sur les lieux, ont répété à plusieurs reprises à leurs supérieurs qu’ils craignaient que les enfants soient seuls, alors qu’ils tentaient de retrouver le tireur qu’ils croyaient être aussi à pied.

Les enregistrements de leurs communications montrent de nombreuses fois qu’ils se sont précipités vers le bruit de ce qui semblait être des coups de feu au milieu du chaos de plusieurs bâtiments en feu sur des routes rurales non éclairées et fortement boisées.

Un autre agent de la GRC, à qui on avait demandé de rester à l’entrée de la subdivision pendant une heure en raison du risque, est finalement rentré à pied pour aller chercher les enfants et les sortir de là, deux heures après l’arrivée de la police sur les lieux.

22 h 01 : premier appel au 911

Jamie Blair a été la première à appeler à l’aide. Alors qu’elle tentait frénétiquement de protéger ses fils d’un homme qui avait tué son mari, Greg, quelques instants plus tôt sur le pas de leur porte. À sa demande, les garçons, âgés de 11 et 9 ans, se sont cachés derrière le lit de leurs parents pendant que le tireur tirait à travers la porte.

Jamie et Greg Blair.

Les deux garçons de Jamie Blair, à gauche, et Greg Blair ont survécu après avoir été témoins du meurtre de leur parent.

Photo : La Presse canadienne / Kelly Blair

Le frère aîné des deux garçons, Tyler Blair, n’était pas présent lors du crime, mais il raconte comment ses petits frères ont su garder leur sang-froid lorsqu’ils ont senti la fumée. Le tireur avait retiré des bûches du poêle à bois et les avait éparpillées dans la maison. Ils ont réussi à se sauver et se sont réfugiés chez leurs voisins, les McCully.

C’est de là que l’un des frères a appelé le 911, à 22 h 16. Puis ils sont restés avec leurs deux amis, les enfants de Lisa McCully, jusqu’à 0 h 24.

Ils n’ont jamais croisé Lisa McCully, qui à ce moment-là était sortie pour vérifier un incendie sur l’une des propriétés du tireur. Elle avait demandé à ses enfants de l’attendre à la maison, mais elle n’est jamais revenue et la police a déterminé plus tard que le tireur avait tué l’institutrice près de la clôture sur sa pelouse avant l’arrivée des deux frères Blair.

Dans la nuit du 18 avril 2020, les appels de Portapique ont été transférés à un répartiteur spécialisé au Centre des communications opérationnelles de la GRC à Truro.

Dans les cinq premières minutes de l’appel au 911 de la maison des McCully, le fils aîné des Blair a dit que le tireur avait un pistolet massif et qu’il était dehors en train de tirer sur tout le monde.

À 22 h 30, les enfants ont averti le répartiteur que le tireur se fondrait dans la masse parce qu’il avait une voiture de police.

Une maison éclairée, à la tombée de la nuit.

Les deux enfants de Lisa McCully se sont cachés dans le sous-sol avec les fils de Greg et Jamie Blair durant deux heures, le temps que la GRC ne vienne les secourir.

Photo : CBC/Steve Lawrence

Au départ, les enfants étaient au rez-de-chaussée de la maison, qui avait de grandes fenêtres donnant sur la cour avant. Vers 22 h 40, ils ont rapporté avoir vu la voiture du tireur sortir de son garage et avoir entendu des coups de feu pendant plusieurs minutes.

La commission pense que c’est à ce moment-là que le tireur a tiré sur Corrie Ellison, d’abord depuis sa voiture, puis à bout portant.

Puis quelques minutes plus tard, trois agents, Stuart Beselt, Adam Merchant et Aaron Patton, qui s’étaient frayé un chemin à travers les bois, ont trouvé le corps d’un homme sur la rue Orchard Beach près de l’entrée du garage.

22 H 50 : les policiers visitent les enfants

Ces agents se sont arrêtés au domicile des McCully, où se trouvaient les enfants, pour la première fois à 22 h 50. Pendant trois minutes, les enfants sont restés silencieux, allongés sur le sol de la cuisine, car le répartiteur leur a dit de ne pas répondre. Finalement, le répartiteur les a dirigés vers la porte arrière, où l’agent Stuart Beselt leur a dit de verrouiller les portes et d’aller au sous-sol.

Un agent discute avec un collègue qui se trouve à bord d'une voiture de la Gendarmerie royale du Canada. Cette voiture et un autre véhicule bloquent la route.

Des gendarmes bloquant la route menant à une scène de crime à Portapique le 26 avril.

