Pourquoi Jean Charest fait-il un retour en politique fédérale?


Alain Paquin, qui a contribué à sa première élection comme député de Sherbrooke en 1984, avait du mal à cacher ses réserves face aux ambitions de son ami. Textuellement, ce que je lui ai dit, c’est : “Le sacrifice que tu dois faire est tellement important en termes de qualité de vie financière et familiale”. Une fois que j’ai dit ça, il prend sa décision.

Monique Gagnon-Tremblay, vice-première ministre, ministre des Relations internationales et présidente du Conseil du trésor sous Jean Charest, a un ton un peu dubitatif lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense de cette nouvelle aventure politique de Jean Charest. Je suis un peu surprise dans le sens que Jean Charest a actuellement un travail intéressant et valorisant. […] J’ai une certaine hésitation à lui recommander [de se lancer dans la course à la direction du Parti conservateur du Canada] parce qu’il fait tellement une belle vie actuellement, et il est au-dessus des remarques désagréables de la vie politique.

L’ancien maire de Sherbrooke, Jean Perrault, qui voue une grande admiration à l’ancien premier ministre du Québec, affiche lui aussi une certaine modération. Le travail qu’il a présentement, il a une reconnaissance internationale. Il est sur un conseil d’administration à Paris, sur un autre dans les Émirats arabes. Il est invité à être conférencier à gauche et à droite. Je suis certain qu’il fait pas mal plus d’argent.

« C’est son choix. Ça fait longtemps qu’il veut devenir premier ministre du Canada. Il a fait un petit détour au Québec, mais disons que c’est tout un défi [qui l’attend]. »

— Une citation de  Jean Perrault, ancien maire de Sherbrooke

Devenir enfin premier ministre du Canada

S’il semble évident que leur enthousiasme modéré vise d’abord et avant tout à protéger le nouveau candidat au Parti conservateur du Canada, ils ne cachent toutefois pas leur assurance à le voir triompher dans la lourde tâche de rassembler les membres d’un parti très divisé.

Monique Gagnon-Tremblay discute avec le premier ministre Jean Charest, le 4 juillet 2008, à Québec.

Monique Gagnon-Tremblay discute avec le premier ministre Jean Charest le 4 juillet 2008, à Québec. (ARCHIVES)

Photo : afp via getty images / AFP

Monique Gagnon-Tremblay est convaincue que son ancien chef est l’homme de la situation. Jean Charest, c’est comme si on lui avait donné une potion magique de la politique à sa naissance. Il est tellement dévoué. Il aime le Québec, il aime le Canada. Je pense qu’avec toutes ses qualités, il peut réussir.

Si Jean Charest a été sur la scène provinciale pendant 14 ans en tant que chef du Parti libéral du Québec (PLQ) et premier ministre, son précédent parcours politique était visiblement inachevé à ses yeux.

Il a 63 ans. Il le fait là, ou il ne réalisera pas son rêve de devenir premier ministre du Canada, croit Jean Perreault. Alain Paquin estime aussi que le pari de Jean Charest est de tenter sa chance pour ne pas avoir de regrets. Si ça passe, correct, et si ça ne passe pas, ce n’est pas plus grave que ça. Je reviens à mon cabinet d’avocats, je vais reprendre mes dossiers. Je serai capable de retourner sur des conseils d’administration. C’est un peu de même qu’il pense, explique-t-il.

« C’est pour lui un rêve. Est-ce que je vais avoir des regrets si je n’y vais pas? J’y vais et je n’aurai pas de regrets. »

— Une citation de  Alain Paquin, collaborateur de Jean Charest

D’Ottawa à Québec

Il y a presque 24 ans jour pour jour, soit le 26 mars 1998, Jean Charest acceptait de quitter le Parti progressiste-conservateur (PPC) pour le Parti libéral du Québec. Dans un Vieux Clocher de Sherbrooke survolté, il déclarait : Ma décision est prise, je choisis le Québec.

