Chronique | L’époustouflante saison de Devon Levi et de Yaniv Perets


La NCAA a dévoilé mercredi l’identité des 10 derniers finalistes en vue de l’obtention du trophée Hobey-Baker, remis annuellement au joueur par excellence du hockey universitaire américain. Sur cette liste, on retrouve les noms de deux joueurs nés hors des États-Unis: les gardiens québécois Devon Levi, de l’Université Northeastern, et Yaniv Perets, qui défend les couleurs de l’Université Quinnipiac.

Levi et Perets n’ont pas volé leur place au sein de ce groupe sélect, comme en témoignent les statistiques hallucinantes et les records qu’ils ont signés.

Les liens qui les unissent rendent toutefois leur histoire encore plus particulière. Levi et Perets ont en effet grandi à un jet de pierre l’un de l’autre dans l’ouest de l’île de Montréal. Et en plus d’être des amis d’enfance, ces deux anciens des Lions du Lac Saint-Louis peaufinent leurs habiletés avec le même entraîneur durant l’été.

Yaniv et moi sommes amis depuis l’âge de 7 ou 8 ans. Nous avons même disputé quelques saisons ensemble au hockey mineur et nos familles sont proches l’une de l’autre, raconte Devon Levi, que les amateurs de hockey commencent à bien connaître en raison des exploits qu’il réalise depuis quelques saisons.


Pas plus tard qu’en février dernier, Devon Levi était à Pékin avec l’équipe olympique canadienne.

Après l’avoir vu compiler une exceptionnelle moyenne d’efficacité de ,964 au mondial junior en 2021 et décrocher le titre de gardien par excellence du Défi mondial junior (junior A) en 2020, les dirigeants de Hockey Canada ont fait abstraction de ses 20 ans et lui ont fait une place au sein de l’équipe nationale.

Je n’ai pas disputé de match aux Jeux, mais je n’ai aucun regret d’y être allé. J’ai représenté le Canada et j’ai appris quelque chose de nouveau tous les jours au contact de vétérans comme Eric Staal. Ça a été très enrichissant, témoigne Devon Levi, qui est un espoir des Sabres de Buffalo.

C’est une exceptionnelle première dans l’uniforme des Huskies de l’Université Northeastern qui lui a valu cette invitation à Pékin. D’ailleurs, en plus de sa nomination pour le Hobey-Baker, on vient tout juste de décerner à Levi le titre de recrue par excellence de la conférence Hockey East.

Avec Northeastern, il a présenté une fiche de 12-6-1 et maintenu une moyenne d’efficacité de ,951 (1,64 but accordé par match). Dans l’histoire de la conférence Hockey East, seul l’ex-gardien des Red Wings de Détroit Jimmy Howard (en 2003-2004) est parvenu à maintenir une meilleure moyenne d’efficacité que Levi (,953).

Pour l’ensemble de la saison, si l’on tient compte des matchs disputés hors de la conférence Hockey East, les chiffres de Levi sont encore meilleurs! Sa moyenne d’efficacité se situe à ,954 et sa moyenne de buts alloués ne s’élève qu’à 1,47.

En plus, Devon Levi a encore une chance de mener Northeastern à la conquête du championnat de la NCAA. En effet, les Huskies affronteront l’Université du Connecticut en demi-finale de leur conférence en début de soirée vendredi.

Nous connaissons une saison incroyable jusqu’à présent. Mes coéquipiers jouent très solidement devant moi. Nous espérions connaître du succès, mais il y a une grande différence entre espérer quelque chose et le réaliser. Cela dit, notre travail n’est pas encore fini, souligne Levi.

Le gardien québécois compte parmi ses coéquipiers Ryan St-Louis ainsi que les frères Riley et Jack Hughes, dont les pères sont respectivement entraîneur et directeur général du Canadien.

Un bandeau annonçant le balado de Radio-Canada Sports : Tellement hockey


Yaniv Perets, quant à lui, vient tout juste de célébrer son 22e anniversaire. Il a toujours excellé, mais, pour diverses raisons, il est passé sous les radars des recruteurs de la LNH au cours des dernières années.

Cela ne l’a pas empêché de signer la meilleure saison de l’histoire de la conférence ECAC, au sein de laquelle jouent les Bobcats de l’Université Quinnipiac. Et le plus incroyable dans son histoire, c’est que Perets ignore à quel point, d’un point de vue statistique, son rendement a été exceptionnel!

J’ai une demande un peu étrange à vous faire, m’a-t-il lancé au début de notre entrevue. Est-ce que ce serait possible de ne pas me dire quelles sont mes statistiques? Je n’en ai aucune idée. Je ne les consulte pas les médias ou les réseaux sociaux durant la saison et je me concentre uniquement sur ce qui se passe sur la patinoire. Je me dis que de cette façon, les bonnes choses arriveront d’elles-mêmes.

Un gardien se rafraîchit.

Yaniv Perets

Photo : The Quinnipiac Chronicle/Peyton McKenzie

Yaniv Perets a littéralement taillé ses opposants en pièces cet hiver. Il montre une fiche de 20-4-2 ainsi que la meilleure moyenne de buts accordés (0,89) de l’ensemble du réseau de la NCAA. Il a accordé deux buts ou moins dans 24 de ses 26 départs, signé 11 blanchissages (meilleure performance nationale) et il a connu une séquence record de 369 minutes de jeu sans être déjoué. Sa moyenne d’efficacité de ,952 le place au second rang sur la scène nationale, tout juste derrière Levi.