Photo : Radio-Canada / Olivier Lefebvre

L’agent Patton, qui était avec lui, a déclaré plus tard lors d’une entrevue avec la GRC le 23 avril, que c’était par pure chance qu’ils avaient dit aux enfants de ne pas ouvrir la porte à quelqu’un sans le mot de passe ananas, puisqu’à ce moment-là, ils n’avaient pas réalisé que le tireur portait un uniforme.

Vers 23 heures, les agents ont transmis par radio un scénario fréquent comme quoi ils entendaient des bruits, mais ne pouvaient pas dire s’ils entendaient des coups de feu ou des explosions provenant des incendies. Puis, Chris Grund est arrivé à l’entrée de la subdivision, où deux autres agents vérifiaient les voitures, et il a demandé par radio où il pouvait aider.

Le sergent d’état-major de Bible Hill, Al Carroll a communiqué par radio à peu près au même moment que les agents devaient être conscients des emplacements les uns des autres pour ne pas se tirer dessus.

23 h : les enfants entendent des bruits

Les commissaires Michael MacDonald, Leanne Fitch et Kim Stanton.

Les commissaires Michael MacDonald, Leanne Fitch et Kim Stanton arrivent au premier jour des audiences de la Commission d’enquête sur les pertes massives.

Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan

Le rapport de la Commission indique que les enfants pensaient avoir entendu à nouveau des pas peu après 23 heures, et la personne qui a pris l’appel a confirmé que les agents étaient de retour. Les enfants leur ont parlé brièvement avant de retourner au sous-sol.

Les trois agents prévoyaient rester avec les enfants, mais ils ont été redirigés après avoir entendu un bruit fort et qu’une femme a appelé le 911 pour signaler que sa maison était sur le point de prendre feu.

À peu près au même moment, l’agent Grund, qui attendait toujours à l’entrée du périmètre, a demandé à deux reprises si une autre équipe pouvait entrer pour aider. Le sergent Andy O’Brien a dit qu’il craignait d’envoyer une deuxième équipe s’il y avait une possibilité qu’ils soient pris dans des tirs perdus.

À 23 h 20, l’un des enfants a entendu un bruit sourd qui ressemblait à quelqu’un qui marchait. Le résumé de la Commission dit que le répartiteur a dit qu’il allait faire revenir un policier.

Les trois agents dans le périmètre se sont précipités pour aller les voir.

Mais ils ne sont pas restés là longtemps parce qu’un couple qui vivait non loin, sur Faris Lane, a appelé pour signaler que quelqu’un frappait à leur porte.

Les agents sont partis à pied, à travers les terrains fortement boisés, et ils ont vérifié la propriété et surveillé pendant qu’un couple et leur fils quittaient les lieux.

Et puis, ils ont remarqué une nouvelle maison en feu et les agents ont demandé par radio d’envoyer des agents jeter un coup d’œil sur les enfants.

Des hommes habillés en jaune arrosent avec des boyaux une voiture incendiée.

Des pompiers volontaires à Wentworth, en Nouvelle-Écosse, arrosent les braises d’une des multiples scènes de crime du massacre, le 20 avril 2020.

Photo : Getty Images / Tim Krochak

0 h 24 : les enfants quittent le périmètre

À 23 h 47, Brian Rehill, le gestionnaire des risques au Centre des communications opérationnelles de la GRC, a finalement convenu qu’une autre équipe devait entrer aider les enfants. Des cinq agents qui attendaient à l’entrée de la communauté à environ 1,5 kilomètre, deux sont entrés dans le périmètre. L’agent Grund et l’agent Bill Neil sont partis à pied, s’arrêtant pour parler à un voisin qui refusait de quitter sa propriété et pour évaluer si un bruit entendu était des coups de feu ou des explosions provenant du garage en feu du tireur.

Chris Grund a déclaré plus tard à la Commission des pertes massives, lors d’une entrevue en août 2021, qu’il avait eu du mal à attendre le feu vert pour aller aider et que sa décision de marcher, au lieu de prendre une voiture jusqu’à la maison des McCully, était liée au fait que les véhicules de la GRC avaient été ciblés lors de la fusillade de Moncton.

Il était 0 h 20 lorsque les deux agents ont rencontré les enfants à la porte arrière. L’agent Grund les a conduits en lieu sûr en utilisant la voiture de Lisa McCully. Ils se sont d’abord rendus à la caserne de pompiers de Great Village, puis des ambulances les ont emmenés à l’hôpital de Truro.



Reference-ici.radio-canada.ca

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