Analyse | Doug Ford n’est pas à l’abri de la guerre de clan conservatrice


Se chevaucheront donc, dans quelques semaines, la campagne électorale ontarienne et la guerre de clan conservatrice. À l’exception de Jean Charest, tous les candidats annoncés à la chefferie fédérale sont de l’Ontario : Leslyn Lewis, Pierre Poilievre, Scott Aitchison, Patrick Brown et Roman Baber. Les deux derniers ont siégé à Queen’s Park en tant que progressiste-conservateur.

Doug Ford impose la neutralité à son caucus pour éviter d’être éclaboussé par la bataille houleuse qui se dessine. Les électeurs, qui ne différencient pas toujours le parti fédéral du parti provincial, risquent cependant d’avoir le tournis.

D’autant plus que les formations partagent la même base militante en Ontario et que leurs bénévoles seront divisés entre deux campagnes.

Le NPD et les libéraux ontariens, qui peinent à s’imposer comme alternative progressiste, voudront sans doute associer Doug Ford avec les prises de positions de candidats fédéraux sur la pandémie, les débats identitaires ou l’environnement.

Comme Pierre Poilievre promet de le faire s’il est élu, Doug Ford a pulvérisé des règles environnementales mises en place sous les libéraux et tenté d’abolir la taxe fédérale sur le carbone.

Si Jean Charest et Patrick Brown proposent des solutions plus modérées, cela pourrait donner des munitions aux partis d’oppositions ontariens, alors que la guerre en Ukraine relance les débats sur la production pétrolière au Canada.

Droit de religion

La loi québécoise sur la laïcité, un sujet que Doug Ford a toujours cherché à esquiver, est un autre enjeu qui pourrait rebondir sur la scène provinciale. Patrick Brown, qui est maire de Brampton, a piloté la levée de fonds contre la loi 21. Jean Charest, Pierre Poilievre et Leslyn Lewis dénoncent également la loi.

Ça pourrait devenir embêtant pour M. Ford si on lui demande de se positionner, croit la politologue Geneviève Tellier. Les libéraux [de Steven Del Duca] ont avantage à en faire un enjeu, parce que leurs principaux appuis sont dans les grands centres métropolitains où la loi est très impopulaire, alors que Ford a surtout des appuis en banlieue et en région, où on la voit moins d’un mauvais oeil.

La coalition d’électeurs qui a porté Doug Ford au pouvoir est aussi partagée; des communautés multiculturelles de la Ford Nation y voient un affront à leur liberté de religion.

En campagne, Doug Ford se concentrera donc sur son bilan plutôt que sur ce qui divise, prédit la militante conservatrice et ancienne attachée de presse de Caroline Mulroney, Natasha Tremblay.

Le Parti progressiste-conservateur a pris ses distances avec le parti fédéral depuis l’élection de Doug Ford. On voyait les mêmes divisions entre les progressistes et la droite sociale dans la course à la chefferie de 2018. Mais une fois élu, Doug Ford a réussi à unir son parti. Il plaît à la droite sociale, mais n’a pas de tolérance pour ceux qui vont trop loin à droite, comme Belinda Karahalios, Randy Hillier et les autres députés [anti-mesures sanitaires] qu’il a exclus, dit Mme Tremblay.

L’un de ces députés exclus, d’ailleurs, est le candidat à la direction du PC Roman Baber.

Des personnes passent près d'un camion portant un drapeau appelant le député conservateur Pierre Poilievre à devenir premier ministre lors de l'occupation d'Ottawa en février.

Le candidat Pierre Poilievre a fortement appuyé le mouvement des camionneurs. Durant et depuis la crise, il a lancé des pétitions en ligne afin d’accroître sa base de données dans la course à la direction du Parti conservateur.

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Enfin, il y a une autre variable à considérer : les prises de positions de candidats fédéraux sur les mesures à prendre si une 6e vague de COVID-19 devait survenir au printemps. Un scénario qui pourrait torpiller la campagne de Ford, puisque toutes les mesures sanitaires seront levées à ce stade en Ontario.

Ces débats déchireraient aussi à nouveau la famille de Doug Ford, dont la fille Krista est une militante antivaccin notoire.

Ne pas s’attaquer à Justin Trudeau

Ce n’est pas la première fois que Doug Ford choisit la neutralité. Lors de l’élection fédérale de 2021, Doug Ford avait conclu un cessez-le-feu avec Justin Trudeau. Il a souvent vanté sa relation amicale avec Chrystia Freeland.

Son gouvernement compte sur l’aide financière d’Ottawa pour ses projets de transports en commun et de véhicules électriques. L’Ontario a reçu des milliards pour lutter contre la COVID-19.

Et même si les négociations ont traîné, Doug Ford serait sur le point de signer une entente sur le programme national de garderies, que des candidats à la direction du Parti conservateur du Canada ont promis d’abolir.

L’ancienne vice-première ministre du Canada, Sheila Copps, croit que la neutralité imposée à l’équipe Ford, du moins jusqu’au 2 juin, pourrait désavantager la candidature de Jean Charest en Ontario, puisqu’il ne pourra pas compter sur l’appui de Caroline Mulroney, par exemple.

Son père, Brian Mulroney, a encore beaucoup de racines en Ontario et Jean Charest va essayer d’embarquer ces organisateurs-là. Mais la plupart des députés conservateurs fédéraux en Ontario se sont déjà rangés derrière Poilievre. Donc le fait que des députés provinciaux plus progressistes ne peuvent pas s’engager va créer plus de difficulté pour M. Charest.

Patrick Brown s’en soucie probablement moins. Après tout, c’est sa démission à la tête du Parti progressiste-conservateur, dans la foulée d’allégations d’inconduite sexuelle en 2018, qui a permis à Doug Ford de prendre les rênes du parti. Les deux camps ne s’aiment pas particulièrement. Plusieurs membres du caucus toujours en poste aujourd’hui avaient refusé d’appuyer M. Brown à l’époque, après l’éclatement de la controverse.



Reference-ici.radio-canada.ca

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