À juste titre, en plus de sa nomination pour le Hobey-Baker, Yaniv Perets a été proclamé joueur de l’année et gardien par excellence de l’ECAC.

Pour lui aussi le travail n’est pas terminé, puisque les Bobcats de Quinnipiac affronteront l’Université Colgate en demi-finale de leur conférence, à Lake Placid, vendredi après-midi.

Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours voulu être gardien et j’ai toujours été passionné par cette position. À Quinnipiac, j’ai la chance de me retrouver dans un environnement où tout le monde travaille fort et où les entraîneurs sont très exigeants. C’est un endroit idéal pour développer son talent. C’est très stimulant, aussi, de faire partie d’un programme où lutter pour le titre national fait partie des attentes, raconte Yaniv Perets.


Au bout du fil, l’entraîneur de gardiens Marco Raimondo ne semble pas tout à fait surpris des résultats époustouflants de ses élèves.

Présentement entraîneur des gardiens des Redbirds de McGill et ex-entraîneur des gardiens des Mooseheads d’Halifax, notamment, Raimondo supervise la préparation estivale de Devon Levi depuis cinq ans, et celle de Yaniv Perets depuis l’an dernier. (Perets travaillait précédemment avec Marco Marciano, du Rocket de Laval. Et il lui attribue aussi une très grande part de ses succès.)

Je vais vous raconter une histoire qui illustre bien à quel genre d’athlètes on a affaire, annonce Raimondo.

Durant l’été, Devon et Yaniv passent leur temps à me demander de réserver des heures de glace supplémentaires. Ça ne les dérange pas de se présenter à l’aréna à 7 h le samedi et le dimanche pour s’entraîner davantage que le prévoit notre programme.

L’été dernier, ils m’ont écrit un vendredi soir pour me faire une telle demande. Et ils m’ont rappelé sur FaceTime en fin de soirée pour confirmer le tout. À ma grande stupéfaction, ils avaient leur masque dans le visage, et ils étaient en train de recevoir des tirs dans un sous-sol!

J’avais devant moi deux gars de 20 ans, un vendredi soir d’été à Montréal, qui jouaient au hockey au lieu de prendre une bière avec leurs amis. Quand j’ai raccroché, j’ai dit à ma femme que rien n’allait réussir à stopper ces deux gars-là.


Marco Raimondo soutient que c’est la qualité des lectures de jeu et l’intelligence qui sont les qualités premières des gardiens exceptionnels. Son discours détonne avec la pensée dominante de la LNH, où les gardiens de moins de 6 pieds 2 pouces sont de moins en moins regardés par les recruteurs.

Or, Devon Levi fait 6 pieds et Yaniv Perets mesure 6 pieds 1 pouce. Et leur entraîneur croit que leurs performances parlent d’elles-mêmes.

À son année de repêchage, Devon était à mon avis supérieur à tous les gardiens de son âge à cause de son intelligence, de son sens du hockey et de son sens de l’anticipation (en 2020, Levi a finalement été sélectionné au 7e tour (212e) par les Panthers de la Floride).

Le travail d’un gardien consiste à identifier une situation et à se placer dans une position optimale pour faire un arrêt ou réagir à la prochaine passe. Quand vous décortiquez un match de Devon Levi, sur 50 situations de jeu, il prend la bonne décision entre 48 et 50 fois, explique-t-il.

Et Yaniv Perets est un autre gardien qui ne voit pas les matchs du même oeil que les autres, soutient-il.

Cette saison, à titre d’exemple, Yaniv et moi avons passé une heure au téléphone pour décortiquer un but marqué dans un match opposant Boston et New York. Il voulait savoir quelle aurait été la meilleure façon de réagir sur ce jeu. Il voulait absolument avoir la bonne réponse.

Yaniv est un autre jeune homme extrêmement intelligent. Il est attentif au moindre détail et soucieux de commettre le geste optimal avant de l’intégrer dans son bagage technique, analyse-t-il.

Même s’il n’est qu’un joueur de deuxième année à l’université, Perets attire évidemment les regards de plusieurs équipes de la LNH puisqu’il est joueur autonome.

Pourquoi n’a-t-il pas été repêché dans la LNH? C’est une bonne question parce que Yaniv a toujours été bon. Je pense qu’il s’est faufilé entre les mailles du filet parce qu’il a joué seulement une saison dans le M-18 au Québec avant de passer par le junior A ontarien, par la Nouvelle-Angleterre et ensuite par la BCHL en Colombie-Britannique. Il a été plus difficile à suivre que d’autres, estime Raimondo.

Au bout du compte, il est temps qu’on se remette à miser sur les gardiens qui stoppent véritablement les rondelles plutôt que sur ceux qui pourraient potentiellement les arrêter parce qu’ils mesurent 6 pieds 4 pouces.

Juuse Saros (Predators de Nashville) mesure 5 pieds 11 pouces et il n’y a aucun gardien dans la LNH qui reçoit plus de tirs que lui entre les deux épaules. Il est l’un des gardiens qui excellent le plus à travers la ligue. Ça démontre qu’il y a de la place pour les gardiens qui savent faire les bonnes lectures de jeu, de conclure Marc Raimondo.



Reference-ici.radio-canada.ca

Leave a Comment