L’invasion russe qui fait des ravages en Ukraine n’est pas étrangère à l’augmentation du budget de la défense annoncé cette semaine. Les dictateurs du monde ne devraient jamais tenir notre politesse pour du pacifisme, a déclaré la ministre Freeland. Nous savons que la liberté n’est pas gratuite, et que c’est notre empressement à lutter pour elle qui garantira la paix.
Les investissements de 8 milliards de dollars annoncés doivent aider le Canada à se conformer aux exigences de l’OTAN, soutenir la cybersécurité, améliorer la collecte de renseignements critiques et poursuivre la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (ou NORAD).
Le quartier général de la section canadienne du
NORAD est situé à Winnipeg, sous l’autorité du commandant de la 1re Division aérienne du Canada.Selon la directrice du Centre d’études sur la défense et la sécurité de l’Université du Manitoba, Andrea Charron, le budget Freeland ne se traduira pas en investissements rapides dans les infrastructures ou les emplois au
NORAD.D’abord, dit-elle, le Canada doit renforcer sa capacité à surveiller une grande étendue de l’Arctique, où l’observation des mouvements des navires et des avions russes est devenue plus critique.
Selon la professeure, le simple fait que le gouvernement fédéral investira davantage dans la défense traditionnelle et dans la cybersécurité est en soi remarquable, étant donné la façon dont le Canada a diminué ses dépenses dans la défense nationale au cours des dernières décennies.
La plupart des budgets des différents gouvernements à Ottawa ont comporté des compressions au budget de la défense parce que c’est une des enveloppes les mieux garnies
, dit-elle en notant qu’il a été difficile pour tous les gouvernements de maintenir des dépenses dans ce secteur.
Elle rappelle que Brian Mulroney avait proposé l’achat de 12 sous-marins nucléaires en 1987, mais que la pertinence de cette dépense est bien vite disparue, avec l’effondrement du rideau de fer en 1989.
Puis, au cours des années 1990, le Canada a perçu son armée comme une force globale de maintien de la paix, tandis que ses investissements dans la défense diminuaient.
Ensuite est venue la guerre de 20 ans en Afghanistan, avec ses objectifs vagues et ses résultats désastreux.
Mais depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il est fort probable que les Canadiens ne voient plus leur armée comme une simple force de police à déployer outremer, ou comme une force à mettre à l’œuvre en cas de désastre naturel.
Il y a toujours un équilibre à atteindre entre la défense du Canada et de l’Amérique du Nord et le déploiement d’aide à l’étranger, note Andrea Charron, et on assiste parfois à des sortes de revirements d’intérêt.
« Nous sommes sans aucun doute dans un de ces virages en ce qui concerne la sécurité intérieure, parce qu’on se rend compte, en ce moment, que l’Amérique du Nord est vulnérable. »
Cette affirmation n’est pas exagérée quand on sait que des cyberattaques de nations hostiles situées de l’autre côté du globe peuvent paralyser des secteurs essentiels de la société.
Mais même sur le plan conventionnel, la capacité du Canada à affirmer sa souveraineté sur son immense archipel arctique est discutable.
Ainsi, la Russie dispose de six brise-glace propulsés par l’énergie nucléaire et capables de broyer l’épaisse couche de glace de l’Arctique tout en avançant.
La garde côtière canadienne opère quant à elle des brise-glace fonctionnant au diesel, qui ne sont pas aussi rapides et ne peuvent aller aussi loin.
Miser sur les communautés pour renforcer la sécurité
Mais il y a plus d’une façon d’assurer la sécurité de l’Arctique. Depuis longtemps, les Inuit demandent à Ottawa d’examiner cet enjeu autrement que d’un seul point de vue militaire.
Il est vital que les gens de l’Arctique, et en particulier les peuples autochtones, soient inclus, affirme Andrea Charron. La meilleure défense de l’Arctique, ce sont des communautés en santé, viables et durables. Et donc chaque fois qu’on investit dans des infrastructures pour améliorer les capacités de l’armée, il faut se demander si elles peuvent aussi être utiles aux communautés.
Par exemple, s’il faut étendre une piste d’atterrissage pour l’armée, assurons-nous qu’elle puisse être utile pour les vols commerciaux et l’approvisionnement en biens des communautés locales.
Avec des informations de Bartley Kives
Reference-ici.radio-canada.ca