L’ Atiku (caribou) au cœur d’une relation millénaire; une responsabilité prise au sérieux



C’est pourquoi les chefs des neuf communautés innues au Québec (Mashteuiatsh, Essipit, Pessamit, Uashat mak Mani-utenam, Ekuanitshit, Nutashkuan, Unamen Shipu, Pakua Shipi, et Matimekush-Lac John) croient fermement que la protection de l’Atiku est une de leurs responsabilités en vertu des droits et titres ancestraux qu’elles détiennent sur Nitassinan, territoire ancestral, tout en assurant la pratique de leurs activités ancestrales et la sécurité alimentaire de leurs membres.

L’Atiku est donc vital pour les Innus et nos savoirs doivent se transmettre de génération en génération. Jusqu’à tout récemment, notre société était construite alentour de l’Atiku, de ses déplacements et de sa chasse. Son déclin engendre forcément une perte de notre identité, celle que nos ancêtres, grands-parents et parents ont chèrement défendue. C’est à notre tour de prendre les mesures qui s’imposent pour assurer le maintien de notre relation millénaire avec l’Atiku pour les sept générations à venir.

Au cours des dernières années, la Nation innue a déployé des stratégies et assumé sa part de responsabilité dans la protection du Mushuau-Atiku (troupeau de la rivière George et rivière aux Feuilles). Avec d’autres groupes autochtones au Québec et au Labrador, via la Table ronde autochtone du caribou de la péninsule d’Ungava (TRACPU), nous avons développé une importante stratégie de gestion de l’espèce pour les 100 ans à venir intitulée : Il y a longtemps dans l’avenir : Le caribou et les peuples autochtones d’Ungava (17 octobre 2017). Nos premières actions portent fruits, car le troupeau de la George recommence timidement à augmenter son cheptel.

En janvier 2022, les neuf communautés de la Nation innue ont signé une entente historique Matinueu mashinaikan atiku e uauinakanit avec la Nation Crie Eeyou Itschee pour une chasse du Mushuau-Atiku (troupeau de la rivière aux Feuilles) en territoire cri afin d’atteindre l’objectif commun de diminuer les prélèvements des populations du Minashkuau-Atiku (caribou de l’intérieur de la forêt), tout en poursuivant nos relations culturelles respectives et en respect de la stratégie de la TRACPU.

Concernant le Minashkuau-Atiku, les enjeux de sa protection sont grands et complexes (certaines communautés sont actuellement engagées dans des démarches juridiques), eu égard aux occupations industrielles et humaines de ce territoire duquel sa survie dépend. Ce chantier mérite plus d’efforts de tous, y compris de nos chasseurs, d’autant plus que certaines communautés innues sont confrontées à une forte pression de l’industrie forestière et du milieu régional.

À l’image des Premières Nations et des gardiens autochtones du Nord-Est de la Colombie-Britannique qui ont réussi à tripler une harde de caribous en déclin, les chefs innus prennent les choses en main pour trouver des solutions propres à leurs communautés. À cette fin, les chefs de la Nation innue lanceront des consultations internes sur le Minashkuau-Atiku. Celles-ci culmineront dans une rencontre nationale afin que la Nation innue puisse décider de ses stratégies de protection d’Atiku, et convenir des actions à déployer.

Nous sommes aussi à l’origine d’un forum sur la protection du Minashkuau-Atiku qui incluait les gouvernements du Québec, de Terre-Neuve-et-Labrador et du Canada. Malheureusement, la Nation innue a constaté le manque de sérieux et de volonté du gouvernement du Québec dans cette démarche ayant pour conséquence qu’aucun progrès n’a été constaté dans les dernières années. Les interventions des communautés innues auprès du gouvernement du Québec se sont avérées infructueuses. Nous considérons que le Québec a échoué à respecter nos droits ancestraux, y compris le titre, en ne prenant pas adéquatement en considération nos rôles, nos intérêts, nos valeurs, nos savoirs, et nos besoins concernant l’Atiku. Les dernières actions du gouvernement du Québec — évidemment sans concertation avec les Premières Nations —, notamment la décision de créer une commission indépendante et de reporter à nouveau la publication de sa stratégie pour le maintien des caribous forestiers et montagnards, démontrent clairement que le Québec préfère la protection des intérêts des compagnies forestières au détriment de la préservation de cette espèce importante tant pour les Innus que pour le maintien de la biodiversité dans le paysage québécois et canadien.

Nous rappelons que cette Table, dite tripartite, avait prévu quatre chantiers prioritaires, soit la gestion des populations, la culture innue, les communications, le prélèvement et les enjeux transfrontaliers.

Nos connaissances, notre expertise et notre expérience en ce qui a trait à la préservation de l’Atiku confèrent à la Nation innue au Québec un rôle central dans la création, la mise en œuvre et le suivi de toute stratégie visant la préservation de l’Atiku. Nous avons des solutions. Mamu (ensemble) pour l’Atiku.

Signée par : Chef Mike Mckenzie – Uashat mak Mani-utenam, Chef Gilbert Dominique – Mashteuiatsh, Chef Martin Dufour – Essipit, Chef Jean-Marie Vollant – Pessamit, Chef Jean-Charles Pietacho – Ekuanitshit, Chef Réal Tettaut – Nutashkuan, Chef Bryan Mark – Unamen Shipu, Chef Guy Mestenapéo – Pakua Shipi, et Chef Réal Mckenzie – Matimekush-Lac John.



Reference-ici.radio-canada.ca

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