Chronique | À l’heure de la grande refonte en F1, qui aura l’avantage au départ?


Le Britannique a fait le vide cet hiver, dans sa famille, sans jamais penser à prendre sa retraite, a-t-il affirmé. Le voir quitter la formule 1 (F1) aurait laissé au mieux un goût d’inachevé, au pire un goût d’abandon face à plus fort que lui.

Lewis Hamilton a (enfin) un adversaire à sa taille qu’il veut battre. Un tour a suffi à Abou Dhabi, le 12 décembre 2021, pour l’obliger à changer de rôle. Il est maintenant dans la combinaison du poursuivant et non du poursuivi.

Encore casqués, deux pilotes de F1 se serrent la main.

Max Verstappen félicite Lewis Hamilton d’avoir décroché sa 100e pole position en F1.

Photo : Getty Images / Mark Thompson

Après avoir été pendant sept ans le poursuivi, le Britannique n’aura pas à regarder tout le temps dans son rétroviseur; il pourra regarder droit devant, avec le double objectif de battre Red Bull et Max Verstappen.

Ce nouvel affrontement entre Red Bull et Mercedes-Benz donne à Lewis Hamilton une surdose de motivation pour aller chercher son huitième titre.

À la lumière des essais présaison à Bahreïn, Hamilton n’a pas une course gagnée d’avance.

Comme vous le savez maintenant, les pilotes ont de nouvelles voitures cette saison. Elles sont nées d’un nouveau règlement technique écrit par le groupe Formula One, dirigé dans cette tâche par l’ingénieur britannique Ross Brawn, devenu le directeur sportif de la F1, désireux de favoriser les batailles et les dépassements en course.

Pour y arriver, il fallait revoir l’écoulement de l’air sous la voiture, pour permettre un meilleur appui de la monoplace, même quand elle roule dans le sillage d’une autre. D’où le retour de l’effet de sol né dans les années 70 au sein de Lotus, imaginé par le Britannique Colin Chapman, ce qui avait permis à Mario Andretti de remporter le titre dans la Lotus 78.

Cette grande réflexion a accouché de nouveaux paramètres techniques (essentiellement aérodynamiques) qui permettront théoriquement un meilleur appui. À 20 m de distance, la perte d’appui passe de 35 % en 2021 à 4 %, tandis qu’à 10 m, la perte passe de 45 % en 2021 à 18 %, selon les simulations.

« Suivre une autre voiture semble un peu plus facile, ce qui va, espérons-le, dans la bonne direction. »

— Une citation de  Lewis Hamilton, pilote automobile, Mercedes-Benz

Alors qu’on s’attendait à voir en piste des voitures assez similaires (sans tomber dans la standardisation voulue par l’IndyCar), les ingénieurs ont eu vite fait d’interpréter le règlement à leur avantage. Mercedes-Benz a poussé le bouchon très loin en mettant en piste à Bahreïn une monoplace audacieuse, la W13, privée de pontons latéraux, dans lesquels on trouve généralement les radiateurs et le filage électronique.

Ross Brawn ne s’attendait pas à pareille interprétation de son règlement. Il a fallu trouver une astuce pour attacher les rétroviseurs de la W17 à la coque dans sa version B – la version A apparue à Barcelone avait des pontons –, et Ferrari entend déjà contester cette interprétation, affirmant que ces attaches sont des appendices aérodynamiques, ce qui est interdit par le règlement.

Également, pour assurer la stabilité du fond plat (qui doit être fixe), la W13 est munie devant les roues arrière d’un filin de métal (à 45°) qui paraît exposé au moindre choc latéral.

Un pilote de F1 bloque son pneu avant droit dans un virage.

George Russell dans la Mercedes-Benz W13B à Bahreïn

Photo : Getty Images / Lars Baron

On ne peut pas reprocher à Mercedes-Benz de tenter une approche novatrice, voire audacieuse, et de l’essayer lors des essais présaison, malgré le peu de temps de piste disponible (six jours : trois à Barcelone et trois à Bahreïn) avant le début de la saison. Après tout, les essais sont faits pour ça.

À l’issue des essais de Bahreïn, Lewis Hamilton a déjà dit que l’équipe allemande ne se battrait pas pour la victoire en début de saison. Intox ou réelle inquiétude?

Le Britannique a fait le 16e temps des essais, tandis que son nouveau coéquipier, George Russell, a fini au 5e rang. Évidemment, il faut prendre ces résultats avec les précautions d’usage, car en essais présaison, les équipes ne communiquent ni les réglages utilisés ni le niveau d’essence dans le réservoir. On ne voit que l’angle choisi des ailerons et le type de pneus (les durs sont à bande blanche; les mi-durs, à bande jaune; et les tendres, à bande rouge).

