L’augmentation des salaires, solution pour contrer les effets de l’inflation?


Face à ce déséquilibre, certains travailleurs demandent – et parfois obtiennent – des augmentations salariales conséquentes, alors que des économistes et des employeurs mettent en garde contre une spirale inflationniste.

Invités pour en discuter à l’émission Les faits d’abord, samedi, la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Caroline Senneville, et le président et chef de la direction du Conseil du patronat Karl Blackburn, occupent les positions divergentes auxquelles on pourrait s’attendre sur cet enjeu. Ils s’accordent toutefois sur un point : les hausses salariales ne sont pas une panacée.

Un appétit pour de meilleurs salaires

Ces augmentations sont particulièrement souhaitables, voire nécessaires, en bas de l’échelle salariale, selon Caroline Senneville.

Caroline Senneville, souriante, lors d'une présentation.

Caroline Senneville, présidente de la CSN.

Photo : La Presse canadienne / CSN

Il faut regarder les coûts de base : l’alimentation, le logement, le transport. Tout ça à un effet sur les plus petits salariés. On ne peut pas vivre avec des augmentations qui ne tiendraient pas compte de l’inflation, explique-t-elle.

C’est pourquoi, d’après la présidente de la Confédération des syndicats nationaux, il faut s’appuyer sur l’indice du prix à la consommation dans le cadre de négociations salariales qui ont cours en ce moment. En y ajoutant un autre levier de négociation – la rareté de main-d’œuvre –, il existe un véritable appétit pour de telles demandes.

Sur les 20 dernières années, les augmentations salariales n’ont pas suivi les gains en productivité non plus , note Caroline Senneville. Dans ce contexte, ajoute-t-elle, les travailleurs perdaient leur pouvoir d’achat tranquillement, mais s’en rendaient moins compte. Or, avec une augmentation du coût de la vie de plus de 5 %, ce qui n’a pas été vu en 30 ans, les gens sont là pour leur salaire.

Et dans le contexte actuel, les travailleurs peuvent voir leur salaire augmenter de manière importante.

La présidente de la Confédération des syndicats nationaux donne en exemple les hausses salariales de 35 % consenties aux employés de l’abattoir Olymel à Princeville plus tôt cette année, entre autres pour contrer un problème de rétention de main-d’œuvre. Cette augmentation avait été obtenue par le syndicat affilié à la Confédération des syndicats nationaux avant même que leur convention collective ne soit expirée.

Une foule tient des pancartes de la CSN à bout de bras.

En février dernier, le Syndicat des employés d’Olymel Princeville–CSN a accepté à 93% une prolongation de sa convention collective jusqu’en 2030. Les salariés recevront des augmentations variant de 7,44 à 7,64 $.

Photo : Radio-Canada / Marie-Hélène Rousseau

N’empêche, elle souhaite tempérer l’idée selon laquelle les syndicats ont le gros bout du bâton, surtout pour des questions ayant trait aux conditions de travail.

La pénurie de main-d’œuvre fait en sorte que les cadences de travail augmentent, explique-t-elle, qu’on a recours au temps supplémentaire obligatoire même dans le secteur manufacturier, qu’on voit davantage de congés de maladie reportés et d’accidents de travail.

Une tempête parfaite

Selon le président du Conseil du patronat, c’est une tempête parfaite qui exerce une pression à la hausse sur les salaires.

On parle d’une inflation à 6,7 %, un taux de chômage à 4,5 %, dans certaines régions du Québec, c’est moins de 3 %, avec pour conséquence qu’il manque de travailleurs pour relever les défis de croissance économique du Québec, explique Karl Blackburn.

Tant que nous n’arriverons pas à élargir le bassin de travailleurs au Québec, analyse-t-il, on va se trouver dans cette spirale qui va continuer de mettre une pression sur l’économie.

Karl Blackburn

Karl Blackburn, président du Conseil du patronat.

Photo : Radio-Canada/Lisa-Marie Fleurent

Karl Blackburn est d’avis que les entreprises qui ont les moyens de suivre la parade de l’inflation et la pénurie de main-d’œuvre le font déjà. Il y a un écart de salaires qui se comble dans plusieurs secteurs, parfois des augmentations de salaire de l’ordre de 25 à 30 %, avance-t-il.

Or, il estime que d’autres secteurs de l’économie québécoise ne peuvent tout simplement pas se permettre de fournir les mêmes efforts en termes de hausses salariales, leurs marges de profit étant trop faibles.

On le voit avec des restaurants et des commerçants qui doivent fermer le lundi et le mardi, illustre-t-il. Beaucoup d’autres services vont malheureusement être affectés , affirme celui dont l’organisation représente 70 000 employeurs au Québec.

Karl Blackburn ajoute un autre bémol à l’idée d’augmenter les salaires pour compenser la hausse du coût de la vie : c’est le consommateur, en bout de piste, qui va finir par payer ces augmentations salariales .

Le président du Conseil du patronat se montre toutefois plus réceptif à une hausse du salaire minimum à 15 $ l’heure en 2023, ce qu’a prédit le ministre du Travail, Jean Boulet.

[L’idée] paraît moins épouvantable qu’elle ne pouvait le paraître avant, explique-t-il, soulignant que le salaire minimum] doit représenter 50 % du salaire moyen . Or, actuellement, l’évolution du salaire moyen tire le salaire minimum vers le haut, d’où le fait qu’il sera déjà à 14,25 $ d’ici quelques semaines.

Il existe d’autres solutions

Si ça prend quelque chose du côté des salaires, Caroline Senneville estime que ce combat est insuffisant à lui seul.

D’une part, elle encourage les entreprises à investir dans autre chose que la main-d’œuvre, notamment en technologie, de manière à pourvoir des postes qui ne peuvent l’être par des travailleurs.

D’autre part, elle demande des mesures étatiques structurantes pour contrer la hausse du coût de la vie, comme l’instauration de contrôles de loyers et des investissements dans les transports collectifs.

Je représente des membres de la Confédération des syndicats nationaux qui fréquentent des banques alimentaires admet la présidente de la centrale syndicale, qui s’inquiète des impacts sociaux associés à une perte du pouvoir d’achat.

Quand les gens trouvent que la société ne fonctionne pas pour eux, que leur sort ne s’améliore pas, que je prends 50 % de mon loyer et un autre 25 % pour payer du Kraft Dinner, c’est toute la société qui en paie le prix. On est tous dans le même bateau.



Reference-ici.radio-canada.ca

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