Le drame autochtone Wildhood est plus qu’une histoire d’amour bispirituelle


Le réalisateur Bretten Hannam a commencé à écrire une version du scénario il y a plus de dix ans, en consultant des acteurs de l’industrie qui ont fait l’éloge de l’histoire, mais ont toujours émis une réserve : les personnages doivent-ils vraiment être bispirituels? Doivent-ils vraiment être autochtones?

Grâce à une nouvelle vague de cinéastes qui explorent désormais toute la gamme des identités autochtones à l’écran, M. Hannam a pu raconter l’histoire qu’il avait imaginée – et transformer le court métrage de 2019 en long métrage.

Le film, qui est sorti vendredi dans les cinémas canadiens, fait partie des histoires de bispiritualité qui viennent d’émerger dans le cinéma autochtone grand public.

Le terme bispirituel est utilisé par certaines communautés autochtones pour décrire un lien entre la sexualité, le genre et la spiritualité.

Ce mot n’est pas ce qui fait l’identité d’une personne, c’est votre expérience, vos émotions, votre lien spirituel avec la communauté, explique John Sylliboy, un Mi’kmaw bispirituel qui joue dans le film et qui a été consultant.

Un portrait de John Sylliboy.

John Sylliboy, un Mi’kmaw bispirituel, a été consultant pour le film Wildhood.

Photo :  courtoisie / Mongrel Media

Dans Wildhood, Link (Phillip Lewitski), un Mi’kmaw marginal et perturbé, et son demi-frère Travis s’enfuient de chez leur père violent. Link a découvert que la mère qu’il croyait morte est en fait toujours en vie quelque part sur le territoire Mi’kma’ki en Nouvelle-Écosse, après avoir trouvé une pile de lettres non ouvertes qu’elle lui avait adressées.

Affamés et malheureux, ils rencontrent Pasmay (Joshua Odjick), un danseur mi’kmaw bispirituel qui aide Link à se reconnecter avec lui-même et avec ses racines autochtones, alors qu’ils s’embarquent dans un voyage pour retrouver le parent perdu de Link.

En fait, le film ne mentionne pas directement le terme bispirituel, mais le concept est intégré au langage visuel de Wildhood.

Phillip Lewitski, acteur dans le film Wildhood.

Phillip Lewitski est l’interprète de Link dans le film Wildhood.

Photo :  courtoisie / Benjo Arwas Studio

Dans une scène mémorable où le trio dort en plein air dans un champ, Pasmay se réveille à l’aube, Link l’observant avec intérêt alors qu’il exécute une danse cérémoniale dans la lumière du matin. Pasmay encourage alors Link à le rejoindre et lui apprend la danse.

Dans ce cas, les deux jeunes Mi’kmaq sont réunis par leur lien avec la terre, leur spiritualité et leur attirance l’un pour l’autre.

La cinématographie rend compte du lien avec la terre

Il y a beaucoup de moments nuancés dans le film qui relient la terre au voyage, a indiqué l’acteur originaire de Calgary Phillip Lewitski, qui joue le personnage de Link. Il y a beaucoup de plans différents qui nous relient à la terre, et je pense qu’il y a beaucoup de niveaux dans la découverte de Link.

Au cours de son voyage avec Travis et Pasmay, Link rencontre plusieurs aînés qui l’aident à retrouver sa mère – et qui lui ouvrent les yeux sur les différentes expressions de la sexualité au sein de sa communauté.

La covedette Joshua Odjick, qui interprète le personnage de Pasmay, a affirmé que sa participation au film était triomphale.

Portrait de Joshua Odjick.

Joshua Odjick interprète Pasmay, un danseur mi’kmaw bispirituel qui se joint à Link dans son périple pour retrouver sa mère.

Photo :  courtoisie / Tim Leyes

J’ai été très honoré d’en faire partie, très privilégié, a mentionné M. Odjick, qui est un Anichinabé-Cri de la Première Nation de Kitigan Zibi. Je suis enthousiaste à l’idée de faire partie de ce voyage qui ouvre la voie à l’acceptation dans les communautés bispirituelles.

M. Lewitski, qui a grandi dans une famille unie, mais n’a pas connu son héritage mohawk avant l’adolescence, a déclaré que le voyage de Link vers l’accomplissement de soi résonnait en lui.

J’espère que ce film aura cet effet sur les gens, qu’ils ne se sentiront pas si seuls dans cette situation, a-t-il noté. Ils pourront vivre par procuration l’expérience de quelqu’un d’autre et peut-être en retirer quelque chose, en tirer des leçons et l’utiliser dans leur propre vie.

Les histoires bispirituelles sont toutefois rares au cinéma.

Kami Chisholm, directeur artistique du Toronto Queer Film Festival, a dit que l’industrie n’avait toujours pas mis en place une infrastructure solide pour soutenir les artistes autochtones, en particulier ceux qui sont bispirituels.

Mon impression jusqu’à présent des efforts de l’industrie à cet égard, c’est qu’ils sont terriblement insuffisants et qu’ils servent à perpétuer l’emprise coloniale sur les institutions et les ressources artistiques, a ajouté Kami Chisholm.

Dans les expositions et les ateliers du Toronto Queer Film Festival, Kami Chisholm déclare que de 40 à 50 % des artistes soutenus sont autochtones.

« Les organisations artistiques, comme toutes les institutions de colonisation, doivent faire beaucoup plus qu’allouer un petit pourcentage de leurs ressources aux artistes autochtones. »

— Une citation de  Kami Chisholm, directeur artistique du Toronto Queer Film Festival

Il y a eu peu de représentations de personnages bispirituels à l’écran dans les longs métrages. Un autre film du Festival international du film de Toronto (TIFF), Fire Song, a été présenté en première en 2016, offrant un portrait douloureux de la jeunesse anichinabée.

Les institutions cinématographiques canadiennes ont fait quelques efforts pour intégrer des films ayant des thèmes bispirituels dans leur programmation.

Les trois interprètes du film Wildhood marchent dans une clairière.

Le film Wildhood a pris l’affiche dans les cinémas vendredi.

Photo :  courtoisie / Riley Smith

En 2016 et en 2019, le Vancouver Queer Film Festival a proposé une série mettant en vedette des films ayant des thèmes bispirituels. L’Académie canadienne du cinéma et de la télévision propose un programme de films bispirituels sur son site web. Et l’Office national du film du Canada (ONF) a mis en ligne plusieurs courts documentaires présentant des sujets bispirituels.

Cependant, en 2019, le gouvernement Ford a réduit de moitié le financement du Conseil des arts de l’Ontario, ce qui a eu un impact disproportionné sur les artistes autochtones en éliminant le Fonds pour la culture autochtone. Wildhood, pour sa part, a reçu un financement de Téléfilm Canada en 2019.

D’après un texte de Jenna Benchetrit, de CBC



Reference-ici.radio-canada.ca

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