Doit-on s’inquiéter de la relative contre-performance de Mercedes-Benz avec sa W13 novatrice, alors que Max Verstappen – le pilote le plus performant en 2021 avec ses 10 victoires contre 8 pour Hamilton et ses 10 positions de tête contre 5 – a fini les essais présaison avec le meilleur temps dans la RB18 (1:31,720, contre 1:34,141 pour Hamilton)?

Mercedes-Benz ne sera-t-elle pas tentée de revenir à la première version de la W13, vue à Barcelone, si son audace ne paie pas? Pour éviter les critiques et les incertitudes qui l’accompagnent?

De nouveaux paramètres

Les équipes auront-elles cette saison les coudées franches pour corriger le tir si nécessaire ou pour assurer un développement continu de leur monoplace durant la saison?

Le plafond budgétaire, instauré en 2021 à 145 millions de dollars, est réduit cette année. En 2022, le budget annuel est fixé à 140 millions de dollars pour 21 courses, plus 1,2 million pour chaque course supplémentaire, alors que le calendrier en compte 22. Ce qui fait 141,2 millions de dollars pour la saison 2022.

Rappelons que ce budget n’englobe ni les dépenses marketing, ni les salaires des pilotes, ni ceux des trois employés les mieux payés de l’équipe.

Rappelons aussi que le plus gros budget dans l’histoire de la F1 a été celui de Mercedes-Benz en 2016, soit 488,253 millions de dollars américains (source : Forbes).

Autre interrogation au sujet de Lewis Hamilton : aura-t-il un porteur d’eau comme coéquipier ou un réel adversaire en la personne de George Russell, qui voudra confirmer sa valeur dans une voiture compétitive, après son passage avec Williams?

Du côté de Red Bull, la question ne se pose pas. Max Verstappen est le pilote numéro 1, comme en fait foi la prolongation de son contrat jusqu’en 2028 (pour un montant estimé à 250 millions de dollars américains).

Au sein de Mercedes-Benz, le directeur, Toto Wolff, devra gérer le passage du flambeau. Est-ce que ce sera cette saison? Si Lewis Hamilton se trouve en position de remporter le titre, Russell lui servira d’écran, mais si la W13 n’est pas à la hauteur des espérances, ce sera chacun pour soi.

Deux voitures se suivent sur un circuit de F1.

La Williams de Nicholas Latifi devant l’Aston Martin de Lance Stroll à Bahreïn

Photo : Getty Images / MAZEN MAHDI

La confiance est fragile au sein d’Aston Martin, avec les performances discrètes de l’AMR22 (12e temps de Sebastian Vettel en 166 tours, 15e chrono de Lance Stroll en 173 tours).

« Les essais nous ont appris plein de choses. La courbe d’apprentissage est beaucoup plus raide cette année. »

— Une citation de  Lance Stroll, pilote automobile, Aston Martin F1

L’ambiance est bien meilleure du côté de Ferrari (3e temps de Charles Leclerc en 169 tours), elle qui court après un premier titre des constructeurs depuis 2008, et un titre des pilotes depuis 2007 (Kimi Räikkönen).

En 2021, l’équipe italienne a fini au troisième rang du classement des constructeurs, et les essais présaison de 2022 sont très encourageants. La F1-25 a parcouru 3941 km au total des essais présaison, soit 20 km de plus que les deux versions de la W13 de Mercedes-Benz.

Le duo de pilotes composé de Charles Leclerc et de Carlos Sainz (27 ans) est le plus homogène du plateau, et tout indique que Ferrari fera de l’ombre à Red Bull et à Mercedes-Benz au début de la saison.

Trouver les meilleures solutions

Ferrari a réussi à colmater la première brèche constatée aux essais présaison, le curieux phénomène de rebond ou d’oscillation verticale – que la presse européenne appelle le marsouinage ou le pompage – de la monoplace en ligne droite, qui donne des maux de tête aux pilotes, au propre et au figuré.

En collant à la piste grâce à l’effet de sol, le fond plat touche à la piste, ce qui la fait remonter instantanément, et privée de tout appui, l’effet de sol se remet en marche pour la faire redescendre. Ce mouvement d’oscillation se répète à haute vitesse (porpoising en anglais).

La solution la plus simple est de relever la hauteur de caisse, mais c’est priver la monoplace d’une partie de son appui. Alors, les équipes travaillent d’arrache-pied à régler ce problème.

Le phénomène de rebond était très présent lors des essais de Barcelone; il était encore visible à Bahreïn. Les pilotes en souffriront-ils encore le week-end prochain, dans ce premier grand prix de la saison? Avec un deuxième grand prix dans la foulée, une semaine plus tard, en Arabie saoudite?

Réponse dans quelques heures, sur le circuit de Sakhir, au royaume de Bahreïn; premier rendez-vous de la saison.

Les voitures entrent en piste vendredi, à 8 h (HAE).



Reference-ici.radio-canada.ca

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