Depuis que l’Université Laurentienne a fermé son programme bilingue en avril 2021, il n’existe aucune option à l’extérieur de la belle province.
Une situation qui a de graves conséquences pour les communautés francophones en milieu minoritaire.
Le Québec forme seulement des résidents du Québec qui planifient rester au Québec
, explique Natalie MacLeod, une sage-femme franco-ontarienne qui enseignait à la Laurentienne avant que celle-ci ne se place à l’abri de ses créanciers.
« Pour des sages francophones en Ontario ou dans le reste du Canada… On a besoin d’un programme francophone hors du Québec. »
Avant d’être sabré dans le cadre de la restructuration, le programme de sage-femme de l’Université Laurentienne était populaire. Pour la rentrée 2020, il y avait plus de 300 demandes d’admission, et seulement une trentaine de places.
Ces demandes d’admission venaient de partout au pays, comme le souligne Buffy Fulton Breathat, également ancienne enseignante au programme de sage-femme de la Laurentienne.
Toutes les sages-femmes francophones du Nouveau-Brunswick ont été formées à la Laurentienne
, explique-t-elle.
« Ça démontre que l’Ontario avait la capacité d’exporter des sages-femmes francophones au reste du Canada. »
Silence du côté des universités ontariennes
Les universités McMaster et Ryerson ont chacune accueilli la moitié des étudiantes de l’ancien programme de la Laurentienne.
Elles ont également embauché quelques anciennes professeures francophones du programme pour que les étudiantes puissent terminer leurs études en français.
Mais McMaster n’offre pas de programme francophone à la rentrée de 2022, comme le précise Liz Darling, la directrice du programme de sages-femmes de l’Université.
Nous travaillons avec le ministère pour identifier quel établissement pourrait reprendre le programme francophone, le plus tôt possible
, indique-t-elle. Mais ce ne sera pas prêt à temps pour la prochaine rentrée.
L’Université Ryerson confirme également qu’elle ne sera pas celle qui reprendra le flambeau.
Par contre, elle espère qu’une nouvelle université s’engagera à reprendre le programme de sage-femme francophone
, écrit un porte-parole dans un échange de courriel avec Radio-Canada.
De son côté, l’École de médecine du Nord de l’Ontario compte prendre les deux prochaines années pour stabiliser ses finances et perfectionner ses programmes existants avant d’offrir de nouveaux programmes, relate une porte-parole.
Contactée à ce sujet, l’Université de Sudbury, qui n’a pas encore reçu de financement de la province pour reprendre ses activités pédagogiques, n’avait aucun commentaire à offrir.
Finalement, le ministère des Collèges et des Universités de l’Ontario affirme être actuellement en train d’explorer différentes options de partenariat pour le programme de sage-femme francophone, mais ne précise pas de date butoir pour le retour de la formation.
L’importance de donner vie en français
Le temps presse pour former des sages-femmes francophones, selon Mme Fulton-Breathat.
Nos sages-femmes francophones quittent la profession et il n’y a personne pour les remplacer
, se désole-t-elle.
« Ça prend quatre ans pour obtenir un diplôme. Si nous n’offrons pas de programme bientôt, nous allons voir un déficit de diversité linguistique chez les sages-femmes, pas seulement cette année et l’année prochaine, mais pour les années à venir. »
Les sages-femmes accompagnent les personnes enceintes dans toutes les différentes étapes, des soins prénataux jusqu’au premier mois après la naissance.
Tout le monde devrait avoir des soins dans leur langue maternelle, surtout lorsqu’ils sont dans une position vulnérable
, renchérit Mme MacLeod.
Il ne faut pas qu’il y ait de barrière de la langue quand on doit transmettre des informations clés et prendre des décisions difficiles
, explique-t-elle.
À l’heure actuelle, les étudiantes francophones et francophiles qui veulent devenir sages-femmes devront faire leurs études en anglais en Ontario.
« C’est dommage, parce qu’après, les francophones formées en anglais perdent confiance en leur capacité de livrer des soins en français. »
Elles ne connaissent pas les termes et ne peuvent pas pratiquer leur langue. Ça enlève une partie de leur identité francophone
, poursuit Mme MacLeod.
Vers une formation offerte au niveau collégial ?
Lundi, le gouvernement de l’Ontario a annoncé que les collèges publics de l’Ontario pourront créer de nouveaux programmes d’études afin de pallier la pénurie de main-d’œuvre.
Questionnée à ce sujet, la responsable des communications du Collège Boréal, Lyne Michaud, indique que l’établissement nord-ontarien compte éventuellement développer une nouvelle offre de programmes et de services.
Mais ce transfert de programme au niveau collégial comporte son lot de défis, selon Mme Fulton-Breathat.
D’abord, il faut qu’il ait suffisamment d’étudiants dans chaque cohorte pour avoir une bonne classe de diplômés
, explique-t-elle en précisant qu’en moyenne, un élève sur cinq ne réussit pas à terminer le programme.
Ensuite, il y a la question du personnel enseignant. Le bassin de candidats est relativement restreint, il y a peu d’enseignants francophones qualifiés pour enseigner.
Dans ce domaine, il est difficile de concilier un emploi de sage-femme à temps partiel avec une charge de cours, puisque les quarts de travail sont imprévisibles.
Le recrutement, c’est quelque chose qui va prendre énormément de temps. Alors le gouvernement doit faire des annonces maintenant, pour que le futur établissement – peu importe lequel – ait suffisamment de temps pour faire les embauches nécessaires
, conclut-elle.
Avec des informations de Bienvenu Senga et Francis Beaudry
Reference-ici.radio-canada.ca