C’est après une vague de sollicitation intense que Jean Charest a pris cette décision. Un choix déchirant, avouait-il à l’époque, pour lui et son épouse Michèle qui ont investi beaucoup d’énergie sur la scène fédérale dans l’espoir qu’il devienne un jour premier ministre du Canada. Alain Paquin rappelle que lorsqu’il était chef du Parti progressiste-conservateur , Jean Charest avait été fort remarqué lors du référendum de 1995 alors qu’il avait contribué à la victoire du non. Ses interventions, se souvient-il, avaient été remarquées tant au Québec qu’ailleurs au Canada.

Jean Charest, alors qu'il était chef du Parti conservateur du Canada, lève les bras au ciel avec Jean Chrétien, alors premier ministre du Canada et Daniel Johnson, chef de l'opposition au Québec

Jean Charest, alors qu’il était chef du Parti progressiste-conservateur du Canada, fait front commun avec Jean Chrétien, alors premier ministre du Canada et Daniel Johnson, chef de l’opposition au Québec, contre le mouvement souverainiste au Québec lors du référendum de 1995. (ARCHIVES)

Photo : afp via getty images / CARLO ALLEGRI

On avait [eu] un congrès à Ottawa du Parti conservateur, ajoute Alain Paquin. C’est là qu’on s’est aperçu que les libéraux provinciaux étaient présents. Il y a eu toutes sortes de réunions de sollicitation pour Jean. “On a besoin de toi, il faut que tu t’en viennes”.

Il était très sollicité de la part du Canada pour se présenter au Québec, souligne Jean Perrault. Il est venu un peu comme, entre guillemets, le sauveur [de la fédération canadienne]. Son objectif à ce moment-là était d’aider le Québec à rester dans le Canada.

Je me rappelle que lorsque Daniel Johnson [ancien premier ministre du Québec et chef du Parti libéral du Québec] m’a téléphoné pour me dire qu’il avait l’intention de quitter le parti [j’ai été] l’une des premières à téléphoner à Jean Charest pour l’inviter à joindre nos rangs, ajoute Monique Gagnon-Tremblay.

Jean Charest, tout sourire, devant les journalistes.

En ce 13 mars 1998, Jean Charest, alors chef du PCC, s’amuse avec les journalistes et laisse traîner le suspens quant à son avenir au sein du Parti libéral du Québec. (ARCHIVES)

Photo : La Presse canadienne / RYAN REMIORZ

Aujourd’hui, après une dizaine d’années loin de la vie politique, on le réclame à nouveau pour, cette fois, sauver un parti en quête d’unité. Il prend cependant le chemin inverse de 1998 et tentera, dans les prochains mois, de convaincre les membres du Parti conservateur du Canada qu’il est celui qui peut les mener vers la victoire. Un défi à la hauteur de ses capacités, selon ses anciens collaborateurs.

« Je pense que Jean, en arrivant sur la scène fédérale [et] ayant été conservateur va pouvoir faire cette différence et rallier non seulement des conservateurs, mais également des libéraux du Québec. »

— Une citation de  Monique Gagnon-Tremblay, ancienne vice-première ministre

Alain Paquin est d’avis que son talent de rassembleur sera un grand atout. Regarde comme le Canada est divisé. Comment faire pour unir ces gens-là d’un océan à l’autre? Si le parti conservateur reste ce qu’il est là, on va se retrouver avec un gouvernement libéral pour les prochaines décennies. Il faut être capable de trouver un lien entre tout le monde. Je pense qu’il est capable de faire ça, dit-il d’un ton convaincu.

Jean Perrault précise qu’il reste à Jean Charest beaucoup de travail à faire avant de pouvoir réaliser son rêve de devenir premier ministre du Canada. D’autant plus que pour l’instant, il traîne de la patte dans les sondages. Sa grande grande tâche actuellement, c’est de devenir le chef du Parti conservateur. Et ça à mon point de vue, ce n’est pas encore gagné, conclut Jean Perrault.



Reference-ici.radio-canada.ca

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