Changer le discours sur la sécurité des femmes en course à pied


C’est comme si on disait que c’est la faute des femmes si elles se font attaquer, mais ce n’est pas du tout ça notre objectif, s’exprime Jolyane Bérubé, copropriétaire de la boutique Le coureur nordique et kinésiologue.

L’objectif de cette boutique, c’est de démocratiser la course à pied, d’après elle. On sait que de nombreuses coureuses ont vécu des moments où elles ne se sentaient pas en sécurité. On est donc de retour avec un atelier pour donner des outils pour gérer cette insécurité, poursuit la passionnée de course.

Pour faire connaître l’atelier Cogne-fou, une première publication sur Facebook s’adressait aux coureuses peureuses, à celles qui se sentent comme des proies faciles. Je me suis fait taper sur les doigts pour avoir utilisé ces termes, mais j’ai répondu à tout le monde pour m’excuser et on a changé la publication, affirme Jolyane Bérubé.

Selon elle, ce type d’atelier est loin d’être la seule solution au sentiment d’insécurité vécue par les femmes en course à pied. Elle croit, comme de nombreuses personnes, qu’un changement global sur la violence envers les femmes doit être effectué.

Marc Couture fait une démonstration lors de l'atelier Cogne-fou.

Marc Couture fait une démonstration lors de l’atelier Cogne-fou, donné en collaboration avec la boutique Le coureur nordique. (archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe Martin

Ce n’est pas aux femmes de changer

D’après Marie-Soleil Gagné, directrice adjointe à Accès transports viables et coordonnatrice du projet Femmes et mobilité, le harcèlement de rue existe, même s’il n’est pas beaucoup documenté à Québec.

Les cours d’autodéfense sont un outil, c’est une bonne initiative, mais ce n’est pas la seule solution. Ce n’est pas aux femmes de changer, fait-elle valoir.

Tout comme Jolyane Bérubé, elle prône un changement complet de l’approche de la société. Avec le projet Femmes et mobilité, on précise les autres solutions comme un meilleur aménagement des villes, plus d’éclairage, une meilleure signalisation pour prévenir contre les agressions potentielles.

Marie-Soleil Gagné ajoute que son organisme a répertorié des témoignages de femmes à Québec qui disent vivre de l’insécurité en marchant à certains endroits dans la ville.

Une illustration avec des personages qui marchent ou sont en vélo. C'est écrit : Mettre en lumière les enjeux de mobilité des femmes dans la Capitale-Nationale.

Accès transports viables ouvre la discussion sur la mobilité des femmes et des personnes issues de la diversité des genres.

Photo : capture d’écran/femmesetmobilite.org/

Une agression médiatisée

Le Service de police de la Ville de Québec n’est pas en mesure de fournir le nombre exact de plaintes associées à des cas d’agressions ou de harcèlement de coureuses sur son territoire. Les données n’étant pas catégorisées de cette manière.

En 2015, un cas d’agression a marqué la population de Québec. Une joggeuse s’est fait violemment attaquer dans un sentier près de la rivière Saint-Charles.

Elle a été en mesure de se libérer de son assaillant, qui lui, a ensuite été condamné à six ans de détention pour les gestes qu’il a commis.

Toutes les coureuses ont une histoire

Murielle Cayouette raconte avoir vécu une situation à Québec lors de laquelle un individu l’a prise par les hanches, par-derrière, alors qu’elle courait dans un quartier paisible de la ville.

Je me suis retournée très rapidement pour le regarder donc je pense qu’il a été surpris, poursuit-elle. L’homme est parti et à ce jour, elle ne sait pas si c’était une mauvaise blague ou si la personne avait réellement de mauvaises intentions.

J’ai eu très peur. Maintenant, je suis plus intentionnelle dans mon choix de parcours. Je ne cours jamais sans mon cellulaire, indique-t-elle.

Sans vouloir être alarmiste, Murielle Cayouette connaît de nombreuses coureuses qui ont vécu des craintes similaires.

Ce pour quoi elle accepte la solution mitoyenne devant cet enjeu. En attendant que les mœurs changent, c’est pour ça qu’il faut des ateliers d’autodéfense comme ceux que propose Le coureur nordique, pense-t-elle.

Deux femmes font de la course à pied sur la rue Christophe-Colomb à Montréal.

Certaines femmes préfèrent courir à deux.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Continuer de courir

L’atelier Cogne-fou du Coureur nordique a d’ailleurs été créé par un policier à la retraite. Marc Couture a déjà aidé une femme ayant vécu une agression en courant, il connaît bien le monde de la course. Il nous a proposé la formation et on a accepté, explique Jolyane Bérubé de la boutique située sur le chemin Sainte-Foy.

Il donne des conseils, des façons de se sortir d’une situation d’inconfort. Ce qu’on veut, c’est que les femmes ne cessent pas de courir parce qu’elles ont peur, mentionne la copropriétaire et kinésiologue.

Le projet Femmes et mobilité vise aussi à augmenter la sensibilité du public devant l’enjeu plus général de l’insécurité des femmes dans l’espace public.

Ça prend aussi l’aide de tout le monde. Si quelqu’un voit une femme se faire enquiquiner par un homme, c’est possible d’aller lui parler, faire comme si on la connaissait. L’agresseur se trouve alors les culottes à terre, donne comme exemple Marie-Soleil Gagné.

Elle espère qu’avec le projet qu’elle coordonne, Accès transports viables soit en mesure de répertorier plus d’informations sur le sentiment d’insécurité des femmes dans la ville, pour mieux documenter l’enjeu.



Reference-ici.radio-canada.ca

Leave a Comment