Hausse historique de la mortalité des abeilles au Québec


Scott Plante, propriétaire de la Maison du miel sur la Rive-Sud de Québec, a eu une très mauvaise surprise en rouvrant ses ruches à la fin de l’hiver. On s’attendait à avoir entre 20 et 30 % de perte. Ç’a été un hiver long et froid. On a fait le saut. On a des pertes d’à peu près 65 % et ça monte.

Une situation complètement inhabituelle, selon lui. Ça fait 41 ans que je suis dans le domaine apicole. C’est ma première année comme ça.

Des chiffres du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) devraient confirmer cette année extraordinairement difficile dans les prochaines semaines. Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec mène chaque année une enquête concernant la mortalité des abeilles puisqu’il s’agit d’une période où les colonies d’abeilles sont isolées à l’extérieur ou dans des entrepôts et où la mortalité est plus forte qu’à l’été.

Généralisé

Depuis trois semaines, Pierre Giovenazzo, professeur au département de biologie de l’Université Laval, constate que cette mortalité semble s’être accentuée partout au pays.

« Ce n’est pas juste au Québec qui semble avoir cette problématique. […] C’est assez intrigant. Il y a d’autres provinces qui ont subi les mêmes niveaux de mortalité. On va en savoir plus dans les prochaines semaines. »

— Une citation de  Pierre Giovenazzo, professeur au département de biologie de l’Université Laval
Un apiculteur observe les abeilles dans une ruche.

Un apiculteur observe un rayon de miel.

Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

Généralement, les apiculteurs essuient des pertes d’environ 20 % de leur colonie durant l’hiver. Au-delà de 35 %, il est très difficile de sauver les meubles, prévient l’expert sur les ondes de l’émission matinale Première heure.

Parasite

Les inquiétudes concernant la survie des abeilles ne sont pas nouvelles, selon le chercheur. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette mortalité.

L’été dernier, ça a été un été très bon pour un parasite qui fait des dommages partout dans le monde. Il s’agit d’un acarien, le Varroa destructor. Le contrôle du Varroa à l’automne dernier n’a pas été aussi bon qu’à la normale, avance M. Giovenazzo. Des colonies ont cohabité avec le parasite lors de leur isolement hivernal. Il passe l’hiver ensemble, ce parasite-là va provoquer beaucoup de tort.

Un carton quadrillé qui piège les insectes.

Le Varroa destructor est un minuscule parasite transporté par les abeilles du champ vers les ruches ainsi qu’entre les ruches.

Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

Est-ce que les abeilles sont plus fragiles en raison de la présence de produit chimique? Selon l’expert, les abeilles sont des animaux domestiques qui sortent dans l’environnement l’été et y sont sensibles.

Mais est-ce que ces produits pourraient expliquer la mortalité hivernale? Ça, je ne sais pas, il va falloir voir ce qui est arrivé.

Impact sur les bleuets

Les préoccupations sont grandes, selon M. Giovenazzo, notamment pour les revenus des apiculteurs et la production de miel, mais aussi en raison du rôle central des apiculteurs dans l’environnement.

Il existe un effet de domino. On s’attend à ce que les abeilles aillent polliniser les bleuets, les canneberges, les pommes. Les producteurs de bleuets, là, il manque d’abeille, prévient l’expert.

La plupart des petits fruits fleurissent à un moment précis de l’année. Si les abeilles ne sont pas prêtes, c’est toute l’industrie qui est affectée, prévient le chercheur.

Des bleuets

Des bleuets du Lac-Saint-Jean

Photo : Radio-Canada / Chantale Desbiens

Scott Plante en voit déjà les conséquences. Habituellement, il envoie des ruches au Saguenay Lac-Saint-Jean pour aider à la production de bleuets. Je vais avoir beaucoup de difficultés cette année. J’ai 70 % moins de ruches à offrir au Lac-Saint-Jean. Ça va affecter toute mon année.

Reines

Pierre Giovenazzo croit que les apiculteurs travailleront à rebâtir leur cheptel en les scindant en deux. On divise quelque chose en deux. C’est deux ruches plus faibles au lieu d’une ruche plus forte. Ça fait qu’on fait moins de miel, prévient toutefois Scott Plante. C’est beaucoup d’énergie qu’on va devoir insérer dans nos ruches pour remonter notre cheptel.

Mais pour diviser les ruches, les apiculteurs ont besoin des reines. Scott Plante en a d’ailleurs commandé 300 de l’extérieur.

Gros plan d'une reine avec ses abeilles.

Ce sont surtout les abeilles mellifères qui produisent du miel.

Photo : GracieusetéScott MacFarlane

On importe des reines des Californie, de la Nouvelle-Zélande, d’Hawaï. Notre industrie elle est très dépendante de l’importation d’abeilles, indique M. Giovenazzo. Il va falloir qu’on se penche là-dessus comme industrie canadienne.

Au Québec, la production de reine est limitée en raison du climat.

Ce qui est plus dur, c’est [pour] l’ego. On pense tout connaître, mais la nature vient nous montrer à quel point on ne la connait pas, conclut Scott Plante.

Pas de tonte de gazon avant juin

Plusieurs municipalités, dont la Ville de Québec, adhèrent cette année au Défi pissenlits lancé l’an dernier par Miel et Compagnie, une entreprise apicole située à Portneuf, afin de sensibiliser la population à l’apport vital des insectes pollinisateurs, notamment les abeilles.

Les pissenlits, qui sont les premières fleurs à éclore au printemps, représentent une source de pollen et de nectar importante pour la survie des insectes pollinisateurs après la période hivernale.

La Ville de Québec, qui adhère pour la première fois cette année au mouvement, invite donc les citoyens à laisser pousser leur gazon tout le mois de mai pour protéger les abeilles.

Avec la collaboration de Claude Bernatchez, Alain Rochefort, Juliette Lefebvre et La Presse Canadienne



Reference-ici.radio-canada.ca

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